Concept, consommation, prix… les bonnes recettes de Del Arte
Par Dalila Bouaziz | Le | Enseignes
Après une année 2023 réussie, 2024 s’annonce tout aussi riche pour Del Arte qui fête ses 40 ans. L’occasion de faire le point avec Philippe Jean, dirigeant de l’enseigne de restauration italienne et mentor de Resto Days, mais aussi d’évoquer ses enjeux du moment autour de la data et les nouveaux projets à venir.
Comment s’est passée l’année 2023 ? Et qu’en est-il de ce premier trimestre 2024 ?
Nous avons connu un premier trimestre assez atypique avec une activité très soutenue en comparaison à 2022, où le variant omicron nous avait un peu pénalisé. Puis le rythme s’est tassé à partir du mois d’avril avecune franche austérité de la consommation en septembre. Nous avons observé une baisse du taux de prise pour les apéritifs, cocktails, produits à partager… L’année s’est pour autant clôturée positivement, en hausse de 8,2 %, avec un chiffre d’affaires de 270 millions d’euros.
L’année 2024 démarre au même niveau de chiffre d’affaires que l’an dernier à fin février.
Cette année 2024 démarre au même niveau de chiffre d’affaires que l’an dernier à fin février. Nous enregistrons des semaines très variables en fonction du positionnement des jours de congés, vacances scolaires. Le mois de mars 2024 est très bon, une belle surprise, avec une croissance de l’ordre de 10-12 %.
Enfin, nous fêtons cette année nos 40 ans avec la mise en place d’un dispositif anniversaire. Il fera l’objet de campagnes promotionnelles, jeux concours, etc. entre la fin du printemps et septembre.
Quelles sont les grandes étapes de Del Arte en 40 ans ?
Au départ, Del Arte est une chaîne de pizza créée par le groupe Accor, une offre de restauration pour les clients des hôtels. L’enseigne réalisait un chiffre d’affaires assez modeste de quelques centaines de milliers d’euros. Puis le groupe le Duff la rachète en 1995, et après une première phase d’observation, la bascule se fait au début des années 2010. L’offre de produits au sein des restaurants évolue avec le nom de « Ristorante » à la place de « Pizza Pasta ». L’objectif était de devenir un lieu de restauration plus hybride, pour tous les goûts. Nous avons intégré des pâtes, des plats protéinés, de grandes salades…
Nous sommes ainsi devenus un vrai restaurant italien, réalisant 200-220 couverts par jour dans les années 2010. C’est aussi à cette période que nous développons la franchise avec 12 à 15 ouvertures de restaurants par an. Nous recensons aujourd’hui un parc de 196 établissements dont 90 % sont opérés par des franchisés. Nous estimons être le plus grand réseau de restauration à table en franchise en France puisque nous disposons de 170 restaurants pilotés par des franchisés.
Quelles sont aujourd’hui vos meilleures ventes en termes de plats ?
Nous travaillons bien sûr la saisonnalité, mais 55 % des produits vendus restent des pizzas, 25 % de pâtes et les 20 % restant se composent d’escalopes milanaises, grandes salades, bowl… Contrairement à ce qu’on pourrait penser, très peu de Français réalisent leurs propres pizzas. Nous arrivons à monter en gamme et proposer des plats assez innovants avec une pizza.
Cela est moins facile sur des pâtes par exemple, parce que le marché de qualité de la pâte fourrée farcie, notamment industriel, s’est énormément développée au cours des dernières années.
Vous avez redéfini votre concept de restauration autour de trois univers de consommation. Comment cela prend-il ?
Nous avons donc créé deux nouveautés. D’abord en implantant un parcours digital pour la vente à emporter dans une zone dédiée « A Casa » pour que le click and collect et la livraison à domicile soient regroupées. Nous l’avons renommée récemment en choisissant « A emporter » car certains de nos clients ne comprenaient pas très bien la signification de « A Casa » (à la maison). Mais aussi en allant plus fortement sur le marché de l’afterwork via une nouvelle zone « Aperitivo » : cocktails, plats à partager… Nous avons de fortes ambitions en chiffre d’affaires et communication.
Depuis le magasin pilote à Joué-les-Tours en décembre 2022, nous l’avons déployé dans un environnement très urbain à Nanterre université en mars 2023. Nous avons également transformé un restaurant dans Rennes centre en octobre 2023 et venons d’ouvrir à Libourne, pour la première fois opérée par un franchisé avec l’intégralité de ces univers.
Et en termes de résultats ?
Les premiers résultats indiquent 30 % de ventes supplémentaires pour les vins, cocktails apéritifs mais aussi 20 % supplémentaires pour la pizza. L’établissement de Libourne est une très belle surprise n’étant pas sur une clientèle vivant dans une grande ville. Le point de vente a même réajusté le chiffre d’affaires attendu de 1,2 million d’euros à 1,4 million.
