L’inflation, un moyen d’engager le consommateur autrement ?
Le | Relation client
L’inflation continue de progresser en Europe, générant des tensions sur le pouvoir d’achat des consommateurs. Mais les marques et enseignes innovent si on en croit l’analyse d’Elisabeth Menant, Service & Digital Trends Analyst au sein de l’Echangeur BNP Paribas Personal Finance, qui a listé quelques-unes des idées mises en place sur le marché.
Les pays développés connaissent une période d’inflation historiquement importante. En Europe, elle n’a cessé d’augmenter depuis juillet 2021, passant alors de 2,2 % à 10,6 % en octobre dernier. En novembre, elle a même atteint 10 % en glissement annuel selon les estimations d’Eurostat.
Mais cette inflation ne touche pas seulement l’Europe, mais bien l’entièreté des pays développés. Citons par exemple le Japon où l’indice des prix à la consommation a atteint son plus gros pic depuis les 31 dernières années ! Clairement, le pouvoir d’achat du consommateur reste encore sous tension.
Selon l’Access Panel BNP Paribas Personal Finance, en janvier 2022, 58 % du revenu mensuel des Belges, Espagnols, Français et Portugais était déjà pré-alloué en début de mois à des dépenses. Mécaniquement, l’augmentation des tarifs de l’énergie va obliger chaque foyer à piocher dans ses économies et/ou son reste à vivre pour continuer à se chauffer. Un reste à vivre restreint qui, avec l’envolée des prix alimentaires, va conduire le consommateur à faire des choix pour continuer à se nourrir.
L’heure est aux arbitrages… et ils risquent d’être violents. Face à cette situation, les retailers ont plusieurs cartes à jouer pour interagir différemment avec leurs clients.
Muji 500 : un prix maximal par article
Parmi les leviers accessibles pour les marques et les enseigne face à cette hausse de tarifs, les enseignes et marques inventent de nouvelles façons de rassurer les clients. Au Japon, la marque Muji, qui compte déjà plus de 900 magasins dont la moitié à l’étranger, a par exemple dévoilé son nouveau concept de magasin à Tokyo : Muji 500.
Ce magasin propose une grande variété d’articles dont le prix est plafonné à 500 Yen, soit environ 3,40 euros. Avec un ensemble de 3 000 articles, Muji 500 offre différentes gammes de produits : des produits de nettoyage à la papeterie en passant par de la nourriture et des produits de beauté … Le magasin propose également un rayon de produits à bas prix et de qualité dont le prix dépasse les 500 Yens comme de petits meubles.
Ce nouveau concept de magasin repositionne la marque japonaise comme leader du retail à bas prix. Muji, la marque mère née en 1980, a valu son succès à ses produits de qualité à bas prix, grâce à 3 principes : pas de branding, des emballages minimalistes et une sélection précise des matériaux. L’enseigne compte ouvrir 30 nouveaux magasins similaires à Tokyo d’ici février 2023, tous situés dans des zones faciles d’accès et populaires.
La tech en toile de fond pour baisser les factures
En France, Carrefour, en complément de ses boucliers anti-inflation qui bloquent certains prix, a déployé sur son site Internet un « bouton anti-inflation ». Ce dispositif permet à ses clients de se voir proposer une alternative « équivalente et moins chère » au produit alors sélectionné. Le retailer capitalise sur ses données pour permettre aux clients de baisser la facture de leurs courses.
Aux Etats-Unis, un moteur de recherche d’un nouveau genre a fait son apparition, Ziscuit. Le consommateur n’a qu’à entrer sa liste de course en indiquant ses magasins préférés, une distance maximale pour faire ses achats ainsi que le nombre de stop qu’il est prêt à effectuer. Le moteur de recherche prend le relais et lui communique son parcours de course idéale pour réaliser dans un trajet le plus court possible un maximum d’économies. C’est une logique d’ordonnancement des commandes que l’on voit habituellement en e-commerce appliqué aux consommateurs !
Derrière cette guerre des réductions, c’est bien une bataille pour les parts de marché qui se joue. Au Royaume-Uni, le Big Four - Tesco, Sainsbury’s, Asda et Morrisons - voit débouler sur ses talons Aldi et Lidl qui enregistrent des croissances proches de 20 % dans un contexte économique très compliqué. Aldi est ainsi devenu pour la première fois cette année le quatrième distributeur alimentaire britannique, devant Morrisons ! Le Low Cost a clairement de beaux jours devant lui. Avec Lidl, Aldi, mais aussi Action, Primark ou encore Flying Tiger, il fait dorénavant partie du paysage du retail européen et poursuit son implantation rapide.
L’économie circulaire gagne du terrain pour acheter malin
Clairement, le phénomène de la seconde main n’est pas passager. À titre d’exemple, l’achat/vente de produits d’occasion et/ou reconditionnés est aujourd’hui déjà inscrit dans le quotidien des 14 000 individus interrogés en janvier 2022 dans le cadre de l’Access Panel Echangeur. 53 % nous déclarent avoir vendu ou acheté un produit d’occasion ou reconditionné au cours de l’année écoulée. Un marché essentiellement centré sur le C2C qui échappe donc de fait aux enseignes traditionnelles.
Et l’on voit déjà apparaître de nouveaux acteurs qui se positionne sur des biens particuliers comme… des cuisines ! Used Kitchen Exchange, acteur anglais, fonctionne sur un business simple : acheter et vendre des cuisines de seconde main. Concrètement, la plateforme anglaise fonctionne exactement comme un agent immobilier en mettant en vente des cuisines pour le compte de cuisinistes ou de particuliers. Tout commence sur le site internet où le futur vendeur prend rendez-vous pour faire inspecter sa cuisine et organiser une séance de shooting photo et vidéo. Attention, pour garantir sa satisfaction client, l’entreprise refuse plus de cuisines qu’elle n’en accepte. Une fois vendue, une équipe de démonteurs certifiés par l’organisme « Which ? Trusted Trader » vient récupérer l’ensemble des produits, meubles mais aussi électroménager. Pas de surcoût, cette opération est comprise dans le prix d’achat.
La location se cherche
Toutefois, même le marché de l’occasion est rattrapé par la crise du moment. Pourquoi acheter un produit si je ne l’utilise qu’une à deux fois par an ? D’où les innovations récentes autour de la location, avec le retour en force de l’économie de la fonctionnalité. Basée sur l’abonnement, elle dispose d’un réel potentiel de rentabilité comme le démontrent les données de l’Access Panel Echangeur 2022. Un consommateur interrogé sur quatre est aujourd’hui prêt à louer plutôt qu’à acheter un bien d’équipement hors voiture. Précisément, ce sont 25 % des Belges, 26 % des Espagnols, 24 % des Français et 21 % des Portugais.
Le potentiel est là. Sera-t-il possible de convertir de nouveaux adeptes à la location ? Probablement tandis qu’il est certain que son usage va se renforcer auprès des utilisateurs déjà conquis !
A propos de l’auteur :
Diplômée de Polytech Angers, Elisabeth Menant a 20 d’expérience professionnelle dédiée à l’innovation et la prospective qu’elle a exercée au sein du Groupe Galeries Lafayette, de LaSer et depuis 2011 au sein de l’Echangeur BNP Paribas Personal Finance. Elisabeth continue à explorer avec les clients de l’Echangeur la transformation du retail avec un double regard éditorial et business.