Stratégie retail

Retournement de marque : les pratiques inspirantes de Maison 123

Par Dalila Bouaziz | Le | Enseignes

Maison 123 est en passe de devenir un cas d’école dans un secteur du prêt-à-porter fortement fragilisé. D’une enseigne en grande difficulté financière, elle est passée à une marque en croissance et profitable. Un retournement spectaculaire impulsé par la directrice générale Axelle Mathery, arrivée en 2019.

Le chiffre d’affaires de Maison 123 est en croissance de 10 % en 2023 à 160 millions d’euros. - © D.R.
Le chiffre d’affaires de Maison 123 est en croissance de 10 % en 2023 à 160 millions d’euros. - © D.R.

Comment s’est passée cette année 2023 ? 

Maison 123 démontre qu’avec du bon sens, une bonne organisation et vision stratégique, l’identification du bon positionnement et la passion, il est possible de relever les défis et défier une conjoncture difficile (inflation, guerre en Ukraine…). Nous allons frôler les 160 millions de chiffre d’affaires, en croissance de 9 % sur l’année 2023 pour la partie retail -et à périmètre constant- et de 20 % pour le web, soit au global une hausse de 10 %. Des chiffres assez exceptionnels lorsque vous regardez les chiffres du Panel Retail.Int de l’Alliance du commerce. En décembre, le textile femme était en négatif, dans les alentours de -3 % quand nous finissons l’année à +8,5 % en France. Nous enregistrons quasiment 11 points de delta sur par rapport au marché. Le bilan 2023 est donc très positif et encourageant pour la suite, en réalisant des croissances à 2 chiffres dès le mois d’août.

Nous observons un engouement pour notre marque. La révolution s’est opérée, et ce quels que soient les pays en France mais aussi dans nos quatre marchés européens (en propre) : Allemagne, Belgique, Luxembourg et Suisse également en croissance. Le business model fonctionne et va nous permettre pour 2024 et les années futures de dégager des Capex (Maison 123 appartient au groupe Etam, NDLR), afin de croître à la fois en France et à l’international, un enjeu important.

Comment voyez-vous ce début 2024 ?

Je suis de nature optimiste. Sur les six premiers jours de l’année, nous enregistrons déjà une croissance de 13 % et de 27 % sur le web. Des chiffres qui ne sont portés par nos ventes privées (soldes), mais par la nouvelle collection en très forte croissance de chiffre d’affaires. Son poids représente déjà 38 % des ventes.

Comment analysez-vous les difficultés de votre secteur ? 

Beaucoup de ces marques ne tenaient qu’à un fil. C’est souvent un conglomérat de mauvaises gestion et vision et des groupes qui n’ont pas les reins suffisamment solides. Où au moindre coup de vent, cela souffle. J’ai la chance d’appartenir au groupe Etam car lorsque j’ai repris l’enseigne en 2019, Maison 123 perdait plus de 20 millions d’euros d’Ebitda. Le groupe était suffisamment solide pour pouvoir absorber ces pertes. Ailleurs, nous aurions disparu. Pendant un an, ils nous ont soutenu sur notre repositionnement. Si vous partez avec quasiment pas de trésorerie, cela est impossible.

Pour moi, la clé d’un repositionnement se traduit par l’identification à la base du marché que l’on cible et du positionnement voulu, de la clientèle ciblée et de ses attentes, les concurrents… pour écrire une stratégie de marque et identifier idéalement une niche, ce qui est notre cas aujourd’hui. Nous sommes les seuls sur ce positionnement dans ce rapport style-mode.

Comment s’est passé le nouveau positionnement de Maison 123 ?

En 2019, la marque était en totale décroissance, elle était très abîmée en termes de désirabilité mais pas forcément en notoriété. Tout le monde connaissait son ancien nom 1.2.3. Cette marque avait un vrai potentiel. Néanmoins, à l’époque, les clientes achetaient continuellement en promotions car l’enseigne n’arrivait pas à écouler ses stocks trop importants. D’où le problème d’Ebitda puisqu’il n’y avait pas de marge générée, en plus de frais structurels élevés. Nous avons effectué des plans de réorganisation. J’ai essayé de comprendre les clientes ce qu’elles n’aimaient pas, et pourquoi certaines femmes ne rentraient pas ou plus dans les boutiques.

Nous avons incarné ce nouvel ADN avec mon équipe de styles et le comité de direction. Toutes les femmes se sont vu dans cette cible : pouvoir acheter un produit avec un bon rapport qualité-prix, dans les tendances sans être avant-gardiste mais dans l’ère du temps. Nous avons réussi à nous réinventer en étant en phase avec les attentes des clientes. Et il ne faut pas oublier la réalité du terrain, je me rends deux fois par semaine en magasins.

Quels sont les nouveaux marqueurs ?

La cliente est sensible à ce qu’une marque va dégager en termes d’émotions et le plaisir procuré lors d’un achat. L’émotion est vraiment le maître-mot de tous nos points de contacts avec nos acheteuses aussi bien sur nos visuels, la délicatesse des coloris, des matières, des détails… Pour capter les clientes régulièrement, nous travaillons sur des rythmes de collection beaucoup plus importants que par le passé.