Autre exemple à Rennes Charles de Gaulle, au centre de la ville, l’établissement réalise 15 % de ses ventes dans un bar à limonades, ce qui évidemment très nouveau pour Del Arte et ouvre des horizons très intéressants.
Quels sont vos enjeux actuellement ?
J’insuffle les 3D : Data, Delivery et Digital. Je suis convaincu qu’un secteur aussi traditionnel et « un peu poussiéreux » qu’est la restauration traditionnelle doit amorcer un virage très fort sur la data. J’essaie d’embarquer tous mes collaborateurs et notre réseau de franchise sur la data, l’intelligence artificielle et autres sujets. Par exemple, en travaillant nos shootings photos avec l’intelligence artificielle, nos fiches techniques de R&D mais aussi en se faisant challenger par l’IA quand on réalise une carte, par exemple sur le nom des recettes, voire la composition de la carte. Avec toujours en ligne de mire : faire revenir les clients plus souvent en restaurants, leur faire dépenser plus et les cibler de manière beaucoup plus fine grâce à un important travail sur la fidélisation.
Nous avons une évolution de notoriété sur les 25-35 ans très forte.
Quant à la partie digitale, elle est omniprésente au sein de l’enseigne depuis deux ans. Nous avons amorcé un un vrai virage en modernisant notre communication, sa fréquence et le ton employé, les médias développés… Avec des progressions énormes sur Instagram via notre partenariat au GP Explorer avec l’influenceur Squeezie. Cela projette l’enseigne dans un univers beaucoup plus jeune et moderne : nous avons une évolution de notoriété sur les 25-35 ans très forte. Les candidatures des franchisés sont aussi d’une tranche d’âge légèrement inférieure à celle qu’on avait l’habitude d’avoir.
Qu’en est-il du maillage d’établissements ?
De manière mesurée et raisonnée, nous envisageons cinq ouvertures par an. Nous avons identifié une quarantaine d’emplacement numéro un sur lesquels nous ne sommes pas présents. Le vrai problème auquel nous sommes confrontés réside dans le le nombre très insuffisant de candidats à la franchise. Nous nous adressons à une population cible qui dispose de 250 000-300 000 euros d’apport. Nous sommes sur une niche par rapport à la restauration rapide.
Concernant les nouveaux territoires, nous réfléchissons à une expansion dans les Antilles françaises et sommes sollicités pour des implantations dans les pays limitrophes (Benelux).
Et en termes de fermetures ?
Nous avons continué à arbitrer notre réseau. La très très grande majorité des fermetures provient d’un développement entre 2018 et 2020 sur des emplacements pas vraiment à succès. Mais aussi sur la fin de l’opération du rachat de l’enseigne Tablapizza effectuée en 2017 où nous avons converti à l’enseigne Del Arte un faible nombre de restaurants rachetés. La très grande majorité d’entre eux ont été cédés.
Vous avez lancé un menu à 10 euros, où en êtes-vous dans les prix ?
Nous avons aujourd’hui un ticket moyen à 21,40 euros TTC. Un niveau jamais atteint chez Del Arte. Quand je suis arrivé il y a 11 ans, nous étions à 17-18 euros. Pendant longtemps, nous pensions qu’il ne fallait pas franchir le seuil psychologique des 20 euros TTC. Notre ticket moyen a pris 12 % sur les 18 derniers mois. Cela fait maintenant un an que nous n’avons pas opéré d’augmentation de tarifs. Néanmoins, nous avons trouvé comme beaucoup que nous étions allés au maximum de la capacité de dépenses de nos clients.
Le sujet du prix est arbitré en national par le réseau et il est exprimé de manière très différente par chacun des franchisés dans son environnement et dans son restaurant. L’opération du menu à 10 euros que nous avons lancé le midi et seulement en semaine ne contente qu’une grosse moitié du réseau qui veut rechercher de la fréquentation et du trafic en semaine. Mais l’autre partie du réseau a reconstitué son solde de fréquentation et rentabilité et ces établissements n’ont pas envie d’effectuer des tickets moyens légèrement inférieurs voire très inférieurs à ce qu’ils font. Néanmoins par cohérence dans le cadre d’un réseau, nous n’avons pas voulu le rendre optionnel pour ne pas voir une distorsion d’image entre points de vente. Nous l’avons imposé en tant que standard de l’enseigne pour la carte printemps-été (jusque-là en test dans des établissements volontaires), mais on sait que cette opération sera plus ou moins relayée avec force par nos franchisés !
Je reste néanmoins convaincu que nous avons toujours besoin de recruter une nouvelle typologie de clientèle, surtout le midi en semaine, un moment de consommation pour lequel nous sommes très challengés.
Venez échanger avec Philippe Jean et les décideurs de la restauration et l’hôtellerie
Les 21 et 22 mai 2024 se tiendra à Deauville la 3e édition de Resto Days, un séminaire XXL pour échanger sur les enjeux de l’hôtellerie et de la restauration.
Philippe Jean, directeur général de Del Arte, sera présent pour partager ses projets et convictions sur le secteur.