Les 10 tendances qui vont façonner l’industrie de la mode en 2023
Par Clotilde Chenevoy | Le | Enseignes
Selon le rapport State of Fashion 2023 de BOF et McKinsey, le secteur de la mode s’apprête à vivre une année complexe avec de nouveaux défis, particulièrement en Europe. Retour sur les enjeux et les tendances à venir.
56 % des dirigeants de l’industrie de la mode s’attendent à un ralentissement du marché en 2023. Selon le dernier rapport State of Fashion 2023 de Business of Fashion (BOF) et McKinsey dévoilé mercredi 30 novembre, les acteurs de la mode sont particulièrement pessimistes pour l’année à venir. Preuve en est : 56 % des sondés s’attendent à ce que 2023 soit pire que 2022. Il y a un an, les dirigeants étaient bien plus positifs et le pourcentage était de 9 %.
Alors que la crise sanitaire du covid-19 a déjà ébranlé le secteur depuis deux ans, l’étude pointe que de nouveaux défis arrivent. Dans le top 5 des inquiétudes, on retrouve l’inflation, l’instabilité géopolitique, des perturbations des supply chain, la volatilité économique accrue, ainsi que la volatilité des prix de l’énergie. Le sujet covid est relégué à la 9e place des préoccupations.
« Alors que l’industrie de la mode était sur le point de se remettre du Covid-19 avec des ventes mondiales de l’industrie en croissance de 21 % en 2021 et une marge EBITA moyenne en hausse de 6 points de pourcentage, la détérioration des conditions macroéconomiques et géopolitiques a pesé lourdement sur l’industrie au cours de la seconde moitié de l’année 2022, analyse Achim Berg, associé principal chez McKinsey sur les sujets habillement, mode et luxe. Alors que la performance de l’industrie - avec une croissance des ventes de 13 % au premier semestre 2022 - fournit une base solide, nous prévoyons que 2023 restera difficile. La croissance des ventes mondiales de mode sera tirée par le segment du luxe - jusqu’à 10 %, contre jusqu’à 3 % pour le reste de l’industrie. »
Le luxe et le sport renforcés par la crise
En effet, dans leur analyse, les experts de McKinsey pointent la nécessité de lire les résultats par secteur. Et dans ce tableau assez noir, le luxe et le sport sont les deux marchés de la mode qui tirent leur épingle du jeu et se portent bien. Preuve en est, le cabinet a analysé les entreprises qui depuis la crise, soit entre 2019 et 2021, s’en sortent le mieux en termes de profits et c’est Nike qui reste en tête du classement, suivi de LMVH.
En revanche, la tension sur le pouvoir d’achat va générer des arbitrages dans le budget consommateurs. Dans leur analyse, McKinsey et BOF pointent notamment le manque de résilience des secteurs du prêt-à-porter et des chaussures, puis les voyages et enfin la maison et le jardin.
Au-delà des offres, le rapport met aussi en évidence des différences entre les géographies. Ainsi, si les perspectives aux Etats-Unis ou au Moyen-Orient en 2023 sont excellentes, celles de l’Europe, de l’Amérique Latine et de l’Afrique sont dans le rouge. Toujours selon le rapport State of Fashion, 40 % des dirigeants s’attendent à une décroissance en Europe de l’Ouest, 39 % s’attendent à un statu quo comparé à 2022 pour 19 % qui estiment que la zone aura une croissance intéressante.
La RSE en nouvelle opportunité
Parmi les autres grandes tendances attendues pour 2023, il faudra compter sur la RSE. Le covid-19 a accéléré la prise de conscience des consommateurs et les retailers sont actuellement en train de transformer leur organisation. Et ils prennent aussi de plus en plus la parole sur la durabilité de l’offre ou leurs divers engagements RSE. Preuve à l’appui. En effet, toute tentative de greenwashing sera lourdement sanctionnée.
En revanche, 79 % des dirigeants du secteur de la mode citent l’absence de normes sectorielles pour les aider à évaluer leurs performances en matière de durabilité comme le principal obstacle à l’amélioration de la perception de leurs efforts par les consommateurs. En France, la loi Agec va aussi apporter son lot d’évolution avec l’obligation dès janvier 2023 de tracer les produits textiles avec une mention sur les étiquettes…
Les 10 tendances qui vont façonner l’industrie de la mode en 2023 selon BOF et McKinsey :
1/ Une fragilité mondiale :
Une série de facteurs déstabilisants, notamment des tensions géopolitiques accrues, continuent d’affaiblir une économie mondiale déjà fragile, le PIB mondial devant tomber à environ 2,5 % en 2023.
