Stratégie retail

Promod : « Notre nouveau modèle économique porte ses fruits »

Par Dalila Bouaziz | Le | Enseignes

Julien Pollet, dirigeant de Promod, dévoile la transformation profonde de l’enseigne. Réduction des collections, stratégie de fidélisation innovante et engagement durable : Promod a su adapter son modèle économique pour retrouver la croissance et préparer de nouvelles expansions internationales.

Entré dans l’entreprise familiale en 2012, Julien Pollet est à la tête de Promod depuis 2018. - © D.R.
Entré dans l’entreprise familiale en 2012, Julien Pollet est à la tête de Promod depuis 2018. - © D.R.

Comment se porte Promod ?

L’enseigne va mieux. Nous avons clôturé notre exercice fin février 2024 en légère progression par rapport à l’année dernière : + 1,3 % toutes surfaces confondues et +2,5 % à surface comparable. Nous avons réalisé un chiffre d’affaires de 374 millions d’euros. Promod est rentable mais cette rentabilité reste relativement fragile car elle ne couvre pas encore 100 % des investissements.

Nous sommes en phase de transformation, nécessitant de nombreux investissements. Cette année, nous continuons à progresser mois après mois, ce qui constitue une bonne performance dans le contexte actuel. Nous comptons aujourd’hui 394 magasins : 370 magasins en France métropolitaine et DOM-TOM (Antilles, la Réunion) ainsi qu’à l’étranger (succursales ou contrats de distribution) : Belgique, Luxembourg, Suisse, Malte et l’île Maurice. Nous sommes aussi présents en Algérie via du wholesale, et en Guyane et Nouvelle-Calédonie.

Pouvez-vous revenir sur la transformation de votre enseigne ?

Promod a été créée par mon père en 1975, avec l’intention de démocratiser une mode qualitative, décontractée, colorée et imprimée. Son objectif était de rendre accessible à un plus large public des vêtements faciles à porter, répondant au besoin social des femmes de renouveler plus régulièrement leur garde-robe. Nous avons développé un réseau de distribution, d’abord en France puis rapidement à l’étranger. Au fil des années, les collections se sont agrandies et renouvelées de plus en plus fréquemment, et les volumes ont considérablement augmenté.

Au début des années 2000 jusqu’à la fin des années 2010, Promod a connu une croissance importante grâce à l’essor du Retail Fashion. Il s’agissait alors de développer toujours plus de magasins dans lesquels on mettait toujours plus de produits à acheter et toujours un peu plus loin. Cette période a été marquée par une grande rentabilité pour Promod. En 2016, la machine s’est grippée. Nous sommes tombés dans un cercle vicieux où nous envoyions des collections aux magasins, mais les clientes n’étaient pas au rendez-vous. Cela a entraîné un surplus de surstock dans les points de vente qui se sont retrouvés engorgés. Comme les collections étaient achetées très longtemps à l’avance, il était impossible de freiner l’arrivée de nouveaux produits. Et pour stimuler les ventes et la rotation des stocks, nous avons dû appliquer des promotions de plus en plus importantes, y compris hors des périodes de soldes. En conséquence, les produits ont été dévalorisés et les marges fortement dégradées. Nous avons perdu beaucoup d’argent durant cette période, ce qui a nécessité une prise de conscience urgente.

Quel plan de relance avez-vous mis en place ?

Nous avons fait appel à une directrice générale, Nadine Caux. Durant quatre ans, elle a impulsé la transformation du business model de masse à un modèle de précision. Nous avons alors réduit la taille des collections, le nombre de références, développé une agilité sur les quantités achetées afin de pouvoir ajuster nos achats, en fonction du contexte, et redéveloppé le proche import. L’objectif était de revaloriser les produits avec moins de promotions et de maximiser la rentabilité de chaque article vendu pour générer plus de marge.

Nous sommes passés d’un modèle de masse à un modèle de précision.

Nous avons évolué vers un retail responsable et sur-mesure tout en restant une marque accessible. Nous avons commencé à adopter une autre approche pour l’achat de nos collections afin de minimiser leur impact environnemental, car le vêtement le plus polluant est celui qui a été produit inutilement. Chaque année, nous enrichissons cette stratégie avec des produits éco-conçus et collectons de nombreuses données pour être pertinent autour de l’affichage environnemental.

