Magali Daubinet-Salen : « La priorité, c’est la relance commerciale des enseignes Casino »
Par Clotilde Chenevoy | Le | Enseignes
Depuis avril, Magali Daubinet-Salen a été promue directrice générale des enseignes Casino et s’attache à les inscrire dans une nouvelle dynamique. Explications de sa feuille de route qui repose sur 5 piliers.
Depuis avril, vous avez pris la direction générale des enseignes Casino, dans un contexte de crise pour le groupe. Comment s’est passée votre prise de poste ?
Depuis ma prise de poste, je m’attache à mettre énormément de proximité entre le comité de direction et les équipes terrain. Je leur rappelle que tout ce qui se passe au niveau de l’endettement du groupe n’a aucun impact sur l’opérationnel en tant que tel.
Ma feuille de route se compose de cinq briques : le repositionnement tarifaire, le poids de nos marques propres, le frais, le service en magasin et l’expansion.
Par ailleurs, j’ai des échanges toutes les semaines avec les directeurs de magasin pour s’assurer qu’ils soient vraiment dans le mouvement et dans l’action, et pas dans l’attente de ce qui va se passer. Je partage ma vision, je précise les étapes et le calendrier dans lequel nous nous inscrivons. La priorité, c’est la relance commerciale des enseignes Casino, plus que les sujets sur l’endettement du groupe qui sont traités par la direction générale, dans le cadre de la conciliation.
Et via ces échanges, ils nous remontent les irritants et cela nous permet d’ajuster le plan de marche que l’on sait fixé et d’être très réactifs dans les prises de décision. In fine, ma feuille de route se compose de cinq briques : le repositionnement tarifaire, le poids de nos marques propres, le frais, le service en magasin et l’expansion.
Pourquoi les enseignes Casino se sont retrouvées avec des prix décalés par rapport au marché ?
Contrairement à toutes les autres années où les négociations avec les fournisseurs s’arrêtaient fin février, en 2022, il y a eu des négociations tout au long de l’année. Nous avons répercuté les inflations des prix d’achats de nos fournisseurs à peu près au même niveau sur le second semestre 2022, alors que la concurrence ne l’a pas fait. Cette décision a provoqué le décalage par rapport au marché sur le second semestre.
Par ailleurs, nous avons baissé le prix sur des tops, soit 500 produits en supermarché et 1 500 produits en hypermarché. Mais nous n’avons pas travaillé le pricing des produits locaux. Or, si on veut modifier notre image prix, c’est important d’être très bien positionné sur ce type de produits. Tous nos clients les connaissent et ils ont surtout des références marché par rapport à ce qu’ils peuvent voir dans les autres commerces qu’ils côtoient.
Par ailleurs, nous avons réalisé en parallèle des opérations commerciales, notamment sur le carburant à prix coûtant, pour que nos clients s’y retrouvent. Mais comme l’inflation s’est installée dans la durée, in fine, le prix de l’étiquette a été plus impactant que les différentes opérations commerciales que l’on proposait.
Comment comptez-vous ajuster votre politique commerciale ?
Nous avons retravaillé nos tarifs et nous avons financé ce repositionnement justement en revoyant nos opérations commerciales, en les simplifiant, en faisant en sorte qu’elles touchent plus de clients. Par ailleurs, depuis un mois, nous donnons une nouvelle impulsion à notre carte de fidélité en remettant en place des opérations de cagnottage qui avaient été arrêtées.
Concernant vos marques propres, quelle stratégie déployez-vous ?
Nous voulons augmenter la part de nos marques propres dans le poids des ventes en misant sur les marques Leader Price et Casino. Ainsi, le concept de shop-in-shop Leader Price a été déployé maintenant dans 100 % de nos magasins. Nous avons redonné une part belle à cette marque qui dans ce contexte inflationniste a un impact sur le pouvoir d’achat des clients. Elle leur permet de trouver des produits à bas prix pour du surgelé, du frais et ou encore des produits d’épicerie. Nous avons mesuré que ces shop-in-shop génèrent des ventes incrémentales et ils ont plutôt un effet de de halo important, attirant aussi les clients qui cherchent des prix bas.
Au sujet de la marque Casino, nous avons une quote-part autour de 23 %. Par rapport à la concurrence, nous avons été décrochés alors que Casino a été pionnier pour lancer sa marque propre, qu’elle porte le même nom que l’enseigne et que l’offre est bien en place. Avec le repositionnement tarifaire, ces produits redeviennent un argument pour venir chez nous. Par ailleurs, nous avons remis en place une opération commerciale spécifique, où plus le client en achète, plus il aura droit à une remise sur sa cagnotte. Cela va également de pair avec un travail en magasin sur les têtes de gondole, avec une meilleure valorisation des produits de marque Casino. L’offre, qui compte 5 000 références, est également régulièrement revue.
Concernant le frais, il y a eu le changement d’enseignes des hypermarchés…
Nous avons opéré un changement d’enseigne l’année dernière, avec une trentaine d’hypermarchés qui a basculé de Géant à Casino à Casino Hyper Frais. Nous ne sommes pas allés jusqu’au bout de ce que nous voulions faire, travaillant par brique dans ce changement de concept. Il reste beaucoup à faire là-dessus. Nous faisons des tests pour retrouver notre force sur le frais que cela soit les fruits et légumes, la boucherie, la marée, ou encore la boulangerie et pâtisserie. Cela fait partie du modèle Casino Hyper Frais et pour les supermarchés cela a toujours été notre force, surtout sur la pâtisserie. Mais au sujet des fruits et légumes, il y a tout un chantier sur l’offre, la fraîcheur et la qualité de calibre que l’on a initiée.
