Sophie Buressi Gallay (Groupe Etam) : « Nous sommes en année 1 de notre transformation data »
Par Clotilde Chenevoy | Le | Data
Le groupe Etam a mené depuis des années différents projets autour de la data mais depuis un an, une véritable stratégie a été mise en place sur le sujet. Sophie Buressi Gallay, à la tête de la data factory créée il y a un an, nous partage son organisation.
Comment la donnée est structurée au sein du groupe Etam ?
Le groupe c’est 5 marques - Etam, Undiz, Maison 123, Livy et Ysé - qui ont une gestion indépendante pour la plupart des fonctions, sauf pour la partie technologique. La DSI est centralisée au niveau groupe, avec la création l’an dernier d’une data factory. Cette organisation nous permet de concentrer nos efforts sur la partie fondation technologique, la gouvernance et la valorisation de la donnée au travers de différents projets. Nous centralisons par la même toutes les connaissances possibles. Par contre, nous ne croisons pas les données entre les marques, tout simplement pour des raisons compliance. Nous nous en tenons donc vraiment à des analyses silotées par marque.
Que vient ajouter la data factory pour le groupe ?
L’entité réunit une trentaine de personnes et elle est divisée en 4 équipes. En détail, nous avons l’équipe des tech, ce sont ceux qui sont le moins en contact avec le métier. Elle rassemble les profils de data Engineers ou data Architectes qui s’occuperont de notre data Platform, des flux, ou encore des bases de données.
La deuxième équipe, Business Intelligence, gère la manière dont est structurée la donnée. Elle pilote ainsi tout le rationnel métier, comment on structure la donnée et derrière comment on l’expose aux différents métiers, via du dashboarding, via du reporting, via parfois des requêtes aussi en direct.
Une troisième équipe se focalise sur comment la donnée est utilisée pour créer de la valeur ajoutée. On y retrouve des profils de data analyst, data scientists ou encore data projects managers.
Enfin, la toute dernière équipe s’occupe de la data gouvernance. C’est une jeune équipe car c’est un sujet dont le retail vient à peine de s’emparer mais qui est indispensable, notamment avec l’évolution des technologies. Son rôle est de jouer la police de la donnée pour s’assurer que nous avons un socle data hyper fort, hyper fiable, compliance, et que l’on maîtrise.
Vous avez évoqué l’importance de générer de la valeur ajoutée avec la data. Comment faites-vous exactement ?
La data factory a toute une partie de la stratégie qui est très orientée métier et fonctionne en co-construction. L’équipe data ne s’impose pas mais accompagne les équipes à comprendre comment la donnée peut les aider. Parce que c’est loin d’être évident !
Le cœur de la data factory c’est la Business Intelligence (BI). La volumétrie data est telle qu’il ne faut pas se noyer sous les KPIs et il faut savoir les rendre intelligible pour les équipes.
Le cœur de la data factory c’est la Business Intelligence (BI), qui se focalise sur les indicateurs de performance et quels sont les plus pertinents à suivre pour mieux piloter l’activité. La volumétrie data est telle qu’il ne faut pas se noyer sous les KPIs. Rappelons qu’un indicateur de performance n’a de valeur qu’à partir du moment où il peut déclencher un processus opérationnel, une prise de décision et/ou une action cohérente. Il faut aussi trouver la bonne façon de la valoriser aux équipes, sous forme de dashboard ou de report…
Il y a ensuite l’optimisation et l’amélioration des process et de la performance. Nous avons des data scientists qui travaillent sur la prévision des ventes, sur l’allocation des stocks sur différents magasins, l’optimisation du pricing ou encore l’optimisation des stratégies promotionnelles. Leur objectif consiste à créer des produits industrialisables pour toutes les marques du groupe.
Enfin le troisième axe, plus exploratoire, c’est la Gen AI. Nous avons envie de creuser des sujets mais il est important aussi de ne pas se disperser. C’est aussi l’intérêt pour nous d’avoir investi dans Snowflake pour notre data platform, avec une technologie scalable et une facilité d’intégration de plein de LLM pour réaliser facilement différents tests. Parmi les cas intéressants, nous avons identifié deux cas qui se ressemblent un peu, l’un autour de la gestion du support interne et l’autre pour le support client.
La création de cette organisation a dû nécessiter de lourds investissements. Quand pensez-vous en tirer des bénéfices ?
Je ne communiquerai pas de chiffres sur les investissements. En revanche, nous sommes en année 1 de notre projet de transformation data et nous avons pour objectif de délivrer de la valeur dès cette année.
L’objectif principal premier consiste à remettre à niveau toutes nos fondations avec la data platform de Snowflake pour qu’en année 2 et après, nous puissions accélérer. Notamment avec l’IA générative.