Et concernant l’offre ?

Nous adaptons nos collections selon les marchés, proposant des lignes spécifiques entre octobre et avril pour les régions hors de la France métropolitaine. Nous travaillons de manière collaborative, en intégrant les retours de nos clientes via des tables rondes et des événements de co-création. Cela a conduit à des améliorations, comme l’ajout de nouvelles tailles (46 et 48) depuis un an. Nous proposons une mode accessible qui inclut la durabilité et la circularité.

L’enseigne recense 2500-3000 références par an. - © D.R.
L’enseigne recense 2500-3000 références par an. - © D.R.

Depuis l’an dernier, nous commençons à récolter les fruits de ce travail initié en 2016 : moins de références, moins de couleurs et d’imprimés même si ces deux axes restent des marqueurs forts de l’enseigne. Nous sommes passés de près de 35 % de références imprimées à 20 %. Pour la saison printemps-été 2024, nous avons réduit l’assortiment de 7 %. Depuis 2018, nous avons diminué notre offre de plus de 20 %, avec actuellement 2 500-3 000 références par an.

En 2023, malgré une baisse de 3 % en volume vendu, nous avons augmenté notre marge de 4 % en réduisant les promotions nécessaires pour écouler le stock, abaissant ainsi le taux de promotion moyen de 21 % à 19,5 %. Pour ces soldes d’été, nous avons 15 % de stocks en moins.

Qui est la clientèle de Promod aujourd’hui ?

Nous sommes une marque généraliste qui s’adresse à toutes les femmes, quel que soit leur âge. Cependant, la cliente moyenne de Promod a vieilli d’environ un an chaque année, sur une période de dix ans, ce qui signifie que notre cliente type a pris 8 ans en moyenne. Aujourd’hui, nous concentrons nos efforts de recrutement autour des 30-45 ans. Nous sommes principalement implantés dans les grandes villes et villes moyennes.

Nous concentrons nos efforts de recrutement autour des 30-45 ans.

Nous restons dans la tendance sans être trop fashion, tout en conservant notre identité de marque : un style néo-bohème féminin et raffiné. Nos collections s’inspirent du voyage et de la liberté de s’habiller et de s’assumer comme on le souhaite. Nous proposons des vêtements plutôt casual et décontractés, avec des couleurs vives et des imprimés variés.

A combien s’élève le prix moyen ?

Le prix moyen se situe autour de 23-24 euros, avec un panier moyen d’environ 45 euros, soit environ deux articles par transaction. Plus de 80 % de notre chiffre d’affaires provient de nos clientes encartées. Notre programme de fidélité a la particularité d’être payant même si cela reste symbolique puisque la carte coûte 2 euros (elle déclenche un chèque de 6€ à l’ouverture de la carte).

Au-delà du fonctionnement classique qui permet de de cumuler des points à chaque achat, il inclut des services comme les retouches gratuites. Nous l’animons très régulièrement via des opérations promotionnelles ciblées, destinées uniquement aux porteuses de cartes.

Quels nouveaux services allez-vous lancer prochainement ?

Lors du second semestre 2024, nous allons enrichir notre programme de fidélité en incluant la reprise de produits. Actuellement, nous proposons un service appelé « Promod reprise » qui permet aux clientes de ramener leurs vêtements de seconde main, quelle que soit la marque (à l’exception d’une dizaine de marques jugées insuffisamment qualitatives). Elles reçoivent un bon de 8€ pour 45€ d’achat lorsqu’elles apportent 5 articles en bon état.

Nous allons enrichir notre programme de fidélité en incluant la reprise de produits.

Prochainement, cet argent sera automatiquement crédité sur le compte de fidélité de la cliente. Elle pourra ensuite utiliser son crédit de différentes manières, offrant ainsi plus de flexibilité et de commodité dans la gestion de ses avantages fidélité.

Si vous reprenez ces produits, on imagine que vous allez retenter des corners de seconde main dans des magasins ?

Tout à fait. Nous sommes actuellement en phase de test dans notre boutique circulaire à Calais. Par ailleurs, nous proposons déjà la revente de produits de seconde main dans nos trois magasins outlet en France. Nous projetons de déployer la seconde main dans d’autres magasins outlet ou circulaires. Cependant, nous ne prévoyons pas de la redéployer en corner dans nos boutiques classiques. Nous avons expérimenté ce concept dans deux points de vente, mais cela ne s’est pas avéré pertinent.