Le chiffre : 56 % des cadres de la mode s’attendent à ce que les conditions du secteur se détériorent dans l’année à venir.
2/ Des réalités régionales changeantes :
La carte mondiale des opportunités de croissance pour les marques de mode s’est déplacée, avec des régions comme le Moyen-Orient et des pays comme les États-Unis qui apparaissent comme des priorités pour l’année à venir.
Le chiffre : la moitié des dirigeants de la mode prévoient d’étendre l’empreinte de leur entreprise en Amérique du Nord en 2023.
3/ Des dépenses à deux vitesses :
L’inflation va remettre en question le comportement des consommateurs. Alors que les acheteurs à haut revenu disposant d’économies, d’un accès au crédit et d’une plus grande sécurité d’emploi continueront à dépenser pour la mode, les consommateurs à plus faible revenu vont resserrer ou réduire leurs dépenses discrétionnaires.
Le chiffre : 74 % des consommateurs de mode américains ont opté pour des marques ou des produits moins chers entre avril et juillet 2022.
4/ La mode non-genrée doper :
Les lignes entre les vêtements pour hommes et pour femmes étant de plus en plus floues, les marques ont l’occasion de repenser les processus et les opérations commerciales afin de tirer parti de cette évolution.
Le chiffre : la moitié des consommateurs de la génération Z ont acheté de la mode en dehors de leur identité de genre.
5/ Des vêtements de cérémonie réinventer :
Les vêtements de cérémonie pour les occasions spéciales devraient être la catégorie de mode la plus résiliente, car les consommateurs repensent la façon dont ils s’habillent pour le bureau et les événements spéciaux.
Le chiffre : 39 % des cadres de la mode s’attendent à ce que les ventes de vêtements d’occasion fassent partie des trois principales catégories de croissance en 2023.
6/ L’heure des comptes pour le DTC :
Les coûts du marketing numérique augmentent alors que les taux de croissance du commerce électronique se normalisent après des pics pandémiques, ce qui rend difficile la mise en place d’une activité DTC en ligne durablement rentable.
Le chiffre : un tiers des cadres de la mode citent les défis des canaux de vente directe aux consommateurs comme l’un des principaux thèmes qui auront un impact sur leur activité l’année prochaine.
7/ Traquer le Greenwashing :
La feuille de route stratégique de la Commission européenne visant à rendre les textiles plus durables et recyclables d’ici 2030 se concentre sur le greenwashing, tandis que les associations des consommateurs en Europe surveillent de près les allégations de durabilité des marques de mode.
Le chiffre : 79 % des dirigeants de la mode citent l’absence de normes sectorielles pour les aider à évaluer leurs performances en matière de durabilité comme le principal obstacle à l’amélioration de la perception par les consommateurs de leurs efforts pour réduire les atteintes à l’environnement.
8/ Des process de fabrication à repenser :
65 % des dirigeants du secteur de la mode envisagent de rapprocher son sourcing, pour créer de nouveaux hubs dédiés au service de leurs marchés de consommation nationaux.
Le chiffre : Deux tiers des cadres s’attendent à ce que la digitalisation des process soit le critère le plus important pour permettre aux fournisseurs de se développer dans l’année à venir.
9/ Le marketing digital à transformer :
Les réglementations sur la protection de la vie privée et les changements technologiques ont fait grimper le coût du marketing numérique payant, conduisant les marques à dépenser au moins trois fois plus pour acquérir un client en 2022 qu’en 2013.
Le chiffre : 79 % des dirigeants américains de l’habillement et de la chaussure considèrent le retail média comme le canal marketing le plus efficace.
10/ Refonte de l’organisation :
55 % des dirigeants citent la pénurie de talents comme l’un des principaux facteurs ayant un impact sur leur activité en 2022. L’éducation et la formation génèrent un retour sur investissement de deux fois et demie à trois fois supérieur à celui du recrutement, ce qui renforce l’intérêt d’investir dans les lacunes de compétences d’une main-d’œuvre existante.
Le chiffre : 90 % des cadres de la mode prévoient une pénurie de compétences dans leur organisation.