Joannes Soënen (Celio) : « Nous ciblons une sortie du plan de sauvegarde en septembre prochain »
Par Clotilde Chenevoy | Le | Enseignes
Joannes Soënen, président de Celio, revient sur le succès de la dernière campagne digitale qui a fait le buzz sur LinkedIn. Il évoque aussi la sortie de la procédure de sauvegarde et les prochaines étapes pour l’enseigne.
Vous venez de lancer une campagne sur LinkedIn qui surfe sur le look des visios. Quels sont les retours ?
Nous sommes très contents des retombées. Cette campagne était un test pour nous afin de voir si nous pouvions activer des communautés sur LinkedIn. Beaucoup d’influenceurs et d’acteurs du réseau ont accepté naturellement de jouer le jeu. Par ailleurs, cela fait parler de Celio de façon positive, et non des difficultés de l’enseigne. Cette marque est un patrimoine. Quel homme ne connaît pas Celio ? Il y a une forme d’attachement des consommateurs même s’ils ont pu être déçus par la modernité du produit ou la neutralité de la marque. Ce sont d’ailleurs deux axes que nous allons travailler.
Vous avez cosigné une tribune avec 150 enseignes et 12 fédérations pour une réouverture le 10 mai. C’est un impératif pour vous ?
C’est vital ! Depuis un an, nous n’avons travaillé qu’un jour sur deux. Nous apprécions l’écoute des ministères et du gouvernement mais cela ne s’est pas traduit par assez d’aide et nous sommes seuls à nous débattre. Le mois de mai est une période importante et plus vite nous ouvrons, mieux cela sera pour nos entreprises.
Derrière la réouverture, il y a deux sujets : la capacité à être au rendez-vous du chiffre d’affaires et la gestion des stocks.Nous n’avons plus de ressources depuis début février pour certains magasins, et le stock des produits d’hiver et du printemps chaud représente beaucoup d’invendus. De plus, le marché a fait preuve d’optimisme avec la collection d’été, nous ne pouvons pas rater cette partie.
Derrière la réouverture, il y a deux sujets : la capacité à être au rendez-vous du chiffre d’affaires et la gestion des stocks.
L’e-commerce ne compense pas ?
Même si nous doublons, triplons ou quadruplons les ventes, les volumes restent encore loin de ceux des magasins. De plus, comme beaucoup de retailers, nous construisons notre modèle de façon omnicanale, en combinant les forces du digital et du point de vente. Quand on ferme l’un de ses piliers, cela fonctionne moins bien. Nous poussons la digitalisation et nous investissons, mais nous avons besoin de nos magasins.
Celio a été placé en procédure de sauvegarde en juin 2020. La sortie est-elle programmée ?
La procédure de sauvegarde a été prolongée au début d’année face à l’incertitude. Le manque à gagner en 2020 a été de 100 millions d’euros et, sur le premier trimestre 2021, nous le chiffrons à 20 millions d’euros.
Le décalage des soldes est une absurdité qui nous a coûté cher. En janvier, nous enregistrons -40 % sur nos ventes. Il y a un rattrapage le mois suivant mais nous restons sur une tendance négative, à -20 %. Au niveau groupe, la tendance est similaire, avec une alternance des ouvertures et fermetures de points de vente en Espagne, Italie et Belgique. Par ailleurs, même quand nos magasins sont ouverts, comme en Espagne, le trafic se révèle moins important. Malgré tout, nous travaillons sur un plan de sortie en septembre prochain, en espérant pouvoir rouvrir en mai.
Quels sont vos projets à court terme ?
Pour une entreprise qui doit se redresser, le premier moteur c’est l’engagement des équipes. Nous échangeons souvent et avec une grande transparente avec eux. Nous gardons le lien entre tous même à distance. La mobilisation interne et sur LinkedIn est un révélateur de l’engagement de nos équipes.
L’autre plan d’action porte sur les collections. En effet, si le retail bouge beaucoup avec le commerce unifié et l’omnicanal, le lien le plus fort qui nous unit aux clients c’est le produit. Nous avons un savoir-faire chez Celio, mais nous avons perdu l’habitude de renouveler nos gammes. Nous devons revenir à l’ADN de la marque, en misant sur des produits qualitatifs et au design dans l’ère du temps, avec un renouvellement fort des articles. Les clients ont besoin de coup de cœur et de séduction.
Pour une entreprise qui doit se redresser, le premier moteur c’est l’engagement des équipes. Nous échangeons souvent et avec une grande transparente avec eux.
Enfin, l’autre axe c’est la marque. Il y a de l’impertinence chez Celio et nous voulons la montrer. C’est dans cet esprit que nous avons créé la campagne #semipresentable. Une deuxième campagne arrivera très vite pour redonner de la force à la marque en misant sur le même esprit. Elle sera présente dans les médias classiques avec également un relais important sur les réseaux sociaux.
Vous avez fermé 102 magasins. Est-ce « l’opportunité » d’assainir son réseau ?
Pour un retailer, fermer un magasin est toujours un crève-cœur. Mais la crise a été un révélateur et on ne peut plus subventionner des magasins qui ne trouvent pas leur place dans leur secteur.
Nous devons faire rayonner nos points de vente au niveau local et ils doivent générer des ressources pour investir dans la rénovation des boutiques ou encore la digitalisation. Un retailer qui n’investit pas fait du sur place. Et s’il n’avance pas, demain il est mort.
De janvier à début mars, nous avons donc fermé la centaine de magasins prévus et toutes les équipes ont joué le jeu jusqu’au bout. Le réseau est assaini, c’est un élément majeur pour la reprise. D’autant que désormais, la tendance n’est pas à la multiplication des ouvertures mais à s’appuyer sur des gros magasins, plus forts et plus musclés sur leur zone de chalandise.
Quel est votre plan d’actions à plus long terme pour la sortie de crise ?
Sur le digital, Celio est en retard. Nous avons un double challenge de gérer la digitalisation de l’enseigne et de mettre en place les moyens technologiques nécessaires. Le tout en étant cohérent entre les différents canaux, web et magasin. Nous investissons par touche, travaillant de façon itérative pour améliorer des points précis. Nous comptons également miser davantage sur la data. Nos métiers n’ont pas assez évolué ces 10 dernières années et désormais l’environnement tech est pleinement propice à des transformations.