Quels sont les premiers enseignements de votre boutique circulaire ?

Les résultats sont encourageants mais cela ne se déroule pas exactement comme prévu, ce qui est le principe du test. L’idée était de regrouper en un même lieu différentes offres de produits circulaires : produits de seconde main, produits défectueux mais réparables, vêtements upcyclés. Nous offrons également des services de couture avec des patrons et des coupons à réaliser soi-même, quelques produits en promotion, ainsi que quelques essentiels de première main.

La seconde main est particulièrement plébiscitée au sein du magasin, présentée comme un produit neuf dans les rayons. Cependant, le panier moyen reste relativement bas plus que ce qu’on imaginait. Et la réparation ne semble pas être une attente des clientes. Nous réfléchissons à l’évolution de notre concept. Il est crucial d’anticiper les tendances de la mode circulaire et de proposer de nouvelles options à nos clientes.

Qu’en est-il de vos ventes en ligne ?

Nous avons remis à plat notre plateforme e-commerce, il y a trois ans. Notre application mobile fonctionne très bien. Nous apprécions particulièrement ce canal car il constitue un excellent relais pour les réseaux sociaux. Les ventes en ligne représentent 8 % de notre chiffre d’affaires. En tant que retailer historique, nous avons toujours considéré le web comme un canal parmi d’autres dans notre stratégie omnicanale.

Concernant le maillage des magasins, vous avez diminué de près de trois quarts votre parc. Où en êtes-vous dans votre stratégie ?

Promod compte 394 magasins. - © D.R.
Promod compte 394 magasins. - © D.R.

Entre 2017 et 2021, nous avons effectivement fermé 600 magasins sur les 1 000 que nous avions. Ce choix drastique nous a permis de traverser la crise Covid et celles qui ont suivi avec une plus grande agilité, en transformant profondément notre modèle économique. L’entreprise avait mis presque 40 ans à développer un réseau de 1 000 magasins donc cette décision a été un véritable crève-cœur. Nous sommes en train de valider que notre nouvelle équation économique peut être rentable et durable.

Nous envisageons à nouveau un développement modéré en France et à l’étranger, par le biais de la franchise. Nous allons ouvrir deux magasins en Arabie Saoudite via un nouveau partenaire en septembre, et deux autres sont prévus pour 2025.

Promod est une entreprise familiale, qu’est-ce que ça change ?

Cela a été un facteur déterminant dans la résilience de l’entreprise pour plusieurs raisons. Tout d’abord, la vision stable et continue incarnée par mon père pendant 45 ans a apporté une grande stabilité et une transparence qui ont maintenu l’engagement des équipes, même dans les périodes difficiles. L’actionnariat familial à 100 % a permis de soutenir l’entreprise en difficulté et de ne pas s’approprier toute la valeur créée, renforçant ainsi notre solidité financière.

Pendant la période Covid, notre situation financière saine, sans endettement et avec une trésorerie suffisante, nous a permis de surmonter la crise. Il y a à la fois la stabilité financière et la constance dans le projet, ainsi que l’aventure humaine et les valeurs partagées avec les collaborateurs, qui rendent nos organisations plus stables et plus solides.

Quels sont vos enjeux du moment ?

Notre objectif est de consolider notre business model de précision et continuer à progresser dans la maîtrise parfaite des gestions de nos stocks, de nos approvisionnements, et dans l’agilité de notre business model, tout en satisfaisant toujours plus de clientes. Nous avons beaucoup travaillé et atteint un bon niveau. Néanmoins, nous avons des questions d’image. Nous devons mieux communiquer sur notre identité, style, savoir-faire, singularité…

Enfin, notre 3e enjeu est d’avancer rapidement sur les enjeux RSE : développement durable, affichage environnemental, éco-conception de produits. Nous voulons proposer à nos clientes une mode toujours désirable et émotionnelle mais la moins impactante possible sur l’environnement et en adoptant une approche circulaire. C’est un vrai défi car cela remet profondément en question nos méthodes historiques. Nous sommes également en pleine réflexion sur l’entreprise à mission : comment l’intégrer dans notre statut, sous quelle forme, avec quels objectifs et quel plan de mission. Ce travail pourrait aboutir au premier semestre 2025.