Philippe Thirache (Gémo) : « En s’alliant à Intermarché, nous touchons une autre clientèle »
Par Clotilde Chenevoy | Le | Enseignes
Philippe Thirache, directeur général de Gémo, revient sur l’année 2020, si particulière et sur les nouveaux projets pour 2021 et 2022. Et la liste est longue : ouverture de shop-in-shop chez Intermarché, création de corners de seconde main, déploiement d’une plate-forme digitale ou encore d’un programme RFID.
Quels sont les résultats de Gémo en 2020 ?
Le marché s’est éclaté entre plusieurs secteurs. Pour le commerce parisien et les enseignes en centre-commercial, ce fut globalement une catastrophe. Les magasins en centre-ville, très urbains, et mono-produits ont aussi souffert. Le commerce de périphérie, avec des produits pour la famille, s’en sort un peu mieux. Gémo est sur ce marché, et nous terminons l’année à -12 %. L’activité enfants a été salutaire. On est sur un achat besoin. Dès que les magasins ont rouvert en mai, les familles sont revenues en magasin. Cela nous a permis de rattraper un peu de chiffres perdus avec le premier confinement.
Comment avez-vous géré vos stocks ? Pas trop d’invendus ?
Ils sont bons. Nous avons bien piloté l’année. Après le premier confinement, le stock était haut avec des produits d’hiver et la fin des soldes, et quand nous avons rouvert c’était le plein été. Nous avons décidé de réaliser une sortie de stocks forte, et comme nous avions peu de visibilité sur la réouverture, les promotions ont été importantes dès le départ. La réouverture des points de vente a été un franc succès, enregistrant une croissance à chiffres. Et nous avons été prudents sur le stock hiver 2021.
Les soldes ont été décalés en été, sans avoir le succès escompté. Est-ce que les soldes sont encore utiles ?
Si on compte sur les soldes pour liquider le stock, les soldes n’ont plus trop d’intérêt. C’est en revanche une aide pour réaliser des grosses promotions. Le report des dates de soldes à l’été 2019 n’a pas été efficace car elles ont été mises trop tard. Les gens ont eu des reports de vacances et ils n’étaient pas dans les magasins. Cela aurait en revanche du sens de les positionner fin juin ou début juillet car elles arrivent un peu tôt actuellement.
Mais la vraie question c’est réfléchir à offrir le bon stock au bon moment. Le poids des soldes diminue chaque année. L’écoulement des stocks doit se faire régulièrement. D’autant que les clients sont aussi demandeurs de prix tout le temps. La saisonnalité a aussi changé, avec des collections intemporelles. Beaucoup d’enseignes s’orientent vers un juste prix avec des marges plus basses toute l’année, mais avec moins d’à-coups.
Quelle est la promesse de marque de Gémo ?
Gémo a été créé il y a 30 ans et son positionnement a toujours été le juste rapport qualité-prix. Et nous avons ajouté depuis une touche de modernité dans l’image de marque. Lors du confinement, nous avons présenté notre nouvelle collection dans Animal Crossing. Il y a un côté sympathique de la marque que l’on doit rendre plus radicale et rester leader sur notre marché.
Vous venez de prendre vos quartiers dans certains Intermarché. Pourquoi ce partenariat ?
Nous disposons d’un maillage assez complet avec plus de 400 points de vente. Ils font en moyenne 1500m² et nous les avons modernisés et rénovés récemment. Il nous reste encore des zones à couvrir et nous avons regardé où l’on pourrait avoir des m² disponibles. Nous avons eu un échange avec Intermarché avec qui nous partageons beaucoup de valeurs. En ouvrant des espaces dans leurs magasins, nous touchons une nouvelle cible de clients sans cannibaliser les points de vente existants.
Cinq magasins sont déjà en test et ont donc reçu des corners prêt-à-vendre et dix s’ajouteront d’ici la rentrée. Nous ferons le point avec eux en octobre et novembre pour analyser les retours et l’appétence client.
Comment rendre attractif un magasin alors qu’on en est en pleine crise sanitaire ?
L’ensemble des règles sanitaires va devenir la norme. Nous allons entériner la présence de gel, le respect des distanciations sociales et le port du masque en l’intégrant de façon plus moderne dans nos concepts. Ajouter une table avec un bidon a été la solution la plus efficace mais ce n’est pas esthétique. Au niveau de la caisse, en plus d’ajouter de la distance, nous allons déployer des caisses libre-service avec pour objectif d’être sur un ratio de 50/50. Ce sujet va de pair avec la RFID.
Vous comptez passer au marquage RFID de vos produits ?
Avec l’omnicanal, nous avons besoin d’une vision des stocks précise. Nous réalisons des inventaires tournants en plus d’un inventaire par an complet. La RFID est un atout pour la supply chain mais son coût est important comparé aux prix des produits. Nous travaillons sur le projet qui devrait arriver en 2022.
Nous sommes actuellement en cours de déploiement d’une plate-forme digitale pour rendre disponible au niveau e-commerce tous les stocks des magasins. La solution de Proximis va nous permettre de réaliser du ship-from-store et de baisser le taux de rupture en ligne.
Vous avez ouvert un corner de seconde main. Beaucoup d’acteurs s’y mettent. Est-ce que ce service sera vraiment un atout différenciant ?
Tout le monde ne dispose d’un espace second main. Nous avons été parmi les premiers à le proposer et d’ici cet été, une dizaine de points de vente en auront un. C’est un test, nous observons l’attitude des clients. Ce projet s’inscrit dans une réflexion plus globale sur notre stratégie RSE et la fin de vie de nos produits. Et cela concerne le groupe Eram, pas uniquement Gémo. Que doit-on faire des stocks en fin de saison alors que ce sont souvent encore de bons produits ? Nous devons trouver d’autres débouchés que le recyclage.
Au sein du groupe Eram, auquel appartient Gémo, nous sommes en pleine réflexion sur la gestion de nos stocks en fin de saison. Ce sont souvent encore de bons produits. Nous devons trouver d’autres débouchés que le recyclage.
Le social selling est-il le nouvel eldorado des marques ?
Nous suivons de près le sujet mais ce n’est pas un eldorado pour nous. Nous sommes une marque grand public avec des magasins. Les réseaux sociaux nous servent à échanger avec nos clients, à positionner la marque et à avoir un discours moins institutionnel. C’est davantage un media supplémentaire qu’un nouveau canal de vente.
Quel est le rôle des magasins ?
Il doit servir l’expérience shopping et il a une capacité à offrir une vision positive. Face à l’e-commerce, il apporte une dimension plaisir. Internet vient nourrir les temps commerciaux. La digitalisation du commerce crée du trafic, on en a besoin. Le web et les magasins physiques sont complémentaires mais la difficulté est de gérer la même offre en tenant compte de l’excès des promotions du web.