Les marques à l’heure du Web3 [Analyse]
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Métavers ou NFT, les projets se multiplient dans le retail. Comment et pourquoi, Nicolas Diacono, Digital Trends Analyst chez l’Echangeur by BNP Paribas Personal Finance décrypte le phénomène Web3.
Les initiatives de marques et enseignes autour du Web3 se démultiplient avec les concepts de métavers ou NFT. Cela peut générer par ailleurs des interrogations sur leur utilité. De nombreuses marques se sont lancées afin d’alimenter les relations presses et médias. D’autres ont cédé face à la pression du fameux FOMO (Fear of Missing out). Beaucoup ont tout simplement souhaiter apprendre. D’autres, à l’instar d’un Nike, se sont lancés avec l’objectif de définir le futur de la mode vestimentaire. Une consommation mêlant monde virtuel et réel grâce à la puissance communautaire.
Comment une marque ou une enseigne peut être amenée à se lancer dans le Web3 ? Faut-il y aller dès à présent ? Mais quels sont les éléments à appréhender ?
En premier lieu, il faut intégrer que le concept du métavers en 2022 est au même niveau que l’e-commerce de 1997 : nous n’en sommes qu’au début. Tout est à construire et à définir. Même si déjà quelques lignes directrices émergent.
La puissance communautaire est essentielle dans le succès des projets liés au Web3 et il convient d’arrêter de parler de consommateur.
Le consommateur n’existe plus, vive la communauté
La puissance communautaire est essentielle dans le succès des projets liés au Web3. C’est ce qu’a très bien compris un acteur comme Nike avec l’acquisition du studio RTFKT en décembre 2021. Le géant de l’Oregon a ainsi pu accéder à une communauté puissante du Web3, lui permettant de se construire rapidement une légitimité dans cet écosystème.
Pour Benoit Pagotto, l’un des cofondateurs de RTFKT, les marques doivent arrêter de parler de consommateur, ce terme est à abolir dans le Web3. Il ne s’agit plus de vendre un produit ou service à un client mais de faire en sorte qu’il devienne un membre de la communauté et donc de la marque ou du produit. La marque et la communauté ne font plus qu’un dans cet écosystème.
De son côté, Yuga Labs, la société derrière la collection NFT Bored Ape Yacht Club (BAYC), est devenue une véritable marque du Web3 grâce à la puissance de sa communauté. Celle-ci est composée d’une multitude de stars du monde du sport, du cinéma ou encore de la musique. Ils ont fait rayonner la collection de ces singes NFT à travers le monde. BAYC de Yuga Labs est ainsi devenue une marque à part entière. La société est d’ailleurs en train de créer son propre métavers (Otherside). Nous pourrions potentiellement même la comparer au Facebook de 2005.
Repenser sa politique de propriété intellectuelle
Un des éléments clés pour fédérer la communauté consiste à lui donner accès à la propriété intellectuelle (IP) ou au droit à l’image des collections NFTs. En faisant cela, les clients/consommateurs deviennent des copropriétaires de la marque ou de l’enseigne. Ils deviennent bien plus qu’une simple source de revenus. Ce partage de propriété peut être un formidable accélérateur pour la créativité. Des artistes comme Eminem et Snoop Dogg ont utilisés leurs NFTs BAYC lors de leur dernier clip. Le tout au bénéfice de Yuga Labs qui profite largement de la couverture médiatique générée. Un autre propriétaire de NFT BAYC s’était même lancé dans une chaine de Fast Food en utilisant l’image du singe dont il était propriétaire. Voici quelques exemples de l’usages des NFTs par leurs propriétaires et contribuant à créer de la valeur pour l’ensemble de la marque. Autre exemple avec Doodles qui a vu le lancement d’une marque de café, Coffeedoods, grâce à l’appui de sa communauté et en reprenant les codes de cette collection NFT.
Coffeedoods est une marque de café sous abonnement via l’acquisition d’un NFT spécifique afin de recevoir du café tous les mois. Doodles vient d’ailleurs de lever 54 millions de dollars pour être valorisée à plus de 700 millions de dollars. Le partage de la propriété intellectuel avec sa communauté va permettre l’émergence de nouvelles marques et acteurs du commerce.
Sans Storytelling on ne peut pas exister dans le Web3
Avec le Web3, les marques et enseignes deviennent plus que jamais des médias. Ils doivent avoir la capacité de déployer le bon « storytelling » nécessaire à la création de la communauté. C’est le premier lien entre la marque et son audience. Le métavers en ce sens va permettre la création de paradigmes sans limite et dans lesquels l’imaginaire et la créativité vont pouvoir s’exprimer sans contrainte ni friction. Le métavers permet de dépasser la notion de temps et d’espace.
Nike a lancé une énorme campagne pour les détenteurs de NFT Clone X de RTFKT. Fin juillet, les possesseurs de ces NFTs ont pu récupérer un nouvel NFT représentant un sweat à capuche virtuel, un Genesis Hoodie. Cet élément permet de fusionner réel et virtuel tout en donnant une nouvelle dimension et fonctionnalité aux vêtements.
De plus les possesseurs de Genesis Hoodie vont pouvoir recevoir le même sweat dans le monde réel. Et ce sweat pourra prendre vie grâce à des filtres de réalité augmentée. L’avatar devient alors une véritable extension de soi…à moins que ce ne soit l’inverse.
Activer le mode test and learn
Dernier point, des plus importants, se lancer dans le Web3 et le métavers en 2022 c’est accepter l’échec. Il faut avoir une volonté d’apprentissage. Tout est encore en construction. Les marques doivent y aller avec un esprit ouvert. Le meilleur moyen de comprendre ce que peut impliquer le Web3 dans le commerce de demain c’est évidemment d’expérimenter par soi-même. Mais pour les grands groupes, il y a de nombreux sujets à adresser avant même de partir à la conquête des mondes virtuels, que ce soit au niveau de la réglementation, de la gestion des données, de la propriété intellectuelle, de la décentralisation et bien évidemment du business model.
Le monde la tech s’organise autour du Web3
C’est pour cela que les regroupements d’acteurs technologiques comme Nvidia, Meta, Microsoft, Mastercard, Samsung, Intel mais également d’Ikea dans le cadre du Metaverse StandardS Forum est à suivre de près. Il en est évidemment de même pour l’Open Metaverse Alliance for Web3 (OMA3) regroupant The Sandbox, Decentraland, Upland ou encore Dapper Labs. Ces regroupements démontrent que le monde du Web3 se structure, ce qui va faciliter les expérimentations des marques traditionnelles.
Les fondements de l’Internet de demain et des métavers sont actuellement en train d’être écrit. Dans ce paradigme, les marques devront investir sur les communautés, le storytelling, la tokenisation tout en repensant la notion de propriété autour du concept de décentralisation.
A propos de l’auteur :
Après plusieurs expériences au sein de startups biotechnologiques puis dans un cabinet de conseil en innovation, Nicolas Diacono intègre l’Echangeur by BNP Paribas Personal Finance. Avec plus de dix ans d’expérience dans la veille technologique et la prospective sur les tendances digitales, il accompagne aujourd’hui les clients internationaux de l’Echangeur dans leurs réflexions stratégiques.