Nous venons de signer avec Prosol- Grand Frais. C’est un partenariat stratégique ambitieux et gagnant / gagnant entre nos deux entreprises. Prosol est leader dans la vente de produits frais et dispose d’un savoir-faire unique, incontestable et reconnu par les consommateurs, notamment dans les fruits et légumes. Le groupe Casino dispose de son côté du réseau de magasins le plus important en France, avec des emplacements très stratégiques. Ce partenariat viendra par ailleurs parachever la transformation des magasins Casino, et notamment des hypermarchés, sur le secteur du frais
La quatrième brique porte sur le service en magasin. Sur quoi porte précisément la relance ?
Nous avons été les premiers à déployer des caisses autonomes. Cela nous a permis d’offrir des ouvertures de magasins sur des horaires élargis. C’est une vraie force par rapport à nos concurrents de pouvoir recevoir nos clients très tôt ou très tard ou encore tout le dimanche. Mais le travers en poussant fortement l’encaissement automatique, c’est que nous avons délaissé la partie encaissement traditionnelle avec des hôtesses et hôtes de caisse. Ce point fait partie des irritants qui remontent, notamment dans nos hypermarchés avec des clients qui ont de gros chariots ou encore ceux qui veulent avoir un contact humain.
Ainsi, nous avons lancé dans trois magasins un mode d’exploitation un peu à la Grand Frais où nous avons revu l’offre. Et dans trois autres magasins, nous avons remis des points d’encaissement. Et dans 4 magasins, on a les deux expérimentations. Nous en tirerons ensuite des conclusions car il y a aussi un sujet d’équilibre économique à réussir en couplant le retour des clients avec la remise de moyen humain.
Le dernier pilier est l’expansion. Vous allez pourtant céder 150 magasins à Intermarché…
Malgré les cessions de magasins prévus à Intermarché, nous restons très actifs, notamment avec nos formats de proximité en franchise et aussi par opportunité, on ne s’interdit pas de signer certains ralliements sous le format Casino Supermarché. (Un magasin a ouvert hier, le 11 juillet, à Messanges dans les Landes).
Les turbulences au niveau du groupe n’effraient pas les candidats à la franchise ?
Non. Nous avons une équipe dédiée très active et notre modèle permet beaucoup de souplesse par rapport à nos concurrents. Par ailleurs, nous avons un maillage national qui nous permet d’un point de vue logistique d’être très efficace. Ces deux points forts font que malgré tout, nous avons des candidats qui souhaitent rallier nos enseignes.
Pouvez-vous revenir sur l’accord conclu avec Intermarché sur la cession de magasins ?
La revente de magasins n’est qu’un petit bout du partenariat signé avec Intermarché. Le plus important porte sur les achats, avec un prolongement de deux ans de notre accord sur les négociations de marques nationales, que l’on élargit désormais à la partie marque distributeurs. Il y a ainsi 900 références qui seront négociées en commun. Le troisième volet porte sur la partie boucherie et marée, où Intermarché est fort, afin que nous puissions en bénéficier. Nous sécurisons donc nos achats jusqu’en 2028 avec eux. C’est là encore une preuve que nous nous inscrivons dans la durée.
Concernant le choix des 150 magasins, c’est le fruit d’une négociation avec Intermarché. In fine, 90 % des points de vente qui vont être cédés prochainement sont déficitaires, avec un magasin sur deux positionnés essentiellement dans des régions où l’enseigne Casino est moins forte. Par ailleurs, nous avons aussi pris en compte la qualité de l’actif du magasin dans notre décision car certains avaient besoin de beaucoup de travaux. Mais tout le personnel est évidemment repris, avec son niveau de rémunération et son ancienneté.
Au-delà de l’offre commerciale, comment comptez-vous travailler la désirabilité de la marque ?
Nous avons déjà réalisé une première campagne de publicité assez massive en mai et juin, en affichage et en radio. Nous nous sommes inscrits dans une campagne « rupturiste » avec le message « on vous a compris, on a baissé nos prix. »
Nous préparons une deuxième vague mi-juillet sur le même ton qui sera « Cela va vous changer de Casino ». Nous mettrons en avant tout ce que nous faisons pour avoir des prix bas toute l’année et de qualité. Nous insisterons fortement sur les 500 produits à moins de 1€, nous valoriserons les produits de marque Leader Price ou encore l’opération sur les produits marque Casino. Enfin, nous avons aussi des marqueurs qu’on a travaillé comme le prix du poulet fermier où nous serons positionnés sur un prix très agressif.
Quelle place a le digital dans votre plan de relance ?
Nous n’arrêtons pas ce que nous avons mis en place et j’ai demandé aux équipes d’être dans le marché. Mais ce n’est pas prioritaire dans tout ce que je vous ai listé, parce que tout est déjà bien en place et fonctionne très bien. Il y a une très bonne satisfaction client que cela soit avec Ocado en région parisienne ou en province avec nos drives. La priorité, c’était plutôt le magasin physique.
Et concernant le non-alimentaire ?
Sur ce sujet, nous continuons en hypermarché sur notre stratégie de s’adosser à des spécialistes. Nous avons ainsi des partenariats avec C&A sur le textile, Claire’s pour des accessoires beauté ou encore Harmonie sur la parapharmacie. Nous sommes aussi en train d’étudier de possibles partenariats sur le sujet frais qui fait pleinement partie de notre feuille de route. Travailler avec des spécialistes nous permet d’avoir un effet de halo sur l’ensemble du magasin.