L’objectif principal consiste surtout à remettre à niveau toutes nos fondations, pour qu’en année 2 et après, nous puissions accélérer. Notamment avec l’IA générative. Il y a des cas d’usage très intéressant à explorer mais encore une fois, notre socle data doit être solide pour cela et nos ressources n’étant pas illimitées, il faut opter pour des choix rationnels dans l’allocation de nos efforts. C’est bien de se préparer techniquement et d’identifier où l’IA générative va apporter de la valeur sans pour autant renverser complètement les roadmaps.
Pourriez-vous détailler un cas concret d’usage de la data ?
Nous travaillons en ce moment sur un cas de recommandation des stocks théoriques cibles à allouer en magasin, qui montre déjà des résultats probants. Nous avons deux objectifs clés en bout de chaîne dans le magasin : éviter les ruptures de stock qui sont des opportunités manquées de vente et limiter le surstock en magasin avec des références qui ne se vendent pas.
Pour optimiser ces deux variables, nous n’allons pas complètement reconstruire la brique de réassortiment magasin qui est complexe, mais plutôt commencer petit, en analysant le mode de fonctionnement et en cherchant à y apporter de l’intelligence et de la data science et suivre comment cela aide et si cela génère de la valeur. Les travaux sont toujours en cours, mais sur les produits permanents, que nous connaissons bien et qui restent en stock de saison en saison, nous avons de très bonnes performances, en réduisant en moyenne de 50 % les erreurs d’allocation.
Ce n’est pas parfait mais comme le prêt-à-porter va vers des collections de plus en plus courtes, il ne faut pas se tromper dans la répartition des stocks. Et sur ce point, la data va aussi nous aider grâce à la vectorisation des images. Nous pourrons très facilement lier à un produit historique l’analyse pour réaliser une projection à venir.
Comme tous les projets de transformation, l’humain est une brique clé. Comment gérez-vous cet aspect ?
Nous devons aussi avoir des champions de la data dans les équipes métiers et les différentes fonctions, la DSI ne peut pas porter seul ces sujets.
Il y a un premier sujet propre à mon équipe et à la feuille de route de la transformation qui demande une nouvelle façon de travailler et de nouvelles compétences. Avant, les profils étaient très technico-fonctionnels, traitant toute la chaîne de valeur de la donnée. Avec les technologies cloud, on est sur un découpage plus fin et une répartition des responsabilités entre différents métiers. Nous avons donc recruté sur les compétences manquantes et également accompagné les équipes en place pour les faire monter en compétence. Nous avons de la chance chez Etam, les gens ne sont pas réfractaires aux changements !
Notre projet de transformation data demande aussi beaucoup d’acculturation des équipes, de la direction aux équipes métiers. C’est chronophage mais essentiel pour défendre notre road map, les investissements et la temporalité des projets. Nous travaillons aussi avec les équipes RH pour créer des formations sur la data pour que chacun prenne conscience de l’importance du sujet. Nous devons aussi avoir des champions de la data dans les équipes métiers et les différentes fonctions, la DSI ne peut pas porter seul ces sujets.
Et côté magasin, comment collectez-vous de la data ?
Collecter de la donnée au sein des boutiques est un vrai défi pour tous les retailers. Comme en e-commerce, il faut pousser les gens à s’identifier et cela passe par l’interaction entre les conseillères de vente et les clients qu’il faut provoquer ? D’où la mise en place d’une application de clienteling qui va permettre, même si le client n’achète pas, de générer de la donnée. Nous cherchons aussi à digitaliser le parcours en magasin mais il faut trouver le juste milieu entre l’ajout de digital et l’apport de la conseillère de vente. Nous menons beaucoup de tests, notamment dans notre boutique Paris Opéra pour suivre les conséquences sur l’expérience client.
Pour conclure, un prochain sujet à travailler ?
Nous avons un gros travail à réaliser pour rendre notre expérience plus « client centric ». Une partie de cette année est dédiée au renforcement et à l’amélioration de la manière dont on structure nos programmes de fidélité et dont on travaille la communication CRM. Elle est aujourd’hui encore pensée de manière très mass-market alors que nous voulons aller vers de l’hyperpersonnalisation. Cela passera par l’adoption d’une Customer Data Platform, qui aura tout son sens dès lors que notre socle data sera solide.
Laurent Milchior aux Assises de la Mode
Lors des Assises de la Mode, le 1er octobre organisé à Retail Days à Deauville, Laurent Milchior, gérant du groupe Etam, interviendra aux côtés de Patrick Stassi, CEO de Kiabi, pour nous partager leurs visions du commerce, notamment autour des enjeux RSE.
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