Stratégie retail

Comment La Foir’Fouille veut se démarquer dans le discount

Par Dalila Bouaziz | Le | Enseignes

Confrontée à des arbitrages de consommation et un marché ultra-concurrentiel dans le discount, La Foir’fouille ajuste sa stratégie en développant davantage les rayons utilitaires et ses marques propres. L’enseigne poursuit son expansion avec l’ouverture prochaine de deux magasins en centre-ville. Entretien avec le directeur général Geoffrey Lavielle.

La Foir’Fouille existe depuis 50 ans et génère autour de 815 millions d’euros. - © D.R.
La Foir’Fouille existe depuis 50 ans et génère autour de 815 millions d’euros. - © D.R.

Comment se porte votre enseigne ?

2023 a été une année en en deux temps avec une première partie qui s’est plutôt bien passée jusqu’au mois d’août. À partir de septembre, la 2e partie s’est révélée plutôt décevante avec une baisse du trafic en magasins et des achats, dans un contexte fort d’inflation alimentaire. « Le reste à vivre » pour nos clients s’est réduit et donc les « achats plaisir ». Néanmoins, nous avons réalisé un bon mois de décembre.

2023 ne restera pas dans les annales mais elle n’est pas non plus une mauvaise année. Nous avons généré le même niveau de chiffre d’affaires qu’en 2022, autour de 815 millions d’euros, en légère régression. Notre panier moyen a augmenté à 28 euros versus 25 euros, ce qui nous a permis de compenser la baisse de trafic.

Et ce début d’année 2024 ?

Janvier et février ont été un peu décevants mais nous avons enregistré un bon mois de mars. Sur ce premier trimestre, nous sommes en croissance positive à périmètre constant par rapport à l’an dernier. Au vu des difficultés de certains de nos collègues (Gifi et Stokomani, NDLR), nous restons vigilants et focalisés sur notre rôle : apporter des prix bas à nos clients et réaliser de bonnes affaires avec nos offres de déstockage, dans un contexte de baisse du pouvoir d’achat, en étant toujours moins cher que les enseignes spécialisées et généralistes. Nous avons ainsi diminué nos prix de 10 % pour notre collection « Plein air » cette année.

Vous avez évoqué la concurrence dans le discount. Comment arrivez-vous à vous différencier avec l’arrivée ces dernières années d’acteurs assez agressifs en termes de prix ?

La Foir’Fouille existe depuis 50 ans avec deux approches : le déstockage, une partie de notre activité qui a toujours existé. C’est pour cette raison qu’on nous a souvent catégorisés non pas comme une enseigne de discount mais de solderie. Cette activité, nous avons eu tendance à la réduire au fur et à mesure des années. L’autre segment, ce sont les gammes de fin de rayon (rideaux, stores, vaisselle, etc.), les permanents. Nous avons remplacé les rayons qu’on pouvait avoir dans les enseignes alimentaires en étant 30-40 % moins cher que les distributeurs spécialisés à qualité équivalente.

Nous avons également développé notre sourcing en propre avec un bureau d’achats situé en Asie et nos produits en marque propre. Dans le secteur du discount, mis à part l’un de nos concurrents (Gifi), la plupart des enseignes ne réalisent pas d’achats en direct. Elles passent par des intermédiaires, des importateurs qui captent une partie de la valeur et peuvent se retrouver à vendre les mêmes produits. Nous travaillons notre offre de différenciation à la fois par nos 12 marques propres (30 % du chiffre d’affaires) et nos achats en direct, ce qui nous permet de d’écraser les coûts. Par ailleurs, là où certains ont des magasins très formatés autour de 1 000 mètres carrés, nous ouvrons des points de vente plus grands de 2 500-3 000 mètres carrés. Pour nos gammes de fond de rayon, nous avons besoin d’exprimer une largeur d’offre. En revanche, nous ne vendons quasiment pas de textile et avons un rayon alimentaire très réduit.

Vous réalisez une grande partie de vos ventes sur le marché de la décoration, un secteur en baisse. Etes-vous en train de changer votre stratégie en misant plus fortement sur d’autres catégories ?

Tout à fait. Nous réalisons 45 % du chiffre d’affaires sur la décoration. Et il est vrai qu’en 2023, nous avons plutôt été en baisse sur ce secteur impacté par les arbitrages de consommation. Mais la grande force de nos 270 magasins, c’est qu’ils sont relativement flexibles et faciles à bouger, aujourd’hui nous avons développé davantage les rayons utilitaires : l’équipement de la maison (cintres, balais, étendoirs, planches à repasser…) mais aussi les produits d’hygiène et d’entretien.

Justement, depuis le 1er mars, la loi Descrozaille s’étend aux rayons droguerie, parfumerie et hygiène de la grande distribution (les promotions sont plafonnées à 34 %). Observez-vous une hausse de ses ventes dans vos magasins ?

Il est en encore un peu tôt pour y répondre car nous avons alloué 50 % de surface supplémentaire dans nos points de vente. Aussi, même si nous avons peut-être récupéré des clients de d’autres enseignes, il est difficile de dissocier ces deux effets pour le moment.

Nous sommes là aussi dans une stratégie d’achat très différente des autres où nous récupérons via des grossistes les surplus de production. Contrairement aux enseignes généralistes où par exemple chaque linéaire d’un gel douche correspondra à un parfum précis d’une marque. A la Foir’Fouille, le client aura la marque mais le parfum ou la contenance changera en fonction des quantités et arrivages mais avec un prix moins cher que la GSA (grande surface alimentaire).

