Stratégie retail

Comment Cabaïa réussit son ascension sur le marché des sacs à dos

Par Dalila Bouaziz | Le | Enseignes

Seulement huit ans d’existence pour Cabaïa est déjà une jolie success story pour cette marque française d’accessoires. Numéro 2 dans le marché du sac à dos, l’enseigne se développe à vitesse grand V avec une présence déjà européenne. Décryptage de sa formule gagnante avec son CEO Bastien Valensi.

Cabaïa a réalisé un chiffre d’affaires de 60 millions d’euros à fin 2023. - © JOSSUHA.THEOPHILE
Cabaïa a réalisé un chiffre d’affaires de 60 millions d’euros à fin 2023. - © JOSSUHA.THEOPHILE

A Paris comme dans les grandes villes, vous avez forcément aperçu une passante voire un passant avec sur ses épaules un sac à dos Cabaïa. Des sacs très souvent colorés avec la fameuse pochette sur le devant détachable et interchangeable. L’enseigne devrait dépasser en 2024 l’indétrônable marque Eastpak dans le marché du sac à dos en France ! Pourtant, cette marque française devenue quasi-tendance n’existe que depuis huit ans. 

« Ces dernières années, la mobilité urbaine a complètement changé, pointe Bastien Valensi, CEO et co-fondateur (avec Emilien Foiret). Les gens se déplacent beaucoup en trottinette, vélo, scooter… et le sac à main pour une femme n’est pas du tout pratique. Sur le marché, les offres étaient alors soit très liées au sport ou très féminines mais sans pouvoir y ranger un ordinateur portable ou organiser ses affaires. Notre sac à dos s’est positionné au bon moment avec un bon pricing quand de nombreuses femmes voulaient sauter le pas du sac à dos. » L’enseigne propose trois formats à partir de 79 et jusqu’à 99 euros.

Une maîtrise sur 3 canaux de distribution

Le succès ne s’est pas démenti pour la marque d’accessoires et de sacs, rentable depuis le début, avec encore cette année une croissance de 30 % et un chiffre d’affaires de 60 millions d’euros (exercice décalé au 30 juin 2023). « Nous avons largement dépassé nos objectifs, souligne le dirigeant. Nous visions 50 millions et finissons à 60 tout en améliorant la rentabilité. Nous ciblons les 100 millions en juin 2024. » Une société en hypercroissance, avec 200 collaborateurs aujourd’hui, présente sur trois canaux de distribution depuis sa création.

Contrairement aux DNVB, Bastien Valensi a souhaité, dès le début, miser sur une expérience omnicanale en développant parallèlement l’e-commerce, les revendeurs et les boutiques en propre. Un choix pas simple au quotidien mais qui lui a permis de franchir des paliers et d’éviter la débâcle de nombre d’entre elles avec l’explosion des coûts d’acquisition. « L’e-commerce n’est pas un canal rentable pour démarrer », note-t-il. Aujourd’hui, 40 % de son chiffre d’affaires total est réalisé par l’e-commerce, 40 % par le wholesale et enfin 20 % par les magasins. Cabaïa compte déjà 30 boutiques en France, avec l’objectif d’atteindre la barre des 40 l’an prochain et de s’arrêter dans le maillage pour ne pas cannibaliser son réseau de revendeurs et son site marchand.

Des produits « co-construits » avec sa communauté

En 2024, Cabaïa devrait dépasser Eastpack dans le marché du sac à dos en France !  - © JOSSUHA.THEOPHILE
En 2024, Cabaïa devrait dépasser Eastpack dans le marché du sac à dos en France ! - © JOSSUHA.THEOPHILE

Au-delà de la personnalisation très forte, la grande force de Cabaïa avec des produits colorés et « fun », la volonté est de répondre à un besoin sur un produit donné. « Nous ne sortons pas un produit pour le sortir mais s’il y a un besoin sur le marché, pointe le dirigeant. Nous demandons à chaque fois à notre communauté via les réseaux sociaux (plus de 530 000 abonnés au global) leurs avis pour le lancement d’une gamme. Typiquement sur la gourde, nous leur avons demandé quel était le problème actuel. Il en est ressorti que les gourdes sont difficiles à laver. Donc nous avons en créé une qui se dévisse au milieu facilitant son lavage et cela a été un succès. Pareil pour la valise, personnalisable, et avec toutes les pièces d’usure interchangeables pour sa réparation. »

