Supply chain : dark store, microfulfillment center ou l’émergence des ‘Dark cities’
Le | Supply chain
Les villes se transforment sous l’impulsion de l’e-commerce. Guillaume Rio, responsable du Pôle Techno Trends de l’Echangeur by BNP Paribas Personal Finance, analyse le phénomène des dark stores nécessaires pour tenir les délais promis.
Le confinement a accéléré de manière exponentielle les demandes de livraisons à domicile notamment en milieu urbain, apportant son florilège de nouveaux entrants aux noms exotiques tels que Cajoo, Flink,Delivery Hero, Dija, Gorillas, PicNic, Glovo, Getir, Rohlik ou Everli rien que pour l’Europe !
Et c’est d’autant plus vrai dans l’e-commerce alimentaire qui a profité de la pandémie, représentant 46 % de la croissance des ventes en ligne en France en 2020, avec des ventes dépassant 14 milliards d’euros. Enfin 7,8 % des ventes alimentaires ont été faites en ligne en 2020, contre 5,8 % en 2019 soit plus de 3 fois la progression d’une année normale selon le cabinet d’études Forrester Research.
7,8 % des ventes alimentaires ont été faites en ligne en 2020, contre 5,8 % en 2019 soit plus de 3 fois la progression d’une année normale selon le cabinet d’études Forrester Research.
Le point commun de ces nouveaux entrants ? Un service ultra-rapide basé sur le concept de micro-fulfillment center ou ‘dark store’, qui se réfère à des micro-plateformes logistiques de 100 à 300 mètres carrés et opérant sur une zone de chalandise très ciblée (1 à 2 kilomètres en moyenne) situées en zone urbaine pour rapprocher le produit du consommateur final. Ces derniers centralisent entre 1 500 et 2 000 références. Ce référencement minimaliste répond parfaitement à une vaste demande d’un public urbain toujours plus pressé !
La promesse commune de ces nouveaux acteurs est d’assurer un service de livraison à domicile en 10 à 15 minutes, pour un coût n’excédant pas les 2-3 euros.
La recette commune de ce succès : d’importantes et rapides levées de fond
L’acteur allemand Gorillas, fondé il y’a un an et demi, est devenu une licorne, valorisée à plus d’un milliard de dollars, en seulement neuf mois d’existence tout comme son homologue tchèque Rohlik ! La plateforme Glovo, née à Barcelone, a levé 450 millions d’euros en avril, ainsi que la société berlinoise Flink qui a levé 200 millions d’euros le 4 juin dernier. En Angleterre, Weezy et Dija ont levé 20 millions de dollars chacune.
Ces levées de fonds répétitives, permettent à ces jeunes sociétés de développer leur réseau de ‘dark store’ à très grande vitesse.
Glovo, a annoncé un partenariat de 100 millions d’euros avec la société immobilière suisse Stoneweg pour développer son réseau de ‘dark store’ à travers l’Europe. Glovo prévoit l’ouverture d’une centaine de dark stores d’ici la fin 2021 contre seulement dix-huit en début d’année, répartis en Espagne, en Italie, au Portugal et en Roumanie.
Les allemand Flink et Gorillas ainsi que le turc Getir et le britannique Dija investissent le sol français jour après jour avec une volonté d’implanter de 2 à 3 stores par semaine.
La France n’est pas en reste avec la startup parisienne Cajoo qui s’est lancée sur ce marché en levant 6 millions d’euros pour son développement. Aujourd’hui, Cajoo couvre 80 % de Paris et prévoit d’étendre ses activités sur 20 autres villes de France d’ici à la fin de l’année.
Ce phénomène a vu le jour aux Etats-Unis avec la société goPuff (créée en 2013), valorisé 3,9 milliards de dollars et présente dans plus de 500 villes américaines.
