Retour sur l’ascension de Picnic en France
Par Dalila Bouaziz | Le | Enseignes
Picnic n’est encore qu’un « Petit Poucet » en France avec un chiffre d’affaires de 30 millions d’euros en 2022. Néanmoins, en l’espace de deux ans, l’e-commerçant alimentaire a réussi sa première étape : son implantation dans les Hauts-de-France. A présent, il s’attaque à l’Ile-de-France.
Sa présence en France ne date que de la fin 2021, après un rodage de quatre mois dans la ville de Valenciennes. Aujourd’hui, Picnic affirme être devenu le « leader du marché de la livraison à domicile » dans la métropole lilloise (Valenciennes, Armentières, Lille, Lens, Douai et leurs environs) avec plus de 50 000 utilisateurs, 317 000 commandes et 12 millions de produits livrés l’an dernier. « Fin 2022, nous avons atteint les 500 000 ménages desservis, explique Grégoire Borgoltz, responsable des opérations France. Notre ambition pour fin 2023 est de multiplier ce chiffre par quatre et de livrer 2 millions de foyers. »
Deux créneaux de livraison… par jour
Développé aux Pays-Bas en 2015, Picnic propose « des prix aussi bas qu’en supermarché ». Chaque jour, le distributeur en ligne relève l’ensemble des prix des produits de grande consommation dans les supermarchés de sa zone de chalandise pour s’aligner. Côté clients, les consommateurs remplissent leur panier de courses -d’un montant minimum de 35 euros afin de mutualiser les livraisons- directement sur l’application dédiée (disponible sur iOS et Android). Le pure player livre gratuitement à J+1 les courses à domicile sur un créneau de 20 minutes en voiturettes électriques, du lundi au samedi. L’assortiment est plus réduit qu’un supermarché traditionnel avec seulement 10 000 références issues en grande partie de la centrale d’achats de Système U (depuis décembre). Le panier moyen atteint les 70-80 euros.
Particularité et pas des moindres du modèle, le distributeur en ligne propose chaque jour uniquement deux créneaux de livraison dans l’après-midi (à différentes heures de la semaine) où le client s’inscrit sur une tournée de livraison. « Nous sommes sur le même modèle que le bus par rapport au taxi, explique sous forme de métaphore Michiel Muller, l’un des co-fondateurs. Le taxi emmène le client à l’adresse souhaitée et au moment où il le souhaite. Néanmoins, c’est un service très cher. Le bus pour une somme modique vous emmène aussi à votre destination, en prenant un peu d’avance. C’est la même chose avec notre service de livraison ! »
Aussi, Picnic ne prévoit pas de livraison le matin. « Nous ne gagnerons pas de nouveaux clients, explique Grégoire Borgoltz, directeur des opérations France. Il est, par ailleurs, plus intéressant de lisser dans l’après-midi les commandes et de faire travailler nos livreurs que 8 heures. » Question rentabilité, le raisonnement est limpide ! Picnic prévoit ses tournées de livraison dans chaque quartier sur des routes planifiées en avance, via son algorithme développé en interne, pour optimiser les distances et le nombre de trajets parcourus. L’entreprise a néanmoins fait évoluer son modèle l’an dernier pour répondre aux besoins du marché français car elle ne proposait à l’origine qu’un créneau par jour.
« Révolutionner le marché de la distribution »
L’ambition de Picnic n’est rien de moins que de vouloir « révolutionner le marché de la distribution ». « Nous voulons contribuer à la création d’un modèle de distribution alimentaire plus vertueux pour l’environnement et plus avantageux pour les consommateurs, expliquait Michiel Muller, l’un des cofondateurs lors de sa venue en France en 2021. Cette stratégie nous a permis de nous imposer comme le supermarché en ligne à la croissance la plus rapide d’Europe, pour devenir, à horizon 2030, l’un des leaders de l’e-commerce et de la distribution alimentaire en France. » L’an dernier, Picnic a dépassé le milliard d’euros en volume d’affaires dans ces trois pays (Pays-Bas, Allemagne et France). Si le modèle est rentable, la rentabilité n’est cependant pas encore atteinte « liée aux investissements pour développer sa conquête de nouveaux marchés ».
L’Ile-de-France, 2e étape de sa stratégie
Le pure player s’adresse aux familles et s’installe dans les villes de taille moyenne où la pression concurrentielle est moindre. Le modèle Picnic est de compléter un maillage inexistant ou très faible dans des villes moins desservies en termes d’offres de livraison. « Deux tiers de nos clients sont des familles qui font leur plein de courses de manière hebdomadaire », indique Grégoire Borgoltz.
Depuis le 23 mars, Picnic s’est installé dans le sud de la région parisienne dans la ville de Champlan (Essonne). Jeudi 6 avril, Picnic a inauguré ce premier entrepôt francilien. Son nouveau hub de livraison (du dernier kilomètre) peut desservir 150 000 ménages (sa cible) situés en Seine-et-Marne, dans les Hauts-de-Seine et dans l’Essonne et plus particulièrement dans les villes d’Antony, Massy, Palaiseau, Igny, Fresnes, Chilly-Mazarin, Savigny-sur-Orge, Wissous, Longjumeau, Epinay-sur-Orge, Villiers-sur-Orge. La ville du Bois, Saulx-les-Chartreux et Villebon-sur-Yvette. Soit la Grand-Couronne parisienne « avec moins de concurrence et d’embouteillages ». Actuellement, une petite centaine de commandes sont réalisées par jour.
La forte proportion de familles installées sur le secteur a joué un rôle décisif dans l’expansion de Picnic.
Couvrir l’Ile-de-France d’ici 2024
« Le sud de Paris a l’avantage de compter des villes de taille moyenne avec une forte densité de clients, mais une concentration de supermarchés moins importante », pointe le responsable des opérations France. Le bouche-à-oreille semble déjà avoir fait effet : 10 000 personnes ont téléchargé l’application. « C’est la première étape de notre expansion en Ile-de-France, poursuit-il. Nous projetons d’ouvrir quatre à cinq hubs avant l’été, nous voulons en avoir une dizaine en fin d’année. Le centre de préparation des commandes se trouvant à Moissy-Cramayel cela nous permet de rayonner dans une zone d’1h30 en camion. »
L’objectif est de mailler l’ensemble de l’Ile-de-France d’ici la fin 2024. « Paris n’est pas notre objectif premier, précise Michiel Muller. Aux Pays-Bas et en Allemagne, nous nous lançons seulement dans de grandes villes comme Amsterdam, Cologne, Hambourg ou Berlin. » Les centres-villes sont donc moins son cœur de cible. Prochaines villes en France ? « Cette année, nous ne prévoyons pas d’ouvrir en dehors de l’Ile-de-France et du Nord car c’est un gros morceau », pointe Grégoire Borgoltz. Picnic recrute d’ailleurs activement en Ile-de-France pour avoir 300 personnes d’ici cet été, dont la moitié pour les centres de préparation.