Pour chaque sondage, Cabaïa recense en moyenne 15 000 avis clients pour la conseiller sur un prochain produit. « C’est une mine d’or pour une marque d’avoir des gens aussi impliqués. Quand il y a un problème sur un article, on observe que c’est unanime avec 90 % des clients qui nous le disent. Lorsque cela est plus hétérogène, c’est tout simplement qu’il n’y a pas de vrai besoin. »

Par la suite, l’enseigne développe les premiers prototypes. Dès que le résultat est satisfaisant, elle sélectionne 20 clients à qui elle fait tester le produit pendant un mois en échange de ses retours mais aussi auprès de distributeurs B to B pour obtenir des retours auprès de leur clientèle. Cabaïa réalise éventuellement une nouvelle version puis lance sur le marché, soit un process d’environ deux ans. « Des process longs et coûteux mais cette complexité me plaît, souligne-t-il. D’où l’importance de lancer plusieurs projets simultanément pour optimiser les chances de succès. »

Une clientèle féminine

Après avoir démarré avec les bonnets, la griffe française s’est ainsi élargie aux chaussettes, serviettes de plage, mais aussi aux contenants culinaires sous forme de test du marché avec des lunch bags et à la maroquinerie (sac à dos, trousse de voyage, sac de voyage, petite pochette, etc.). Ce segment génère plus de 80 % des ventes. Au printemps prochain, une nouvelle valise, cette fois souple, sera lancée.

La maroquinerie génère 80 % du chiffre d’affaires.

La clientèle reste très féminine (70 %) même si l’ambition reste de s’adresser à l’ensemble de la famille. « Nous sortons d’autres styles de produit typiquement sur le sac à dos, plus techniques avec un look plus masculin pour toucher les hommes. Mais on s’aperçoit que ce sont quand même les femmes qui les achètent pour leur compagnon, les enfants, etc. Nous commençons ainsi sans le vouloir à entrer dans les cours d’école. » Le dirigeant réfléchit à un cartable pour les enfants pour 2024.

Pour la catégorie adolescents, Eastpak reste la marque favorite indéboulonnable. « Nous ne sommes pas vraiment concurrents, explique Bastien Valensi. Elle s’adresse aux 8-18 ans, ce qui n’est pas du tout notre cœur de cible. Nous leur prenons 2 % du business mais Eastpak reste écrasante dans les collèges et lycées. »

Une marque déjà européenne

Ses ambitions se tournent vers l’international. « Nous ouvrirons des boutiques en Allemagne à l’été 2024, où nous recensons à date 350 revendeurs dans le pays. L’e-commerce réalise de très bons scores donc c’est la suite logique. » La volonté est d’en ouvrir une quarantaine au global aidé d’un masterfranchisé. L’enseigne est aussi présente en Suisse, Belgique - avec l’inauguration de deux magasins à Bruxelles et Anvers et deux autres sont prévus en janvier prochain à Bruges et Namur - et Allemagne mais aussi en Espagne et Grèce, Pays-Bas via les revendeurs et l’e-commerce.

« Pour l’instant, notre focus est sur l’Europe, pondère Bastien Valensi. On se concentre d’abord sur les pays qui prennent le plus en wholesale comme l’Allemagne et les Pays-Bas, puis l’Espagne, le Royaume-Uni et ensuite nous irons aux Etats-Unis. » Sa stratégie de développement est toujours de démarrer par le wholesale, pour vérifier l’adhésion dans le pays via les revendeurs, puis de lancer le site et enfin d’engager des risques avec l’ouverture de points de vente. Cabaïa a changé l’été dernier d’actionnaire principal avec l’arrivée de Quilvest Capital Partners pour l’accompagner sur le marché européen et renforcer la structure financière. Une marque déjà devenue grande.

Renforcement de la réparation

Labélisée B-Corp, l’enseigne mise sur la durabilité des produits avec une garantie à vie. Cabaïa pousse d’un cran l’an prochain avec la volonté de proposer la réparation en boutiques après prochainement l’internalisation des process. « Nous proposons également de la seconde main, via la mise en vente 300 pièces début janvier à la place des soldes, cela part très vite en une ou deux journées. »