Aux USA cette tendance s’est accélérée avec la chute du coût du loyer et de nombreuses fermetures de magasins durant la pandémie ou des nouveaux acteurs tels que 1520, Fridge No More ou Joker proposent la livraison de vos courses en 15 à 20 mn à Manhattan sans frais de livraison.
La grande distribution contre-attaque !
En parallèle, les acteurs de la grande distribution sont de plus en plus nombreux à livrer des produits à domicile avec des partenaires logistiques (Carrefour avec Uber Eats, Casino avec Deliveroo, Cora avec Picnic, Monoprix avec Stuart,…) afin de suivre les nouvelles exigences du consommateur.
Certains magasins ont même déjà changé de fonction et sont devenus des hubs logistiques de proximité ; soit les fameux dark stores. L’enseigne américaine d’ameublement Bed, Bath and Beyond a converti 25 % de ses magasins en centres logistiques pour améliorer ses délais de livraison depuis le début de la crise sanitaire. D’autres acteurs tels que Franprix, Target ou Amazon (Whole Foods) ont également temporairement transformé certains de leurs magasins en hub logistique dédié au commerce en ligne en plein cœur de la crise.
Au-delà de la crise, la fusion entre points de vente et l’intégration de mini entrepôts dédiés aux commandes en ligne au sein même de leurs magasins est acté par Walmart. Le géant américain a prévu à court terme de déployer une centaine d’entrepôts automatisés dédiés à la livraison, au sein même de ces points de vente. Il s’agit de centres de distribution automatisés, ou ‘micro fulfillment centers’, permettant d’automatiser le traitement et la préparation des commandes via des solutions robotisées qui permettent d’optimiser le temps consacré à l’exécution des opérations logistique.
Ce concept pourrait à long terme se déployer sur les 4 700 points de vente de Walmart qui bénéficie d’un maillage complet du territoire américain. Ahold, Kroger et Instacart ont des projets du même ordre.
Les trois principaux fournisseurs de solutions de micro-fulfillment center sont Dematic, Takeoff Technologies et Exotec (qui travaille avec Carrefour) qui représentent environ 75 % du marché en 2020.
L’essor des drones et des robots autonomes
Le marché de la livraison par robot autonome est d’ailleurs estimé à plus de trente milliards de dollars d’ici 2030.
La démocratisation de ces micro-fulfillment center en ville pourrait être soutenue par l’essor des drones et des robots autonomes de livraison. Aux États-Unis, les supermarchés Kroger, Walmart et Amazon sont en train de tester ce type de service de livraison autonome. Profitant de l’augmentation des fermetures de magasins et d’un marché immobilier au plus bas en ville (USA), Amazon est en train de développer des micro-fulfillment centers, qui seront soutenus par sa propre flotte de véhicules de livraison autonome (Rivian, Aurora et Zoox) et drones autonomes allant directement aux clients ‘Prime’.
Le marché de la livraison par robot autonome est d’ailleurs estimé à plus de trente milliards de dollars d’ici 2030. Selon une étude d’Euromonitor, près de 50 % des Européens seraient enclins à se faire livrer par ces solutions technologiques dès lors que cela permet d’accélérer les délais de livraison.
On assiste à une véritable « logistification » de nos villes afin de répondre au plus vite à des clients de plus en exigeants et totalement digitalisés ! Tout cela va contribuer à redéfinir les centre villes, qui déjà pour beaucoup d’entre eux perdent leur attractivité commerciale ! Après avoir imaginé les villes dortoirs, les Zoom town, sommes-nous prêts pour les Dark cities ?
A propos de l’auteur :
Master en management de la Distribution en poche, Guillaume Rio a intégré le Groupe Auchan sur plusieurs sujets de réflexion « digital store » et « merchandising », notamment pour les structures Norauto et les hypermarchés Auchan. Avec une expertise reconnue de plus de 20 ans sur le décryptage des évolutions du Commerce et de la prospective à l’international, Guillaume Rio pilote aujourd’hui le Pôle Techno Trends de l’Echangeur by BNP Paribas Personal Finance.