A.Rubin (Yves Rocher) : « Qu’importe le canal de vente, ce qui compte c’est la promesse de marque »
Par Clotilde Chenevoy | Le | Enseignes
E-Commerce, relation client, social selling, RSE, Alexandre Rubin, directeur général d’Yves Rocher France et Benelux, revient sur 2020, les enjeux de 2021 et son plan d’actions pour la sortie de crise.
Comment s’est passé l’année 2020 ?
2020 a été une année surprenante. Personne n’a rien vu venir. Nous avons eu une capacité de réaction plutôt bonne compte tenu que nous avons 700 magasins tenus à 95 % par des franchisés, qui sont exigeants. Nous avons d’ailleurs renforcé pendant la crise notre relation avec eux. La période nous a aussi fait prendre conscience que notre modèle est unique avec un fort attachement des consommateurs à la marque. Certaines clientes se sentaient orphelines et étaient vraiment déçues de ne pas pouvoir acheter chez nous.
Quelles actions avez-vous mis en place en réaction à la situation ?
Nous avons accéléré notre marketing client sur le digital afin de rediriger les consommateurs vers le web. Le chiffre d’affaires e-commerce a doublé. Un point positif, notre infrastructure a tenu pour encaisser cette hausse en France et à l’international et livrer correctement nos clients. Mais cela n’a pas compensé la fermeture des magasins car 85 % de nos revenus proviennent du retail.
La réouverture des magasins au printemps a dû être salutaire…
Dès que nous avons pu rouvrir, nous avons vu une affluence incroyable. Pour maintenir l’appétence des clients, nous n’avons pas stoppé nos innovations produits, malgré la situation. Depuis 2019 nous multiplions les nouveautés et elles ont été un moteur dans l’envie des clients de revenir en boutique. Contrairement au textile, il est plus facile pour nous de gérer les stocks et l’écoulement des produits car la saisonnalité n’est pas la même. Un mascara en remplace un autre et par jeu de promotion on va progressivement changer le modèle.
Ce n’est pas parce qu’on refuse une opération commerciale que l’on est plus vertueux.
Les soldes servent-elles encore à quelque chose ?
Il pourrait y avoir un impact plus important des si les périodes de promotions sauvage n’étaient pas permanentes. C’est le souci des retailers. Nous misons toujours sur les soldes de janvier et de juillet, et aussi sur la fête des mères ainsi que le Black Friday et Noël. Il est vrai que ces temps forts sont un peu moins importants qu’avant mais il est impossible de ne pas les suivre tant ils génèrent de trafic.
Le débat sur les soldes a pris un tournant politique et économique. Yves Rocher s’engage sur d’autres sujets sociétaux, de fonds, et il ne faut pas oublier que le client est roi et il aime les promotions. Ce n’est pas parce qu’on refuse une opération commerciale que l’on est plus vertueux. Ce qui importe le plus au final c’est la promesse de marque, ce que l’on propose au-delà du commerce pur. Il faut aussi la tenir et la prouver dans les actes et la durée.
Le groupe Rocher est devenu une entreprise à mission. Quelles en sont les conséquences ?
Nous sommes la première grosse entreprise à rentrer dans ce statut, créé par Emmanuel Macron et son gouvernement. Au-delà des traditionnelles caractéristiques d’une société commerciale, nous nous engageons à y ajouter des implications sociétales. Pour un grand groupe comme Yves Rocher, c’est la continuité de ce que l’on fait depuis 60 ans. La vraie différence c’est que nous devons rendre des comptes via un comité de mission avec des représentants externe au Groupe, et plus que jamais que ce que nous promettons…le faire. Ce « faire savoir » est d’ailleurs un peu notre faiblesse, nous devons être plus actifs sur le volet communication. Par exemple, le Made in France est devenu important, nous, nous faisons du local depuis la naissance de la marque qui est originaire de La Gacilly en Bretagne, avec des produits naturels. La RSE est dans l’ADN de la marque depuis sa création.
Qu’importe le canal de vente, ce qui compte avant tout c’est la promesse de marque. Vient ensuite le modèle de distribution puis comment on l’exprime.
Le social selling est-il le nouvel eldorado des marques ?
Le social selling c’est de la vente directe qui a été digitalisée, comme les réunions Tupperware mais via les réseaux sociaux. Les ressorts sont les mêmes sauf que l’on supprime le présentiel. Nous en faisons déjà depuis 10 ans en Italie, et il y a deux ans nous avons acquis une marque américaine leader : Arbonne 100 % social selling plutôt premium. Nous venons de le lancer en Thaïlande car le marché est porteur sur ce canal.Est-ce que nous en ferons dans tous les pays ? Non, pas forcément car avec l’e-commerce et nos magasins, nous n’en avons pas forcément besoin. Il faut mixer les canaux selon les pays car il n’existe pas de solution universelle. Ainsi, en France, nous ne faisons pas de wholesale alors qu’au Japon c’est notre modèle au regard des loyers.
Mais qu’importe le canal de vente, ce qui compte avant tout c’est la promesse de marque. Vient ensuite le modèle de distribution puis comment on l’exprime. Le pur-digital peut faire très mal aux retailers si nous ne réinventons pas l’expérience client en boutique et elle se résume avant tout selon moi au binôme Produits/vendeurs…..l’humain au cœur du magasin.
Quels sont vos prochains défis ?
Nous devons préparer la sortie de crise. Elle va s’arrêter, la question est quand. Chaque semaine ou mois qui passe rend l’année différente. Pour le moment, le premier trimestre 2021 ressemble à 2020 ! Dès que les magasins seront définitivement ouverts, nous avons des plans de promotions et surtout de lancement produits.
En attendant, nous allons accélérer en e-commerce. Cela passera par des investissements dans l’outil avec un renouvellement du site. Nous devons aussi repenser encore et toujours notre organisation, nos investissements trafic (notre SEO SEA) et bien sur nos contenus.
Par ailleurs, nous avons un gros chantier sur la digitalisation de notre marketing client. Nous avons investi dans un nouvel outil de personnalisation des campagnes pour être plus pertinent dans notre relation. Par des envois papier ou du SMS, nous voulons faire sentir à la clientèle que nous la chouchoutons.
Enfin, nous voulons rendre plus lisible la dimension sociale de l’entreprise. Notre mission est de reconnecter les gens à la nature, il faut le démontrer. Nous ciblons également d’obtenir la certification B Corp d’ici 2024.