Vous avez communiqué sur la rénovation de votre parc de magasins sur le nouveau concept lancé en 2022. Où en êtes-vous ?

90 % de nos magasins (25 % en propre et 75 % en franchise) datent de 2013 ou d’après donc cela ne représente que 10 % du parc. Il est extrêmement important qu’on les rénove de manière très régulière pour une raison assez simple : nos points de vente ne sont pas des magasins de destination par essence. L’objectif est donc de faire venir les clients avec une expérience d’achat qui soit plaisante. Et de montrer que même si La Foir’Fouille a 50 ans, nos magasins restent modernes avec des caisses automatiques, une expérience d’achat attractive, dans la façon de présenter les produits…

Et concernant le maillage de magasins et l’objectif d’atteindre les 400 ?

Nous ne sommes pas dans nos objectifs de développement car nous avons du mal à trouver des surfaces de vente d’une superficie 2500-3000 mètres, représentant de gros magasins aujourd’hui. Il y a des places dans des galeries commerciales, en centre-ville mais pour de plus petits magasins qui ne correspondent pas à notre concept. Le législateur considère que l’espace commercial en France est important et donc il y a de plus en plus de difficultés à obtenir des autorisations d’ouverture de mètres carrés supplémentaires. Plusieurs de nos projets de terrain ont été retoqués cette année, ce qui a freiné notre développement. Nous sommes donc davantage sur de la reconversion de surfaces en prenant des bâtiments existants où parfois il faut les diviser pour obtenir la superficie qui nous intéresse. Cela a été le cas avec des magasins Alinéa mais aussi pour des enseignes de bricolage ou alimentaires. Cela nécessite plus de temps, nous avons un certain nombre de projets en 2024 qui sont décalés à 2025 pour des problématiques de délais de travaux, etc.

Nous sommes également présents dans les DOM-TOM, la Belgique, Luxembourg et bientôt dans un nouveau pays que nous allons ouvrir avec un franchisé.

Allez-vous réajuster votre objectif de développement ?

Pour le moment non mais nous avons mandaté un cabinet pour réévaluer cet objectif. Il y a des villes (Amiens, Arras, Lyon…) où nous sommes totalement absents et certains de nos concurrents peuvent disposer de deux magasins. La Foir’Fouille a un concept assez unique avec à la fois notre ADN de discounter et nos marques propres spécialisées par univers de produit. Nous avons encore du potentiel. Le sujet pour La Foir’Fouille, c’est de continuer à assurer notre développement avec l’ouverture de magasins supplémentaires et de candidats à la franchise. Nous avons toujours eu un développement mesuré pour bien valider la qualité de nos emplacements et zones géographiques, en étant aussi vigilants sur les baux commerciaux.

Pourquoi allez-vous ouvrir en région parisienne où les surfaces sont plus petites et les prix des loyers beaucoup plus élevés ?

Le tissu commercial s’est petit à petit modifié avec, on le voit depuis des années, l’apparition de petits commerces de centre-ville essentiellement focalisées sur l’alimentaire. L’offre non alimentaire n’existe pas et on oblige finalement les clients urbains à aller en périphérie ou acheter sur Internet.

On s’est dit qu’il y avait une opportunité de développer des magasins de centres-villes, avec une offre de loyer bien sûr plus importante. Ce qui nous amènera à ajuster nos prix. Pour autant, nous conserverons notre compétitivité et nos offres promotionnelles et commerciales. Les deux premiers magasins sont d’une superficie de 700 et 1 000 mètres carrés en région parisienne : Suresnes (cet été) et Gennevilliers en 2025.

Vous avez lancé un site marchand, pourquoi ce choix ?

L’e-commerce génère 5 % de notre chiffre d’affaires, un chiffre contant. Nous n’avons pas de volonté de développer cette activité. Le commerce en ligne correspond à une stratégie de click and collect avec un minimum d’achat de 30 euros. Il consiste à favoriser les ventes des produits en stock dans nos magasins pour nos franchisés. Le prix moyen d’un produit se situe autour 4 euros donc le panier doit être intéressant pour que nous passions du temps à la préparation en magasin.

Nous réalisons plus de 50 % de notre chiffre d’affaires avec nos 4,5 millions de clients encartés à notre programme de fidélité.

La livraison à domicile a été lancé uniquement sur nos points de vente en propre. Contrairement à d’autres enseignes qui sponsorisent l’activité digitale, nous n’avons pas voulu prendre en charge les frais de livraison. 90 % des produits en magasins, soit 15 000 références sont disponibles en ligne. Nous recensons plus de 22 millions de visiteurs sur le site par an. Et nous avons lancé l’an dernier une application mobile pour développer des services dédiés nos clients fidèles pour leur envoyer des pushs, offres spéciales, chèques de remise… Nous réalisons plus de 50 % de notre chiffre d’affaires avec nos 4,5 millions de clients encartés à notre programme de fidélité. Avec OuiPub, nous avons changé notre communication en misant plus fortement sur notre programme de fidélité, le digital et les réseaux sociaux.

RDV les 30 septembre et 1 octobre

RDV les 30 septembre et 1er octobre - © D.R.
RDV les 30 septembre et 1er octobre - © D.R.

Retail Days, le sommet des dirigeants d’enseignes, réunira les 30 septembre et 1er octobre à Deauville 100 décideurs du retail pour échanger sur les problématiques du moment.

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