LDLC : « Nous nous lançons en propre sur le marché du reconditionné en 2024 »
Par Dalila Bouaziz | Le | Enseignes
LDLC vient d’annoncer sa volonté de racheter le site Rue du Commerce. L’occasion de faire un point global avec Laurent de la Clergerie, patron de cet acteur majeur de la vente de matériel informatique et produits high tech, mais aussi d’évoquer les projets en 2024, les questions sociales ou sa vision du secteur.
Comment jugez-vous cette année ?
Nos résultats au premier semestre étaient à l’équilibre comparés à l’année dernière et légère croissance (LDLC a généré 266,9 millions d’euros à fin septembre en hausse de 5,1 %). Après les années Covid où nous avions explosé et où nécessairement la voilure s’était réduite par la suite puisque les consommateurs s’étaient suréquipés. Progressivement, nous revenons dans un cycle de croissance. Nous sommes optimistes pour les prochaines années.
Pourquoi vous intéressez-vous à Rue du Commerce ? Le site va changer de propriétaire pour la 4e fois en dix ans…
ShopInvest (propriétaire des 3 Suisses) est celui qui a le mieux maintenu Rue du Commerce (3,5 millions de références et plus de 7 700 marques dans le domaine de l’informatique, de la high-tech et de la maison) mais sans arriver à le faire décoller. Les autres n’étaient pas des e-commerçants avec à chaque fois des stratégies différentes. Nous sommes convaincus qu’en retrouvant un ADN de société d’e-commerce, nous pouvons relancer Rue du Commerce car sa notoriété demeure forte. Son cœur de métier reste le nôtre, nous sommes sans doute l’acteur le plus proche de Rue du Commerce. Je ne peux pas évoquer notre plan pour le moment car la finalisation de cette opération est envisagée au plus tard en juin 2024.
Nous sommes sans doute l’acteur le plus proche de Rue du Commerce.
Où en êtes-vous dans votre marketplace ?
L’idée était de venir uniquement en complément du catalogue LDLC. Par exemple, nous ne recensons que 25 coques d’Iphone alors que les autres sites en ont 10 000 voire un million. Aussi, nous ouvrons notre canal e-commerce lorsqu’il faut laisser du choix. La marketplace génère environ 2 millions d’euros, cela reste très faible dans notre chiffre d’affaires. Il n’y a pas de volonté à ce qu’elle grossisse fortement mais que les acheteurs puissent trouver les produits qu’on ne peut pas référencer.
Concernant les magasins, où en êtes-vous dans votre maillage ?
Nous inaugurons encore quelques points de vente mais clairement nous ne sommes plus dans une phase d’accélération. Notre objectif était une centaine et nous y sommes presque (99 à date), en étant à peu près partout. L’idée de ce maillage est de se rapprocher des consommateurs pour amener du service, en construisant une relation de proximité, aussi bien pour les particuliers que les professionnels.
Quels sont les grands enseignements que vous tirez du retail physique ?
Il y a 10 ans, on nous avait dit que le retail physique était mort. On a bien fait d’y aller (rires) ! Même en regardant la période post-Covid, les magasins ont beaucoup mieux résisté que l’e-commerce.
Lorsque nous nous sommes lancés dans le retail, les craintes en interne étaient que nous cannibalisions notre propre marché. Les franchisés nous disaient que nous allions avoir les mêmes clients, sous forme de bataille entre les deux canaux. Nous nous sommes rendu compte, et c’est la plus grosse surprise, que le client boutique et le client web ne sont pas du tout les mêmes.
La clientèle web reste l’historique, celle d’initiés qui savent ce qu’ils veulent et n’ont pas besoin d’aller en magasin. Et inversement, les acheteurs en magasins ont besoin d’échanger avec un vendeur, se faire accompagner dans leur achat et avoir cette réassurance. La marge entre ces deux clientèles n’est que de 10 %. Si le client utilise tous les canaux pour se renseigner, il a son canal d’achat auquel il reste fidèle.
Que représentent les magasins dans votre chiffre d’affaires ?
Nous voulions être moins dépendants de l’e-commerce car je savais que le web ne ferait jamais plus de 30 ou 40 % du marché. On se privait des 60 % restants. Aujourd’hui, les points de vente génèrent plus de 15 % de notre chiffre d’affaires. L’ambition est d’avoir un parfait équilibre entre les deux canaux à 50-50.
Quels sont les derniers services lancés ?
Nous avons tenté la livraison illimitée, sous forme d’abonnement annuel, mais nous ne possédons pas une offre assez étendue pour que les acheteurs achètent une quinzaine de fois sur le site. Nous sommes sur un marché où les consommateurs achètent une fois et demie tous les 2 ans environ. Récemment, nous avons lancé la garantie gratuite 3 ans sur tous les produits, un joli succès.
On parle beaucoup de reconditionné et de réparation, est-ce un sujet pour LDLC ?
