L’ADN au cœur de la consommation de demain ! [Analyse]
Le | Marketing
L’ADN, le nouveau levier marketing des marques ? Certains retailers et retail tech pensent que oui. Analyse de Nicolas Diacono, Digital Trends Analyst chez l’Echangeur by BNP Paribas Personal Finance.
Les tests ADN récréatifs pour connaitre ses origines ou bien ses prédispositions génétiques à développer des pathologies, sont interdits en France mais de nombreux pays européens les acceptent et les acteurs de la tech s’en emparent et imaginent des scénarios dans le commerce.
Force est de constater qu’avec la pandémie, le lien entre notre alimentation et notre santé a plus que jamais été mis en exergue. La start-up israélienne AlgoCart l’a bien compris et a construit une plateforme pour que chaque consommateur puisse disposer de recommandations alimentaires personnalisées. L’objectif est de créer un moteur de recherche qui pourra être intégré sur le site marchand de Walmart afin de prendre en compte les pathologies ou allergies des consommateurs. Un consommateur souffrant d’une maladie cardiaque ne pourra acheter que des produits en adéquation avec sa pathologie.
À terme, la start-up souhaite que les consommateurs puissent intégrer à sa solution leurs tests sanguins et bilans de santé pour que leur intelligence artificielle puisse aller encore plus loin dans la personnalisation alimentaire. Pour le fondateur d’AlgoCart, Yuval Canfi, le profil génétique des consommateurs sera également pris en compte pour influencer les achats alimentaires d’ici une dizaine d’années, c’est ce que l’on appelle la nutrigénomique. Elle permet de faire le lien entre le profil ADN d’un individu et l’impact de l‘alimentation sur son corps et sa santé. Il existe de petites variantes génétiques qui empêchent les vitamines ou minéraux de se métaboliser correctement, nécessitant un besoin d’apports quotidiens plus important pour le corps. Tout cela peut se détecter, certains dans les gènes. Chaque être humain est différent, et bon nombre des raisons de ces différences sont à rechercher dans nos gènes. Nombreux sont les acteurs à l’image de Genopalate, Ubiome, AGS Fitgene, … qui veulent préempter ce marché d’avenir.
Mélange de tech et d’ADN pour mieux guider le client dans ses achats
En 2018, Nestlé via son programme « Nestle Wellness Ambassador » a même lancé au Japon un programme de nutrition personnalisée grâce à l’exploitation de l’ADN de ses clients, par une intelligence artificielle dédiée. Les adhérents au programme reçoivent alors des recommandations nutritionnelles en fonction de leur profil génétique et de potentielles maladies telles que le cholestérol ou le diabète.
DNANudge, une startup londonienne, offre depuis 2019 un service de test d’ADN couplé à un bracelet connecté pour faire des recommandations alimentaires en magasin. Le bracelet permet de scanner des produits en point de vente et de savoir s’ils sont adaptés au profil génétique des utilisateurs. Le bracelet sert également de tracker d’activité physique ce qui permet à l’application de guider les consommateurs vers des produits adaptés à leur activité physique, en complément de leur ADN. La start-up a d’ailleurs levé 60 millions de dollars en août dernier. Elle cible aujourd’hui également la cosmétique et la santé grâce à ses tests ADN.
Au-delà de l’alimentation, l’ADN est en train d’investir d’autres secteurs comme la cosmétique ou le tourisme
L’ADN peut orienter et guider la consommation des produits cosmétiques comme le propose l’enseigne IOPE Lab en Corée du Sud. L’enseigne coréenne propose 3 catégories de produits personnalisés à l’aide de test génétique pour ses clients : Skin Future Solution, Lab Tailored 3D Mask, et le Lab Tailored Serum. L’enseigne a même ouvert dans son flagship un espace dédié pour la réalisation des tests génétiques.
De leur côté, les géants de la cosmétique et de la beauté comme Clarins, LVMH ou L’Oréal se sont récemment associés pour créer le consortium « DNA& Cosmetics ». Ce consortium a pour objectif d’optimiser la traçabilité et la qualité de leurs produits grâce à l’analyse ADN des ingrédients utiliser dans leurs produits.
Airbnb s’est lui associé à la société 23andMe, pour fournir des recommandations de voyage basées sur le code génétique de ses clients. Le site de location a créé une page dédiée avec « heritagetravel ». Cela permet aux voyageurs qui visitent le site Airbnb de planifier un voyage en fonction de leurs propres racines. Par exemple, une personne ayant des racines mexicaines peut trouver une page sur le Mexique mettant en évidence des lieux à visiter, l’histoire de la ville/du pays et toutes expériences culturelles.
21 % des consommateurs prêts à partager leurs données
La pratique sportive peut également être guidée par un test génétique comme le propose DNAFit, CrossDNA ou 24Genetics. Les tests proposés par ces sociétés sont censés identifier la nature des fibres musculaires des clients pour les orienter soit vers des sports d’endurance ou soit des sports d’explosivité. Des programmes de musculation sont également poussés par ces sociétés en fonction des fibres musculaires de chaque client. Tout ceci dans une quête de la performance sportive des utilisateurs.
Amazon et Walmart seraient enclin à investir le territoire de la génétique pour créer l’alimentation de demain, selon Amy Webb, CEO de The Future Today Institute.
Cela peut paraitre fantasque et la légitimité scientifique de ces tests peut être remise en question. Pour autant il faut savoir que 21 % des consommateurs européens (source Euromonitor) seraient prêts à effectuer un test ADN et partager les résultats avec des distributeurs si cela leur permet d’avoir des offres beaucoup plus personnalisées. Réalité ou utopie, en tout cas une chose est certaine les tests ADN n’ont pas fini de se développer et il se pourrait même un jour que la loi de bioéthique française puisse les autoriser.
Pour aller encore plus loin Amy Webb, professeur à NYU et CEO de The Future Today Institute, estime qu’Amazon et Walmart seraient enclin à investir le territoire de la génétique pour créer l’alimentation de demain. Une alimentation issue de l’agriculture cellulaire pour lutter contre le changement climatique.
Il n’est pas anodin que les géants de la technologie, que sont Alphabet, Amazon, Microsoft, Tencent, Baidu ou Alibaba, aient tous investi dans des sociétés travaillant sur la génomique. La biologie de synthèse semble prédéfinir ce que pourrait être la consommation d’ici quelques décennies. Une consommation centrée sur l’ADN des consommateurs.
A propos de l’auteur :
Après plusieurs expériences au sein de startups biotechnologiques puis dans un cabinet de conseil en innovation, Nicolas Diacono intègre l’Echangeur by BNP Paribas Personal Finance. Avec plus de dix ans d’expérience dans la veille technologique et la prospective sur les tendances digitales, il accompagne aujourd’hui les clients internationaux de l’Echangeur dans leurs réflexions stratégiques.