Cathy Collart-Geiger (Picard) : « Nous sommes en avance sur notre plan de croissance »
Par Clotilde Chenevoy | Le | Enseignes
Cathy Collart-Geiger, p-dg de Picard, revient sur le plan de croissance Proxima dont les premiers effets se font sentir sur les résultats. De nouveaux projets arrivent dont un nouveau concept, un programme de fidélité et une expansion outre-Atlantique.
Quels sont les résultats de Picard en 2021 ?
Après avoir enregistré une croissance en 2020 de 15 %, elle est à 0 en 2021. C’est une très belle performance au regard du contexte. Et sur les deux dernières années, Picard a enregistré une augmentation de son CA de 12 %. C’est d’autant plus une prouesse que sur les 8 dernières années précédant mon arrivée, l’enseigne a enregistré une croissance de 0,6 % par an.
Certes, nous avons été aidés par le covid, mais pas uniquement. Le marché des surgelés en 2020 était à +8 % et à -2 % sur 2021. Nous gagnons des parts de marché grâce aux différentes actions menées dans le cadre du plan Proxima. J’avais d’ailleurs anticipé dans mon business plan à 5 ans qu’il y aurait une forte accélération, puis un palier voir une légère regression, pour ensuite repartir, notamment grâce aux nouveaux leviers que nous allons actionner. Mon objectif reste toujours le même, croître de 30 % d’ici 2026 pour atteindre 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires.
Pouvez-vous revenir sur les différents chantiers initiés avec le plan Proxima ?
Le premier axe porte sur la stratégie client. Ce sujet a été nourri par des actions sur le CRM ou encore par des nouvelles offres plus « typées ». Nous avons, par exemple, sorti pour la première fois des produits vegan. Il y a eu aussi des produits wahou avec l’huître ou encore la collaboration en fin d’année avec le chef Juan Arbelaez. Au total, nous avons commercialisé 264 innovations en 2021. In fine, en un an et demi, c’est plus de 2,2 millions de nouveaux clients qui ont été encartés. Nous allons continuer à enrichir la relation client avec des nouveautés sur les offres, le concept et le programme de fidélité.
Justement, vous venez de dévoiler le nouveau visage des magasins Picard. Il joue un rôle clé dans votre plan ?
C’est un levier très important car il touche à l’expérience client. Le nouveau concept vient renforcer la relation client, les collaborateurs sont au centre du magasin avec un îlot. Ils passent ainsi d’un rôle de gestionnaire de bacs à véritablement celui d’un commerçant. Ils gardent une mission sur le volet transactionnel avec la gestion de la caisse mais ils s’investissent aussi davantage sur la partie service avec un rôle d’accompagnateur.
Autre nouveauté, nous sommes allés plus loin autour de l’offre. La présentation a été revue avec l’adoption de meubles hauts sur tous les murs afin de maximiser le nombre de produits disponibles. Par ailleurs, nous avons ajouté d’autres produits d’épicerie, tout en restant sur des articles qui viennent en complément de notre core business. Par exemple, nous avons 8 références en vrac, proposant des graines et céréales qui peuvent être ajoutées dans les recettes. Ou encore grâce au partenariat avec Le Petit Ballon, nous proposons une offre de vins plus pertinentes, avec des conseils sur les accords mets-bouteilles via une tablette.
Enfin, nous développons aussi une offre non-alimentaire, là aussi toujours en jouant sur la complémentarité. Par exemple, nous vendons des pizzas, nous proposons donc une roulette pour les couper. Nous n’avons pas d’objectif chiffré sur ces produits. Quelques chiffres toutefois : l’épicerie a pesé cette année pour 2,5 % de notre CA global (1,7 milliards d’euros) et au sein des 3 pilotes, entre 2,5 et 3,3 % du CA magasin.
Et prochainement, vous allez donc dévoiler un nouveau programme de fidélité…
En 2017, nous avons sorti un programme de fidélité mais qui n’en était pas vraiment un. Les clients avaient le droit à 5 %, qu’importe leur panier ou leur fréquence d’achats. C’était davantage perçu par les clients comme un programme promotionnel. D’ailleurs lors des tables-rondes, ce point a été soulevé et cet item était déceptif pour eux. Avant l’été, nous lancerons donc notre programme de fidélité qui sera novateur, plus servicielle et solidaire… à la hauteur de la nouvelle image de marque de Picard.
Si on revient sur le plan Proxima, qu’en est-il de votre développement sur le digital ?
Le digital est un outil de conquête : un client sur deux nous découvrons avec le web.
Nous avons multiplié les parcours de courses pour coller à la vie des gens. Nous proposons désormais de la livraison à domicile avec Chronofresh et depuis novembre dernier le click & collect a été généralisé. Ce dernier repose à la fois sur le stock des magasins et sur un entrepôt central.
Nous avons également signé un partenariat avec Deliveroo pour servir 110 agglomérations et 40 nouvelles seront prochainement desservies. Ce service de livraison express fonctionne très bien, d’autant que 64 % des utilisateurs sont des nouveaux clients.
Plus globalement, nous avons identifié qu’un client e-commerce sur deux découvre pour la première fois la marque grâce au digital. Toutes ces actions, en plus du contexte, ont permis de doubler notre chiffre d’affaires en ligne, qui est passé de 2 à 4 %. C’est une belle augmentation, surtout que les services n’étaient pas tous lancés. Mais la moyenne du marché est à 8 % et le covid nous a démontré que 10 % était possible. C’est d’ailleurs notre objectif.
