Reprise d’enseigne : le cas de La Grande Récré
Par Dalila Bouaziz | Le | Enseignes
La Grande Récré illustre un cas de transformation en voie de réussite dans un secteur du jouet en mutation. Portée par JouéClub, l’enseigne adopte un modèle coopératif, repense ses magasins pour une nouvelle expérience client et renforce son maillage territorial. Grâce à cette stratégie, elle affiche une belle croissance depuis sa reprise. Entretien avec Francis Céron, le directeur général.
Comment se déroule cette année et le début de la saison de Noël cruciale pour votre secteur ?
L’an dernier, nous avions connu une excellente reprise, et nous restons sur la même trajectoire cette année. Nous conservons cette dynamique et pensons que la fin d’année correspondra à nos attentes. Nous dépassons même nos prévisions.
La Grande Récré génère environ 200 millions d’euros. Ce qui importe vraiment pour nous, c’est le développement de l’enseigne. Nous avons ouvert trois nouveaux magasins : Limoges, la Palmeraie en Côte d’Ivoire, et Saint-Martin. Depuis le début de l’année, nous constatons une progression notable avec une croissance supérieure à 10 %, et nous regagnons des clients chaque mois, ce qui se traduit dans notre chiffre d’affaires.
Concernant le projet de transformation de l’enseigne, pouvez-vous détailler les principaux axes de développement ?
Le groupe JouéClub a racheté La Grande Récré, et nous conservons les deux enseignes avec un hyper spécialiste du jouet et une enseigne plus familiale avec deux positionnements différents. Le projet de transformation consiste donc à développer les deux marques, en transférant les magasins La Grande Récré à nos adhérents. Nous continuons aussi à ouvrir de nouveaux points de vente, comme à Limoges et Saint-Martin. L’objectif est de céder nos magasins aux adhérents (parc de 133 points de vente dont 86 succursales) et de basculer vers un modèle indépendant. Nous prévoyons huit cessions de magasins cette année, et environ trente l’année prochaine.
Nous avons également lancé la semaine dernière une nouvelle génération de magasins, notamment à Limoges, avec un concept revu. Et nous fusionnons en 2025 nos entrepôts à Bordeaux (en gardant celui de Cestas), afin d’avoir deux marques françaises fortes, pilotées par nos adhérents.
Comment avez-vous impliqué à la fois les équipes en magasin et les adhérents ?
Nos adhérents sont très dynamiques et voient ce projet comme une opportunité d’étendre leur activité avec une double enseigne. Ils continuent leur maillage territorial, avec des multi-sites ou multi-magasins. Il y a un réel engouement pour reprendre des magasins.
Pour les équipes, c’est une nouvelle aventure. Cette belle marque a connu des difficultés pendant des années, mais elle a une forte notoriété. On a la chance d’avoir des équipes très motivées et attachées à l’enseigne, ce qui représente une opportunité pour elles de pérenniser leurs emplois et de découvrir le modèle coopératif. Aujourd’hui, toutes les marques qui fonctionnent bien reposent sur le modèle coopératif, qui incarne une intelligence collective et une grande réactivité, responsabilisant les équipes dans les achats et le management.
Comment avez-vous repensé le concept pour répondre aux attentes des consommateurs ?
Ce que nous souhaitons, c’est proposer une véritable expérience client ludique, qui repose sur une ambiance visuelle agréable avec des couleurs neutres et pastel, du mobilier blanc, et une lumière naturelle qui met en valeur les produits. Nous avons également conçu des espaces de démonstration et une grande table de lecture pour que les clients puissent prendre le temps de découvrir et explorer les produits. Aujourd’hui, l’expérience en magasin est cruciale, et nous avons cherché à la rendre aussi agréable que possible.
En parallèle, nous avons enrichi l’offre en élargissant certaines gammes, notamment la librairie, les jeux de société, les produits créatifs et éducatifs. Nous avons ajouté des licences et des corners spécialisés, comme pour Lego. Le nombre de références varie en fonction des magasins, mais nous atteignons environ 15 000 références en moyenne.
Une quinzaine de magasins seront remodelés l’an prochain sur ce nouveau concept.
L’agencement a été pensé pour offrir un parcours de circulation fluide et confortable. Nous y intégrons des démonstrations et des jeux exposés, en favorisant la découverte en magasin. Aujourd’hui, deux éléments sont essentiels : bien sûr, la disponibilité des produits, mais aussi l’expérience globale, car c’est ce que le client recherche avant tout. Ce qui nous permet de réinventer un peu le magasin physique. C’est pour cela que nous avons décliné notre concept autour de cette expérience client, avec une charte graphique revisitée, un parcours confortable, et un positionnement ludique. Une quinzaine de magasins seront remodelés l’an prochain sur ce nouveau concept.
Quelles sont vos ambitions dans l’e-commerce ?