Nous en faisons actuellement à travers la marketplace mais en effet, nous avons un projet en cours sur le reconditionné dans une catégorie où nous possédons une véritable expertise : la reprise de PC portables, puis du reconditionnement et de la revente. Nous voulons arriver à le faire en propre et d’être capable de gérer un service de reconditionnement. L’offre devrait être disponible au premier trimestre 2024.
Que retenez-vous de ces 27 années écoulées ?
La crise sanitaire a déclenché deux années d’hypercroissance avec quasiment 40 % de croissance, d’un mois sur l’autre durant deux ans. Ensuite, nous avons subi une décroissance mais en étant toujours au-dessus de 2019. Si on exclut la période Covid, notre marché reste en croissance. En revanche autour de nous, on se rend compte que si nous faisons de la croissance c’est aussi parce que tous les autres acteurs souffrent de plus en plus, excepté « un Américain » (Amazon, NDLR). Clairement, le marché devient de plus en plus compliqué. Il vaut mieux être un acteur historique fort et ne pas se battre sur les prix avec une clientèle fidèle car vous êtes bons et non parce que vous n’êtes pas chers. Aujourd’hui, les enseignes qui ont toujours essayé d’avoir du prix et n’ont jamais été rentables n’y arrivent plus.
Aujourd’hui, les enseignes qui ont toujours essayé d’avoir du prix et n’ont jamais été rentables n’y arrivent plus.
Dans le futur, avec cette concentration d’acteurs, le marché sera plus sain dans l’e-commerce et va s’équilibrer. On le voit dans le comportement des consommateurs. Aujourd’hui, on ne parle quasiment plus des comparateurs de prix parce que chacun sait où il achète.
Vous avez lancé en mai une première boutique TopAchat à Paris, dédiée à la conception de PC sur mesure, qu’en est-il ?
La boutique augmente son chiffre d’affaires tous les mois, mais cela prend du temps. Il faudra un ou deux ans pour qu’elle s’installe véritablement. Nous allons d’abord confirmer ce magasin avant d’en ouvrir d’autres.
LDLC est une entreprise familiale avec votre frère et jusqu’à récemment votre sœur. Qu’est-ce que ça change ?
Pour avoir vécu les deux situations, il y a bien sûr une confiance plus forte entre frères et sœur et cela permet aussi de se dire les choses de façon très franches quelquefois ! Des choses que ne se diront jamais des personnes qui ne sont pas la même famille mais le lendemain nous tournons la page et nous nous réconcilions.
Au niveau de l’entreprise au global, cela apporte un supplément d’âme. Vous ne dirigez pas de la même manière en famille que lorsque vous êtes tout seul à diriger une entreprise. Pour nous, LDLC est une grande famille, là où certaines sociétés ne pensent qu’à la rentabilité, même si nous sommes côtés en Bourse. Quand on pense croissance, nous impliquons toujours le reste des équipes. Quand nous avons mis en place la semaine de 4 jours, après en avoir parlé à mon frère et au directeur financier, je pensais que cela nous coûterait de l’argent autour de 5 % -cela ne sera pas le cas- mais je décide de le faire et on y va.
Vous êtes connu pour être un patron très sensible aux questions sociales avec de vraies avancées dans le bien-être au travail (semaine de 4 jours, congé postnatal pour les femmes et hommes). Un mouvement encore très marginal en France ?
Il m’a fallu trois jours pour prendre la décision de la semaine de 4 jours. Les autres dirigeants n’y sont pas opposés pour en voir beaucoup mais ont besoin de beaucoup de temps pour se décider. Ils se posent beaucoup plus de questions dans le fonctionnement et leur organisation en interne.
Aujourd’hui, il y a un vrai mouvement de fond où petit à petit l’idée ne paraît plus si absurde et commence à entrer dans les mentalités. Le sujet n’est pas français mais mondial et sans doute des pays bougeront plus que vite que la France et en entraîneront d’autres.
D’un point de vue RH, est-ce que cela vous permet de mieux recruter ?
Mon problème n’est pas de recruter mais de ne pas avoir assez de turn-over ! Ce qui est tout le contraire de ce qu’on peut entendre ailleurs. Par exemple, dans la relation client, les employés restent en moyenne un an et demi maximum, chez LDLC ils sont là depuis 9 ans parce que les conditions de travail sont bonnes, les salaires sont corrects… Quand vous faites le nécessaire, les collaborateurs restent. Ce n’est pas le métier qui fait fuir les gens mais les conditions dans lesquelles on les considère.
Ce n’est pas le métier du retail qui fait fuir les gens mais les conditions dans lesquelles on les considère.
On parle beaucoup d’IA générative et des premiers cas d’usage, avez-vous commencé chez LDLC ?
On expérimente le sujet avec des tests divers et variés. La seule chose qu’on n’a pas du tout testé, c’est l’interaction avec des clients. Notre relation client est vraiment basée sur la qualité, il est inenvisageable de mettre un chatbot qui n’y répondrait pas parfaitement. En revanche, nous avons commencé à regarder sur la rédactionnel pour améliorer certains points ou aller plus vite. Sur les fiches produits, les premiers tests fonctionnent très bien ou sur des traduction de site.
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