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Comment Leroy Merlin construit son offre de seconde main

Par Dalila Bouaziz | Le | Seconde main

Dans ce nouveau marché de la seconde main, Leroy Merlin expérimente différents parcours d’achat pour trouver le bon schéma opérationnel et logistique. Matthieu Degeorges, leader seconde vie des produits de l’enseigne de bricolage, revient sur les différentes étapes de la construction du projet.

 Leroy Merlin ouvre sa marketplace aux produits reconditionnés de ses fournisseurs. - © D.R.
Leroy Merlin ouvre sa marketplace aux produits reconditionnés de ses fournisseurs. - © D.R.

« L’économie circulaire est un sujet sur lequel toutes les entreprises vont devoir aller. Le ‘pourquoi’ ne pose plus vraiment de débat, chacun a compris les enjeux. Par contre, le ‘comment’, la partie opérationnelle et l’exécution, est en question aujourd’hui », pointe Matthieu Degeorges, leader seconde vie des produits de Leroy Merlin. Si ces deux dernières années, l’enseigne a communiqué sur ses initiatives de seconde main et location, les premières expérimentations ont débuté en 2017-18 en magasins.

Des prémices avec les Presque Parfaits, le Too Good to Go de Leroy Merlin

« Dans le cadre de la vision de Leroy Merlin en 2025 pour imaginer qu’elles seraient les solutions proposées à nos habitants, deux points de vente du réseau ont commencé à revendre à prix réduit les produits abîmés lors de la réception des marchandises plutôt que de les jeter, explique Matthieu Degorges. Une sorte de ‘Too Good to Go’ que nous appelons les Presque parfaits. »

Disponibles dans une dizaine de magasins en 2020, les corners sont aujourd’hui installés dans la presque totalité du parc.

Le rachat des produits auprès des particuliers dans un parcours 100 % digital

En octobre 2021, l’enseigne de bricolage pousse d’un cran son exploration du marché de l’occasion dans un parcours 100 % digital. Les consommateurs sont incités à revendre leurs outils électroportatifs - perceuses, visseuses et perforateurs (trois best-sellers de l’enseigne) - sur le site ou l’application Leroy Merlin dans un espace dédié. Le vendeur renseigne ses coordonnées et présente son produit. En répondant à quelques questions, il en décrit l’état technique et esthétique géré par Circular X, plateforme SaaS qui fournit une solution en marque blanche aux retailers pour créer leur offre de seconde vie et adossée à United.b (groupe Mulliez). Un prix de revente est proposé en quelques clics via une grille de tarifs sous forme d’Argus construite sur un certain nombre de critères : état général et esthétique, intégralité des accessoires ou pas, batterie en état de marche, etc. « La valeur de reprise minimale est de 10 euros en bon d’achat et peut monter jusqu’à 50 % quand les produits sont en très bon état », indique-t-il. Le consommateur a le choix entre récupérer une carte cadeau abondée de 9 euros ou un virement bancaire. « Les clients optent pour les deux tiers pour la carte cadeau et un tiers pour l’argent. »

Une fois la transaction acceptée, un bordereau d’expédition est automatiquement généré pour que le vendeur puisse renvoyer son produit dans un point relais. Pour assurer ce service, Leroy Merlin collabore avec Cordon Group, leader français du reconditionnement des produits électroniques, qui récupère les articles, les reconditionne (nettoyage, petites réparations, éventuellement repackaging) et les revend à son compte. « D’un point de vue technique, nous n’étions pas en mesure de pouvoir les revendre immédiatement. »

Une revalorisation des produits de son catalogue

Leroy Merlin ne revalorise que les articles de son catalogue. « Il est plus facile en termes de data de venir agréger sur de l’existant, explique le responsable seconde vie des produits. Par ailleurs, il est très compliqué de venir poser un Argus sur des produits qu’on ne connaît pas. Pour le moment nous les reprenons avec une valorisation de 10€ en bon d’achat. Toutefois, inclure des produits en dehors de notre catalogue fait partie des chantiers que nous voulons mener dans les prochains mois. »