Nous comptons 10 collections par saison, soit 40 thèmes annuels (toutes les deux semaines) qui s’alternent avec des petites séries courtes et limitées. Nous n’inondons pas le marché avec nos séries, en réduisant les achats d’où des ruptures volontaires pour jouer la rareté. Cela nous permet d’assainir nos stocks résiduels et d’éviter les surstocks qui coûtent très chers à une entreprise. Ce cercle vertueux crée de la désirabilité, de l’achat full price et donc de la marge.

Avant les soldes d’hiver, nous recensons 70 % d’écoulement, un chiffre qui n’avait jamais été atteint. Nous avons réduit également l’intensité promotionnelle à 50 % maximum et sa durée. Pour le Black Friday, nous ne l’avons activé que sur 4 jours là où les autres l’ont fait bien avant. Une enseigne qui habitue ses clientes à de la promotion perd absolument toute crédibilité en termes de marque.

Une enseigne qui habitue ses clientes à de la promotion perd absolument toute crédibilité en termes de marque.

Qui est votre clientèle aujourd’hui ?

Nous sommes sur une cliente transgénérationnelle. Nous avons énormément crû sur la tranche 25-35 ans qui n’était absolument pas la clientèle d’origine. L’an dernier, nous avons ainsi gagné 150 000 nouvelles clientes, cela représente 36 % de la base données. Nous observons un vrai renouvellement de la clientèle dont l’âge moyen se situe autour de 46 ans. Le panier moyen a énormément augmenté.

Nous avons 3 % de nos clientes qui effectuent plus de 8 achats par an, elles réalisent près de 30 % de notre chiffre d’affaires. 85 % d’entre elles sont encartées à notre programme de fidélité.

Au-delà de l’inflation vos prix ont-ils augmenté ?

L’an dernier, nos prix ont bien sûr un peu augmenté avec l’inflation mais nous l’avons fait à l’unité et non sur tous les produits. Ceux qui pouvaient absorber une hausse autour de 10 %. C’est pour cela qu’en termes de CA, l’impact a été très peu visible car cela a été raisonné et raisonnable. Je préfère faire du volume sur mon segment. Même si nous avons effectué des tests sur des produits qui ne sont pas dans nos prix habituels comme un blouson en cuir fourré à plus de 350 euros. Les collections ont très bien marché, avec des écoulements quasiment à 100 %.

Nous allons travailler des opportunités de marché, des petites incursions de produits avec des qualités de matières exceptionnelles qui nécessitent des prix très élevés, pour répondre à une appétence de nos clientes.

En termes de leviers marketing, quels sont ceux que vous avez activé ?

Nous nous focalisons sur trois axes principalement. Ce sont d’abord les réseaux sociaux via des campagnes avec des influenceuses, avec lesquelles on a contractualisé des prises de communication. Une chose que nous faisions de manière un peu éparse et que nous avons structuré. Nous avons également investi sur l’affichage publicitaire extérieur et le print, nous avons travaillé sur un partenariat avec 10 magazines féminins.

En termes de communication, chaque collection est travaillée sous le biais d’un storytelling issu de l’imaginaire du voyage (Afrique du Sud, Rajasthan, Islande…), avec une charte graphique. Nous racontons une histoire autour de ces shootings, avec des visuels qui illustrent nos collections. Un format de carte postale qui conduit au dépaysement, au voyage. Notre ADN aujourd’hui et qui plaît énormément avec un fil conducteur 360 entre la home page, nos newsletters, nos vitrines, nos collections…

Où en êtes-vous dans votre maillage de magasins ?

Nous avons un potentiel de croissance à cinq ans en France (157 points de vente à date). L’an dernier, nous en avons ouvert sept (Val d’Europe, Aix-en-Provence…). Nous comptons sur une dizaine en 2024 en France et Europe. En Belgique, nous en aurons bientôt 11, dix en Suisse, 29 corners en Allemagne et on vient d’ouvrir un pop-up dans un centre commercial. Nous avons inauguré l’Espagne avec El Corte Inglés, via sept corners. Nous avons bon espoir de pouvoir augmenter avec l’objectif est d’ouvrir un point de vente en 2024. Nous sommes en pourparlers pour de l’export avec la Corée du sud, le Mexique et les Émirats arabes unis.

Quels sont les derniers services lancés ?

Nous avons mis en place le paiement 4 fois sans frais, réactivé le try-at-home qui permet d’essayer des produits et de payer uniquement les produits que l’on garde.

Nous lançons cette année un site de vente de seconde main sur le premier trimestre.

Nous avons lancé un magazine en ligne « In the mood for » pour inscrire la marque de manière globale via des contenus lifestyle, culturel, gastronomique en lien avec nos voyages (shootings). Nous lançons cette année un site de vente de seconde main sur le premier trimestre. La cliente va pouvoir ramener ses articles en magasin contre un bon d’achat. Nous avons aussi plus de 40 % de nos produits équitables avec l’objectif de monter à 60-70 % d’ici 2025.

Qu’en est-il de l’e-commerce ?

Le commerce en ligne représente 11 % de notre chiffre d’affaires, un poids qui nous convient. Nous disposons d’un maillage de magasins très étendu, donc cela me paraît plutôt équilibré afin de m’assurer de les rentabiliser. Nous avons encore énormément de clientes qui n’ont pas entendu du renouveau de l’enseigne, d’où l’importance de travailler la notoriété. Nous avons un taux de transformation en croissance avec une vraie conversion.

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La 12e édition du Sommet des dirigeants d’enseignes se tiendra les 5 et 6 mars. - © Républik Retail
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