A côté de la conquête du web, il y a la conquête des territoires…
En effet, quand je suis arrivée chez Picard, les tables-rondes menées avec des clients et surtout des non-clients, ont mis en avant que si un magasin est situé à plus de 20 minutes d’un consommateur, celui-ci ne viendra pas chez nous de peur que ses surgelés ne supportent pas le transport. En vérifiant nos implantations, j’ai identifié 200 zones à couvrir. Nous avons ouvert 19 magasins en 2020, 30 en 2021 et en 2022 nous en ciblons 40. La croissance se fera majoritairement en succursale avec un peu de franchise.
Quelles sont vos ambitions de développement en franchise ?
Sur les 1066 points de vente, 32 sont aujourd’hui en franchise. Cela reste faible et nous comptons en ouvrir plus, mais cela ne dépassera jamais 10 % du réseau. Nous avons revu le modèle économique du concept, laissant plus de marges aux franchisés. Le ciblage des candidats a aussi changé. Auparavant, nous visions des primo-accédants. Désormais, nous cherchons des commerçants ayant déjà des affaires, que cela soit un supermarché ou un magasin d’optique. Cela nous assure de recruter des gens qui ont les reins solides financièrement et qui connaissent leur zone de chalandise. D’ailleurs avec cette typologie de franchisés, les démarrages sont bien plus performants qu’avant.
Votre expansion concerne aussi l’international. Où en êtes-vous sur ce sujet ?
Là aussi, nous avons changé de stratégie. Des magasins stand alone ont été ouverts mais cela n’a pas fonctionné. Nous avons ainsi revendu nos activités en Italie et dans les pays Scandinaves et fermé en Suisse. Par ailleurs, utiliser nos produits Picard comme un produit complémentaire avec un rangement par catégorie ne fonctionne pas plus. C’est un modèle que nous avons testé avec Marks & Spencer en Angleterre et qui n’a pas été concluant car la marque n’est pas assez connue.
Notre expansion internationale passe désormais par l’implantation de corner avec minimum 100 références. Ce format nous permet de raconter une histoire, de l’entrée aux desserts, en valorisant la gastronomie française.
Notre expansion passe désormais par l’implantation de corner avec minimum 100 références. Ce format est la condition sine qua non pour travailler avec nous. Cela permet de raconter une histoire, de l’entrée aux desserts, en valorisant la gastronomie française. D’ailleurs dans le top 5 des exportations, on retrouve la baguette, les viennoiseries et les macarons ! De plus, nous travaillons désormais avec des distributeurs qui connaissent leur zone de chalandise et qui s’occupent de gérer la logistique des produits que nous mettons à leur disposition aux portes de notre entrepôt.
Vous avez défini des zones prioritaires ?
Nous ciblons les marchés ayant le plus d’appétence pour les produits surgelés. Ainsi, en mai 2021, nous avons eu un premier fait d’armes avec Marks & Spencer à Dubaï, puis il y a eu le Qatar, l’Arabie Saoudite, ou encore Hong-Kong. En janvier, nous avons signé avec RT Mart à Taïwan pour être présent dans une vingtaine de supermarchés et environ 800 magasins de proximité Family Mart. Au global, Picard est implanté dans 15 pays, un record pour l’enseigne ! Pour la suite, nous cherchons de nouvelles opportunités en Europe et nous visons aussi l’Outre-Atlantique, avec les Etats-Unis et le Canada. (NDLR : des rumeurs courent sur un rapprochement avec le canadien Couche-Tard).
Le travail sur l’image de la marque est le 4e pilier du plan Proxima. Quelles actions avez-vous menées sur le sujet ?
Nous avons travaillé toutes les dimensions de la marque pour la rendre incontournable dans le quotidien des Français que cela soit au niveau de l’enseigne, de la marque employeur ou de nos engagements citoyens. La première action a été d’écrire notre raison d’être et de créer notre plateforme de marque. Un plan de communication en a découlé sous le thème « Bienvenue » avec des messages plus inclusifs et relationnels.
Côté employeur, la marque Picard rayonne bien mais avec notre croissance et le taux de turn over de 19 % nous devons en permanence recruter. Quant à nos engagements citoyens, ils portent sur l’alimentation et la cible des jeunes étudiants. Notre enjeu consiste à les valoriser aux yeux des clients qui ne perçoivent pas ce que nous faisons déjà. D’ailleurs dans le nouveau concept, nos actions sont affichées et clairement lisibles.
Le plan Proxima représente aussi une grande transformation culturelle interne, qui nous apprend aussi à être plus agile et à nous remettre régulièrement en question.
Pour conclure, où en êtes-vous dans l’avancée du plan Proxima ?
C’est difficile de se projeter jusqu’en 2026 mais par rapport au business plan, nous sommes en avance en termes de chiffre d’affaires. Nous avons ouvert tous les chantiers en même temps, les clients ont pu constater que nous bougeons. Par ailleurs, le plan Proxima représente aussi une grande transformation culturelle interne. Et ce n’est pas neutre vu l’ampleur des projets lancés. Cela demande une véritable proximité managériale. Je m’y engage, je vais sur le terrain et je porte une certaine exemplarité. Je rechallenge aussi régulièrement nos actions.
Proxima est aussi une méthode et de l’agilité. Nous réalisons beaucoup de POC (ndlr : Proof of concept) avec des indicateurs précis pour définir si on arrête ou si on déploie. Picard a ouvert son écosystème, faisant preuve d’audace et nouant des partenariats si nécessaire avec des spécialistes pour avancer. Nous cherchons avant tout des moyens de nous différencier et reprendre une longueur d’avance.