La révolution verte en marche chez Kiabi
Par Clotilde Chenevoy | Le | Seconde main
Kiabi amorce un profond changement dans son modèle, voulant passer d’un retailer à une marque de mode responsable. Une évolution qui impose une transformation complexe et une révision de tous les indicateurs de performance. Son CEO Patrick Stassi témoignera lors de Retail Days les 30 septembre et 1er octobre à Deauville.
Mi-janvier, tout le comex de Kiabi était réuni pour présenter sa stratégie à la presse dans une ambiance « comme à la maison ». L’événement se tenait dans un appartement parisien, le salon ayant été transformé en agora avec de larges canapés et fauteuils agrémentés de tapis pour une ambiance cosy. L’équipe dirigeante était, elle, habillée avec un dress code commun, le denim. C’est dans cette ambiance très décontractée que Patrick Stassi, le CEO, a annoncé « une grosse transformation pour Kiabi », qui s’oriente vers un modèle soutenable et durable. « En maintenant la courbe économique actuelle, probablement que l’on existera plus d’ici 20 à 30 ans, analyse le dirigeant. Nous adoptons une stratégie ESG (environnementale, sociale et de gouvernance). Le développement durable n’est plus la cerise sur le gâteau, mais le gâteau. Nous regardons nos indicateurs économiques au même niveau que nos indicateurs ESG. C’est un changement radical, en rupture avec ce que nous faisions. » Le dirigeant précise que dans le plan Kiabi Vision 2035, des chantiers sur la singularité de la marque, l’expérience client et le développement à l’international ont également été ouverts.
De nouveaux indicateurs de performance durables
Kiabi ajuste donc son pilotage pour intégrer davantage de durabilité dans sa croissance, sans pour autant perdre de vue sa mission qui consiste à rester à la fois mode et utile aux familles. Mais fidèle à sa discrétion, l’enseigne ne dévoile aucun chiffre précis pour donner plus de corps à son discours. Patrick Stassi a seulement annoncé que l’enseigne, présente dans 26 pays, a réalisé 2,2 milliards de chiffre d’affaires en 2023, en croissance de 1 % par rapport à 2022. « Le contexte mondial a été extrêmement chahuté en termes de climat, d’inflation, ou de pouvoir d’achat, a commenté le CEO. Une année complexe et exigeante aussi pour Kiabi qui a eu des vents favorables et défavorables. Mais nous avons renforcé notre rentabilité et solidité financière en 2023. » En effet, le secteur du textile a connu une annus horribilis l’an passé et se trouve particulièrement chahuté face à l’ultra-fast fashion qu’incarne Shein.
Il faut donc aller creuser du côté des différentes réalisations et expérimentations pour trouver des preuves concrètes de cette mutation d’un retailer vers une marque de mode plus responsable et durable.
Il y a quelques mois, l’enseigne a par exemple dévoilé son nouveau concept de magasin. Il inclut les nouveaux marqueurs de Kiabi, comme l’arrivée d’un pôle serviciel avec de la réparation, et renforce le positionnement de facilitateur de la vie des familles, des grandes cabines et des jeux pour enfants par exemple. « Nous sommes déjà très satisfaits du pouvoir d’attraction du magasin », se réjouit Fabrice Obenans, leader Marque et client.
La seconde main traitée au même niveau de la première main
L’enseigne de mode compte aussi fortement accélérer sur l’économie circulaire, notamment en misant sur la seconde main et les services. Le nouveau film de marque évoque d’ailleurs cette offre au même titre qu’il valorise les nouvelles collections.
L’équipe dirigeante ne donne officiellement aucun chiffre, mais d’après nos sources, l’ambition serait d’atteindre à termes plus de 35 % des ventes avec les produits d’occasion. On parle bien d’une vision à terme, car actuellement, le modèle économique n’est pas encore défini et l’enseigne multiplie les expérimentations. Kiabi travaillait historiquement avec Rediv (ex-Patatam), spécialiste logistique de la seconde main qui a été liquidé en janvier 2024. L’enseigne a trouvé des alternatives et travaille aussi en interne. Actuellement, 315 magasins proposent une offre de seconde main et une offre digitale existe avec un modèle C to C. « Les enjeux de la seconde main portent sur la place de l’appétence client et la capacité à sourcer les produits, détaille Jérôme Fauquembergue, leader innovation. Nous avons recruté avec cette offre 1 million de clients. Le modèle économique est intéressant quand on regarde le business dans l’ensemble, mais il faut trouver le bon équilibre. Nous voulons proposer des prix attractifs avec une offre multimarques, que cela soit en magasin ou en digital »
Nous généralisations la location à toute notre offre sur le digital en 2024. Nous continuons aussi les tests sur la seconde main, mais le modèle économique n’est pas pleinement trouvé.
Kiabi a aussi testé un concept-store, KidKanaï, un « super écrin sur la seconde main pour les enfants de 0 à 12 ans », estime le monsieur Innovation de l’enseigne, mais il précise « chercher le bon format. Nous allons le renforcer avec un Kiabi Kids pour avoir une offre complète, de première et seconde main. »
Concernant la location, l’enseigne a mené des tests en 2023 pour apprendre comment gérer ce service d’un point de vue opérationnel (IT et supply chain) et suivre également les comportements des clients. Un apprentissage intéressant visiblement, Jérôme Fauquembergue dévoile qu’en « 2024, nous lançons toute la location en digital ». Derrière ce chantier se cache une transformation moins visible autour de la conception des produits. Pour vivre plusieurs vies, la durabilité est un critère. Julie Silvert, leader Collections, explique ainsi qu’un chantier a été amorcé sur les matières premières : « D’ici 2025, nous ciblons 100 % de matières durables et nous misons aussi sur la monocomposition pour faciliter le recyclage. Nous souhaitons aussi des produits plus iconiques et regardons pour augmenter le grammage afin d’allonger la durée de vie des articles ».
Des équipes reformées aux nouveaux services et à la nouvelle offre
Dans sa transformation, Kiabi s’assure également que toutes les équipes suivent. Mais ce n’est visiblement pas un problème selon Patrick Stassi, qui assure que l’état d’esprit même de l’entreprise est de valoriser l’intrapreneuriat. Citons ainsi le projet social et sociétal « les petits magasins », né sous l’impulsion de collaborateurs pour écouler les invendus. 23 boutiques ont été créées, avec 160 000 familles bénéficiaires et cela a permis 39 sorties dynamiques vers l’emploi (CDI, CDD, contrat intérim, formation qualifiante). « Nous visons 10 magasins supplémentaires », indique l’enseigne.
Néanmoins, cette révolution verte implique de réviser les codes en boutique. « 100 % des équipes vont être reformées à la relation client et à la gestion de la multi offre, assure Ouarda Ech Chykry, leader France. Désormais, quand on entre dans un magasin Kiabi, il y a de la première main, de la seconde main, de la location, du digital et de la marketplace. » Et Patrick Stassi de conclure : « C’est un grand virage que l’on est en train de construire. »