International, économie circulaire, flagships, Ba&sh à l’assaut de nouveaux marchés
Par Dalila Bouaziz | Le | Enseignes
En pleine croissance, Ba&sh, marque de prêt-à-porter premium, se lance à la conquête de nouveaux marchés internationaux. L’enseigne met l’accent sur la durabilité, la seconde main et l’innovation. Et prévoit l’ouverture de flagships notamment à Paris. Entretien avec le Pdg Pierre-Arnaud Grenade.
Quels ont été les grands marqueurs de l’année 2023 ?
C’est une année avec pas mal de contrastes géographiques, avec de fortes croissances en Asie et dans les pays européens, tandis que la France a été plutôt stable, un marché mature pour Ba&sh. Nous observons également une très bonne entrée en matière aux États-Unis. Nos résultats annuels n’ont pas encore été publiés mais 2023 a été une très belle année, avec des trimestres en croissance quasi continue. De 2021 à 2022, nous avions enregistré une hausse de 22 % de notre chiffre d’affaires (310 millions d’euros, NDLR) et si on compare à 2019, nous sommes à 50 % de croissance.
Depuis sa naissance, Ba&sh est une entreprise en croissance continue.
Derrière ces chiffres globaux ce qui compte, c’est que nous soyons en croissance dans les géographies où nous avons un fort potentiel de développement. Notre stratégie vise à marginaliser au plus vite le chiffre d’affaires de la France. Nous voulons devenir le plus international et le plus vite possible. Aujourd’hui, le marché français ne représente plus que 35 % des ventes du groupe.
Quels sont les pays porteurs aujourd’hui ?
Les Etats-Unis, la Chine et l’Angleterre. Notre développement international a été assez rapide et global. On souhaitait dès le départ avoir une présence multi-continents pour être véritablement considérer comme une marque. Notre pénétration dans ces continents doit donc être significative. Nous voulons le faire en direct en maîtrisant notre distribution. Aussi, 90 % du CA du groupe s’effectue en direct-to-consumer via le retail et le digital.
Comment abordez-vous ce début d’année ?
Nous avons toujours cette ambition de croissance dans les territoires où nous disposons d’un fort potentiel. Néanmoins, nous restons prudents dans nos dépenses car nous manquons de visibilité d’un point de vue mondial. C’est la particularité de cette fin 2023 et ce début 2024. Auparavant, il y avait des zones dans lesquelles on pouvait manquer de visibilité mais aujourd’hui, cela devient global. Il est difficile de dire ce qui va se passer sur plein de plans. Notre ambition est double : devenir une marque totalement mondiale, avec des pays étrangers qui pèsent 80-90 % du chiffre d’affaires du groupe, pour aller chercher sur 2-3 ans 500 millions d’euros de chiffre d’affaires.
Nous voulons également devenir une marque lifestyle, c’est-à-dire de créer à la fois un univers émotionnel autour de la marque, plus puissant, plus différenciant et lancer d’autres business et lignes que le prêt-à-porter. Nous devons aussi faire grandir notre business model circulaire : développer notre chiffre d’affaires tout en décorrélant de cette croissance l’utilisation de ressources naturelles. Notre impact carbone a déjà baissé de 15 % entre 2021 et 2022. A l’unité de de produits, nos émissions ont diminué de 29 %.
Comment définissez-vous la singularité de Ba&sh ?
La marque a un pouvoir émotionnel, un ADN très fort qui tourne autour de la joie, la sororité, le collectif, la liberté. Elle a un style aussi reconnaissable dans le temps, avec un univers fort, contrairement à certains de nos concurrents dont le style varie en fonction des modes. Notre différence repose sur ce vrai continuum, associé à certains produits et styles. Cela ne nous empêche pas de renouveler nos collections et de réinterpréter ce style en fonction des tendances de mode. Ba&sh repose à la fois sur sa créativité et un merchandising drivé par la data, en tant qu’entreprise data driven.
Nous avons effectué notre transformation digitale dès 2016. Post-covid, nous réalisions 30 % de nos ventes en ligne. Le balancier s’est un petit peu rétabli en faveur du retail, l’e-commerce est à présent aux alentours de 26-27 %. Nous restons donc assez puissants en termes de digitalisation. Enfin, nous avons un business model omnicanal (digital, retail, wholesale -10 % du CA, et la seconde main). Nos process en interne sont conçus pour être performants digitalement et en retail. Cela nous permet de réduire nos coûts d’acquisition, d’adresser la totalité du marché mondial et de disposer d’une grande adaptabilité en fonction des marchés. Nous avons toujours inclus l’innovation dans notre modèle en étant extrêmement agile.
Qui est votre clientèle ?
Nous avons l’avantage d’être une marque multigénérationnelle. Les clientes nées avec Bash, entre 40 et 50 ans, plutôt CSP+ et urbaines et notre clientèle plus récente, sur le même profil, de 25-35 ans.
Vous êtes lancé dans la seconde main fin 2022. Avez-vous réussi à trouver votre modèle économique ?