Une expérimentation de produits d’occasion en magasin

Parallèlement, le numéro 1 du bricolage en France teste le rachat de produits de seconde main en magasins afin d’éprouver l’appétence des clients et la revente dans un seul point de vente, celui de Blois. «  Le client peut préparer son parcours sur le digital et venir déposer le produit en point de vente. Il peut également le faire estimer en direct accompagné d’un conseiller », détaille Matthieu Degeorges. En un mois en magasin, Leroy Merlin a autant repris de produits qu’une année sur le digital. « Le client préfère donner son produit à quelqu’un de confiance en magasin, et de préférence à un conseiller, pointe-t-il. En volumes, nous réalisons entre 1 et 2 % de retours sur le canal digital et 98 % en magasin. »

En volumes, nous réalisons entre 1 et 2 % de retours sur le canal digital et 98 % en magasin

La gamme de produits repris s’est également élargie à tout l'outillage portatif : scie sauteuse, ponceuse… « En magasins, les clients peuvent aussi revendre des produits issus de l'outillage de jardin : tondeuses, débroussailleuses, taille-haies… Ces produits très volumineux voyagent très mal, même en les déposant en point relais. »

L’état des produits récupérés sont hétérogènes : un tiers en bon état, un tiers qui nécessite une réparation et le dernier où nous n’avons pas de capacité de le récupérer dans son usage initial (revalorisation). « Il y a des réflexes aujourd’hui sur le marché de l’occasion notamment d’aller vendre son article sur Leboncoin, note Matthieu Degeorges. Néanmoins, en magasin nous observons de l’appétence et de l’attraction. Nous récoltons des volumes assez conséquents parce que les clients y voient un intérêt assez fort en termes de rapidité, de proposition de prix ferme, etc. C’est juste une question de maturité et de connaissances de de la solution. »

L’ouverture de la marketplace aux produits reconditionnés

Les produits reconditionnés de l’un des fournisseurs. - © D.R.
Les produits reconditionnés de l’un des fournisseurs. - © D.R.

Depuis une dizaine de jours, Leroy Merlin ouvre sa marketplace aux produits reconditionnés de ses fournisseurs. « Nous avons démarré avec un seul produit d’un de nos partenaires, Builder Systems, pour tester le parcours. Et depuis la semaine dernière, il y en a une petite dizaine, note Matthieu Degeorges. L’idée, c’est de commencer doucement pour voir comment interagissent les clients sur ce parcours. D’ici la fin de l’année, nous voulons proposer plusieurs centaines de produits sur le site. » Côté prix, Leroy Merlin s’étalonne sur ceux du marché, de 70 % du prix neuf pour un article en très bon état et jusqu’à 30-40 % pour un état correct. « Nous avons des taux de rotation de produits reconditionnés plus faibles que pour le neuf. », constate-t-il.

Son concurrent, Castorama, a fait un autre choix en s’associant à Back Market pour créer une boutique en ligne de seconde main. « Nous voulons éprouver le parcours : rachat, reconditionnement, revente d’un produit qui a déjà eu une vraie 2e vie. Et nous avons l’envie de porter sur nos canaux ces changements. Mon enjeu en tant que responsable de la seconde vie de Leroy Merlin c’est que le système change. Back Market aujourd’hui n’est pas un concurrent mais il peut demain potentiellement en devenir un. Toutefois, il demeure très peu visible dans l’univers de l’habitat. »

La prochaine étape pour l’enseigne sera d’offrir la possibilité de filtrer les offres d’occasion et de reconditionné. 

Une volonté de réinternaliser 

Dans le reconditionnement, d’autres partenariats sont en train de se nouer au vu de l’hétérogénéité des articles. « Nous avons fait le choix d’externaliser dans un premier temps mais nous avons cette même volonté que Boulanger ou Decathlon (enseignes appartenant également à la galaxie Mulliez) et d’être en mesure de pouvoir réaliser cette prestation en interne à la fois en magasin et pourquoi pas en entrepôt demain. L’objectif pour nous est d’avoir une plateforme qui sera hybride entre l’interne et l’externe. »

Rendez-vous le 11 décembre

Républik Retail vous donne rendez-vous le lundi 11 décembre, avec un sujet fort du moment « Le casse-tête logistique de la seconde main ». La seconde main progresse dans les habitudes de consommation des Français et chez les retailers. Néanmoins, l’équation économique n’est pas simple à résoudre et impose de repenser les business modèles.

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