Analyse : Et si le secteur de la distribution se lançait dans l’économie du virtuel
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Médias de synthèse, cryptomonnaies et jetons non fongibles, Nicolas Diacono, Digital Trends Analyst chez l’Echangeur by BNP Paribas Personal Finance, décortique le potentiel de l’économie virtuelle.
La pandémie a accéléré la digitalisation de nos vies sur beaucoup de points, de la consommation alimentaire au télétravail en passant par le divertissement, avec le succès des plateformes comme Netflix.
Cette digitalisation accélérée ouvre la voix d’un commerce différent et réservé encore aujourd’hui à une population technophile. Un commerce dont les piliers technologiques seront les médias de synthèse, les cryptomonnaies et les jetons non fongibles. D’Alibaba au Groupe Casino, certains distributeurs se positionnent sur les potentiels qu’offre cette économie. Une économie fondée sur la numérisation des biens et une virtualisation des places de marché.
Le groupe Casino investit dans Lugh, une cryptomonnaie
Une cryptomonnaie pourra devenir le support fondateur des programmes de fidélisation de demain. En Mars 2021, le groupe de distribution Casino s’est adossé à un consortium composé de PwC ou encore la Société Générale pour lancer une monnaie digitale, adossée à l’Euro. Il s’agit du Lugh dont la vocation est de pouvoir être utilisée comme moyen de paiement en magasin (dans un délai de 24 mois) et également de transformer le programme de fidélité du groupe. Le géant de la distribution souhaite à terme convaincre d’autres acteurs du commerce à rejoindre ce consortium. L’avantage d’une cryptomonnaie, dans un programme de fidélité, c’est avant tout la transparence, la traçabilité et l’interopérabilité entre enseignes.
C’est d’ailleurs ce que proposait, il y a encore quelques années, le programme Smiles, dont le groupe Casino était acteur. Lors de la NRF 2020, NCR avait fait la promotion de ses terminaux de paiement acceptant les cryptomonnaies, démontrant ainsi l’intérêt grandissant pour ce moyen de paiement innovant. Cette démarche n’est pas, non plus, sans rappeler la démarche initiée par Burger King en Russie en 2016. L’achat de burger était alors récompensé par une monnaie digitale, les Whoppercoins, mais l’initiative n’avait pas rencontré le succès escompté. Fort de l’engouement actuel sur les monnaies digitales la donne pourrait avoir changé dans l’esprit des consommateurs.
Le fantasme d’un programme de fidélité unique et transversal à nos lieux de consommation pourrait permettre à Lugh de devenir une monnaie digitale qui compte sur le marché Français.
McDonald’s mise sur les NFTs (Non Fongible Token)
L’usage de la blockchain pour récompenser les consommateurs pourrait également passer par les NFTs (Non Fongible Token). Ces NFTs sont des actifs numériques rares et uniques. Ils peuvent être des images, des vidéos, de la musique ou même des accessoires d’un jeu vidéo. Les acteurs de la restauration rapide comme McDonald’s se positionnent déjà sur ces actifs. Le géant américain a récemment créé des contenus numériques qui reprennent les produits phares de l’enseigne pour les distribuer à ses fans sur les réseaux.
Ces actifs devraient prochainement être utilisés pour générer du trafic dans les restaurants de la chaine. Chaque commande serait alors récompensée par un actif numérique plus ou moins rare. Au hasard des commandes, un client pourra tomber sur un NFT très rare. Ensuite s’il le souhaite il pourrait même le revendre sur des places de marché dédiées, une bonne manière de monétiser et récompenser les consommateurs.
Avec l’intelligence artificielle, la création de contenus digitaux n’a jamais été aussi simple.
C’est ce que l’on appelle les médias de synthèse. C’est avec ce type de technologies que les notions de doubles numériques se trouvent actuellement sur le devant de la scène. Des doubles numériques ou avatar qu’il faudra habiller, développer et sociabiliser. De Burberry à Carlings, des marques se positionnent déjà pour créer des collections de vêtements digitaux dédiées à nos futurs avatars.
Dans une dimension parallèle, de nombreuses marques ont déjà commencé à monétiser des biens numériques sur un jeu comme Fortnite. Nike avec sa marque Jordan, en 2019, a lancé une campagne pour permettre aux joueurs d’habiller leur personnage avec des vêtements virtuels de la marque. Samsung ou encore Huawei ont également succombé à l’attractivité du jeu des studios Epic.
D’autres plateformes comme Decentraland remettent sur le devant de la scène les mondes virtuels. Des mondes virtuels, qui pour beaucoup de consommateurs, se sont arrêtés avec Second Life, après le buzz de 2009. Aujourd’hui, il y a plus de 3 milliards de « gamers » dans le monde. Un élément qui fait penser que les mondes virtuels devraient revenir sur le devant de la scène, et plus particulièrement avec le concept de Metaverse. Le Metaverse est un monde virtuel dans lequel les utilisateurs sont représentés par des avatars et peuvent interagir entre eux.
Les enseignes devront alors y ouvrir des boutiques virtuelles avec des concepts de boutique ou de lieu communautaire. L’objectif étant d’être présent et d’exister dans les écosystèmes virtuels. H&M a, par exemple, créé une île dans le jeu Animal Crossing pour sensibiliser les joueurs au recyclage et à l’économie circulaire. Sur la plateforme de jeux Roblox, Nike a créé des paires d’Air Max virtuelles pour chausser les avatars. De son côté, Gucci a vendu un sac virtuel pour plus de 4000$, toujours sur Roblox. La marque de luxe italienne a d’ailleurs prévu de vendre prochainement sous la forme de NFTs des créations numériques.
Alibaba a créé Taobao Life
De son côté le géant Chinois du commerce, Alibaba, s’est déjà lancé dans ce nouveau commerce. En effet, en 2019, il a lancé le jeu Taobao Life dans lequel les utilisateurs peuvent créer un avatar et ensuite lui acheter des habits et des accessoires pour le personnaliser. Pour acheter ces vêtements virtuels, il suffit de remplir des missions ou d’acheter sur le site e-commerce Taobao, auquel le jeu est adossé. Le jeu compte aujourd’hui plus de 10 millions d’utilisateurs. Des utilisateurs jeunes puisque plus de la moitié ont moins de 30 ans.
Cette tendance préfigure d’un commerce du virtuel dans lequel les enseignes vont devoir se positionner pour cibler au mieux les jeunes générations, qu’ils soient GenZ ou Gen Alpha. L’avènement des biens et actifs digitaux devraient créer un modèle de commerce novateur. C’est aussi l’opportunité de créer des relais de croissance pour les enseignes en ciblant un commerce dématérialisé et virtualisé.
A propos de l’auteur :
Après plusieurs expériences au sein de startups biotechnologiques puis dans un cabinet de conseil en innovation, Nicolas Diacono intègre l’Echangeur by BNP Paribas Personal Finance. Avec plus de dix ans d’expérience dans la veille technologique et la prospective sur les tendances digitales, il accompagne aujourd’hui les clients internationaux de l’Echangeur dans leurs réflexions stratégiques.