Nous nous sommes lancés, il y a quatre ans, sur un modèle un peu particulier : nous proposions aux consommatrices des facilités pour revendre sur des plateformes existantes. Puis, nous avons décidé de proposer nous-mêmes de la seconde main, c’est à dire acheter et revendre depuis un an et demi sur le marché français. Quand nous avons commencé le business n’était pas rentable, comme beaucoup de retailers. Nous avons travaillé sur le modèle et aujourd’hui, la rentabilité est là.
Nous avons décidé d’accélérer en élargissant à d’autres pays : Allemagne, Belgique et Pays-Bas. En décembre, la seconde main représentait 5 % de nos ventes digitales en France. En 2024, elle devrait peser autour de 1 % du chiffre d’affaires du groupe. Dans quelques années, nous pensons atteindre jusqu’à 10 % des ventes globales. Notre volonté est de remplacer à termes une bonne partie des soldes.
On observe parfois que cette seconde main n’en est pas toujours mais permet de se défaire des anciennes collections non vendues…
Depuis toujours, la grande philosophie de notre développement RSE est de dire où on en est et où on va sans « bullshits de com ». En 2017, nous nous sommes engagés dans un programme de transformation sur la totalité de la chaîne de valeur pour limiter nos impacts environnementaux et sociétaux (baisse des émissions carbone, matières certifiées à 67 % avec l’ambition d’atteindre les 90 % à l’hiver 2024, approvisionnement en énergie renouvelable dans les magasins, transport maritime à la place de l’aérien…). Nos ambitions sont complètement réalistes et tenables. Notre rapport RSE est disponible sur notre site, il détaille l’intégralité de nos résultats en toute transparence.
On essaie d’avoir des actions qui ont des réels impacts sur notre façon de fonctionner et donc évidemment les produits de seconde main le sont véritablement. Nous les achetons à nos clientes en échange d’un bon d’achat qu’elles peuvent utiliser sur du neuf ou de l’occasion. La seconde main ne nous sert pas de canal d’écoulement de nos stocks. Notre façon de les gérer fait qu’au bout de 2 ans et demi, il nous reste à peu près 1 % de nos achats initiaux.
Combien de pièces avez-vous récoltées auprès de vos clientes ?
Nous sommes sur environ 40 000 pièces. Notre taux d’écoulement à la semaine est supérieur à 100 %. Nous devons donc trouver des articles pour les vendre ! Cela fait partie des challenges : trouver de nouveaux moyens pour sourcer nos produits auprès de nos clientes.
Comment expliquez-vous ce succès ?
Ba&sh a une histoire, une continuité. Nos produits sont aussi de qualité et durables. Quand on s’est lancé dans la seconde main, nos vêtements étaient déjà très présents sur Vinted, avec des remises inférieures aux autres marques. Quand je rencontre des clientes, il y en a toujours une qui arrive avec un pull qui a 15 ans ! Il y a un vrai attachement à la marque. Nous avons choisi des moyens de la vendre extrêmement qualitatifs et rassurants (Bash s’est associé à la start-up Faume). L’expérience est bien plus agréable et sécurisante en achetant sur notre site. Le marché de l’occasion est une tendance lourde de consommation. La grande majorité de la jeune génération a consommé un produit en seconde main, donc on adresse le futur.
Nous nous sommes aussi lancés dans la réparation depuis l’an dernier.
Les avis sur la seconde main me rappellent ceux sur le digital il y a quelques années. Petit à petit, l’e-commerce s’est mis à peser le poids d’un magasin, puis de dix, etc. Il y a eu deux catégories de retailers ceux qui y ont cru dès le début et ont foncé. Et les autres qui ont attendu de voir son poids atteindre 25-30 magasins pour y aller.
Quels sont vos enjeux du moment ?
Poursuivre cette transformation et notre croissance à l’international, en particulier en Chine et aux États-Unis. Nous devons également accélérer la performance de nos accessoires (sacs, chaussures…). Et continuer à innover : en 2024, nous allons intégrer un bon nombre d’outils liés à l’intelligence artificielle dans la totalité de la chaîne de valeur pour libérer la créativité des équipes, améliorer l’aspect conversationnel avec nos clients, la productivité des équipes sur des tâches un peu rébarbatives et chronophages.
Vous parlez d’IA générative ?
Exactement. Parmi nos cas d’usage, il y en a un sur le service client, en cours d’implémentation. Les descriptions des fiches produits également. Nos équipes de style testent un certain nombre d’outils pour éviter le prototypage au premier stade du produit. Nous en reparlerons quand nous aurons de vrais résultats à communiquer.
Où en êtes-vous dans votre maillage de magasins ?
Nous comptons 320 magasins. En 2024, nous aurons trois ouvertures très importantes avec un flagship à New York (Soho), un autre à Hong Kong et en septembre à Paris avec un concept disruptif avec plein de nouveaux services. On veut toujours que la marque s’incarne dans des lieux de vente physiques.