L’e-commerce progresse fortement. Nous avons doublé notre poids dans ce domaine et amélioré notre site. Nous avons rapatrié notre web sur l’entrepôt de Cestas à Bordeaux cette année, ce qui est important pour l’efficacité logistique. Nous visons 10 % du chiffre d’affaires en ligne, en considérant l’e-commerce comme une vitrine qui soutient également le drive-to-store.
Justement, quelles actions marketing mettez-vous en place pour attirer les clients en magasin ?
Nous avons mis en place un partenariat avec CGR Cinéma, ainsi que des initiatives en co-branding avec d’autres enseignes et avec nos marques fournisseurs pour renforcer l’attractivité en magasin. Nous développons des corners thématiques en collaboration avec des marques comme Disney et Lego, pour créer des points d’intérêt qui captivent les clients. Parallèlement, nous sommes très présents sur les réseaux sociaux, qui étaient peu exploités avant la reprise de La Grande Récré. Nous encourageons également les magasins à être actifs sur leurs propres réseaux, ce qui a déjà donné naissance à de nombreuses initiatives intéressantes.
En plus de cela, nous déployons des actions de communication locales et comptons sur un plan de communication annuel solide qui nous assure une présence constante tout au long de l’année via divers médias. Nous avons aussi des partenariats stratégiques avec des marques telles que le Parc Astérix et Center Parcs, pour multiplier les points de contact avec notre clientèle. Enfin, la radio est un levier majeur pour toucher un large public.
Comment mesurez-vous l’impact de vos campagnes marketing ?
Après chaque opération commerciale, chaque campagne publicitaire est minutieusement analysée, notamment en termes de fréquentation en magasin, de chiffre d’affaires généré, et de marge. Cela nous permet d’ajuster et de peaufiner nos actions pour les campagnes suivantes, afin de maximiser leur efficacité.
Avez-vous mis en place un outil de mesure de la satisfaction client ?
Pour l’instant, nous n’avons pas encore d’outil dédié à la mesure de la satisfaction client, mais nous travaillons à partir de certains indicateurs. Cela fait un an et demi que nous avons repris l’entreprise, et nous avons dû définir nos priorités : un chantier de refonte majeur pour stabiliser la marque, remettre en place une offre attractive, et reconquérir le client, ce qui est maintenant en bonne voie. Nous avons progressé rapidement, notamment en travaillant le programme de fidélité et en renforçant l’« embasement » pour être plus proches de nos clients. La prochaine étape sera de lancer un véritable outil de mesure de la satisfaction client, mais ce projet n’a pas encore été initié.
Le programme de fidélité a-t-il évolué ?
Il n’a pas été complètement revu, mais nous l’enrichissons avec des opérations spécifiques pour les clients privilégiés, comme des soirées privées, des lancements de gamme, et des offres exclusives. Nous recensons une base clients de 3,5 millions encartés qui continue de croître.
Quels sont les principaux défis pour La Grande Récré dans ce contexte de transformation rapide ?
L’enjeu réside dans l’accompagnement des adhérents pour faire de cette transition un succès durable pour l’enseigne.
À ce jour, nous n’avons pas rencontré de problématiques majeures. La reprise s’est faite de manière rapide et durable, ce qui est très encourageant. Le défi principal maintenant, c’est de transmettre progressivement le relais aux adhérents, en veillant à les soutenir de façon à assurer la réussite de ce passage. L’enjeu réside dans leur accompagnement pour faire de cette transition un succès durable pour l’enseigne.
Il est essentiel pour nous de garantir que la marque reste forte, et nous sommes rassurés sur ce point. La relance a été rapide, ce qui représentait un risque au départ, notamment quand on reprend une entreprise ayant traversé des difficultés et connu des problèmes de stocks, par exemple. Heureusement, nous n’avons pas rencontré ce type de blocage. Nous constatons chaque jour une reconquête de clientèle, un signe important pour le développement à long terme. Grâce à cette relance de la marque, à une nouvelle génération de magasins, et à une expérience en magasin réinventée, les retours clients sont très positifs, comme pour l’ouverture de Limoges.
En termes de maillage de magasins, qu’est-il prévu pour 2025 ?
Le groupe compte actuellement 430 magasins, dont 300 JouéClub et 133 La Grande Récré. Nous avons ouvert trois points de vente cette année. Pour 2025, nous avons l’intention d’ouvrir une dizaine de magasins supplémentaires, en continuant le développement des deux enseignes en parallèle. Nous privilégions les emplacements premium, notamment dans les grandes villes et centres commerciaux.
Où en êtes-vous dans les ouvertures à l’international ?
Nous comptons 12 points de vente au Maroc et trois magasins supplémentaires en Afrique via notre partenariat avec CFAO. Nous avons plusieurs projets en cours. Pour l’instant, nous allons continuer notre développement sur le territoire français, mais nous ne nous interdisons pas des opportunités à l’international. Parmi les pays en veille, il y a la Suisse, la Belgique, l’Italie et l’Espagne. Il n’y a pas d’opportunités immédiates, mais cela fait partie de nos projets futurs pour exporter la marque à l’international.