Thierry Le Guénic, l’investisseur amoureux des marques délaissées, rachète Orcanta
Par Clotilde Chenevoy | Le | Enseignes
Thierry Le Guénic vient d’acquérir la marque Orcanta auprès du groupe Chantelle. Une opération qui vient renforcer son pôle lingerie. Retour sur la stratégie de relance de l’investisseur.
Orcanta bascule dans la galaxie des marques de Thierry Le Guénic. Le groupe Chantelle vient en effet de céder sa marque et son réseau de 28 boutiques et deux outlets à l’investisseur de 57 ans qui possède Habitat, Burton of London, Paule Ka, Lejaby, Rasurel et Cosmoparis.
Le dirigeant a multiplié les investissements dans le retail depuis deux ans en rachetant des marques en difficulté. Ou plutôt en transformation comme tient à le souligner l’investisseur : « ce sont des entreprises qui ont cessé d’innover que cela soit dans les produits ou la relation. Elles se sont effritées et elles n’ont pas réussi à fédérer une équipe autour d’un projet. »
L’acquisition d’Orcanta, poursuit l’objectif de construction d’un groupe d’entreprises évoluant dans un environnement alliant art de vivre et life style.
La philosophie de Thierry Le Guénic consiste donc à insuffler un vent de nouveautés, et de cash, pour relancer les équipes et les marques. « Ce type d’exercice est un bonheur pour moi ! s’enthousiasme l’investisseur. Il faut penser autrement en termes de territoires de marque, de process… C’est assez facile d’embarquer dans les équipes quand on garde la culture de la marque, sans les noyer dans des instances lourdes. »
D’ailleurs le mot groupe est aussi rayé du vocable du dirigeant. « Chaque société reste différente et chaque marque doit rester indépendante pour continuer à vivre leur histoire et conserver de l’agilité », explique Thierry Le Guénic. In fine, les différentes entités réalisent en cumulé 250 millions d’euros de chiffre d’affaires, sans compter Orcanta et les futures acquisitions.
L’ADN de la marque comme vecteur de croissance
Parmi les autres critères clés qui justifient une reprise de ces entreprises en transformation, il y a l’histoire de la marque. « Mes investissements portent sur des marques qui ont un ADN fort sur lequel on peut créer quelque chose avec une charge émotionnelle forte, insiste le dirigeant. C’est essentiel pour développer une expérience client. C’est pour cela que je n’irais pas sur l’entrée de gamme où l’attachement à la marque se révèle moins important ou encore sur des enseignes multimarques. »
Cet historique de marque est alors fortement valorisé pour monter l’offre en gamme. Un moyen de se positionner sur un segment de marché moins concurrentiel et aussi d’atteindre les objectifs de rentabilité. D’autant que ce positionnement premium - luxe accessible va de pair avec une stratégie d’approvisionnement recentrée sur l’Europe, voire en France si possible.
C’est important pour Thierry Le Guénic à titre personnel et également parce que « nos clients peuvent ainsi mieux capter la valeur et le savoir-faire de nos produits. Le made in France est un gage de réassurance et de qualité. C’est aussi un acte citoyen que de préserver le savoir-faire français sur le premium et le luxe. On est ambitieux mais on reste prudent. On s’engage dans des circuits courts de production, étape par étape. » Ainsi, Maison Lejaby dont les ateliers sont en France, a produit la gamme éco-conçu de maillots de bain Rasurel et fabrique également la première gamme de lingerie qui arrivera prochainement chez Paule Ka.
Un capital de 2,5 millions de données clients
Avec les différentes marques, Thierry Le Guénic dispose d’un accès à environ 2,5 millions de données clients. Celle-ci est mise à profit pour réaliser du cross-marketing, en respectant la RGPD. Certaines marques s’allient très bien d’après le dirigeant. « Nous avons eu par exemple un beau succès avec un échange entre Habitat et Cosmoparis, ou encore entre Burton et Lejaby, confie-t-il. Nous testons au fur et à mesure les échanges possibles. » D’autres projets sont cours autour de la gestion de la data et de l’intelligence artificielle. « Nous mutualisons les choses sur ces sujets car cela demande beaucoup de ressources », pointe le dirigeant.
L’international en relais de croissance
La mutualisation et les échanges des bonnes pratiques s’opèrent également sur le volet distribution, en France et surtout à l’international. Avec des marques fortes made in France ou Europe, Thierry Le Guénic a de beaux atouts à faire valoir aux consommateurs étrangers. « Paule Ka et Maison Lejaby réalisent déjà 50 % de leur chiffre à l’international, précise-t-il. Habitat dispose déjà d’une trentaine de franchises avec des filiales à l’étranger. Tout consolidé, l’international pèse 35 % et l’objectif consiste à monter autour de 60 à 70 %. »
Ainsi, Cosmoparis va réaliser ses premiers débuts à l’étranger l’année prochaine. La marque pourra par exemple profiter de l’expertise Paule Ka qui est aussi bien implantée en Asie ou encore de Maison Lejaby qui est en Chine via T-Mall et en direct avec un site e-commerce et une boutique.
Sauvage Poésie, la création d’un concept store
Enfin, l’investisseur s’aventure aussi dans la création d’une enseigne avec Sauvage Poésie. Il s’agit d’un concept store qui propose une sélection de produits tendances et saisonniers, dans une ambiance de boudoir.
« Sauvage Poésie représente un axe de développement stratégique très important, indique Thierry Le Guénic. L’objectif ne consiste pas à mettre uniquement nos marques, mais bien à être un lieu attractif pour que d’autres marques veuillent venir. La deuxième boutique doit ouvrir à Lyon et la troisième sera sur Bordeaux. Sauvage Poésie est destinée à devenir demain et après-demain une marketplace qui aura aussi ses propres produits griffés. » Ce projet s’inscrit en parallèle des autres rachats que le serial investisseur a actuellement à l’étude. Si le mot groupe ne lui plaît pas, Thierry Le Guénic est tout de même en train d’en poser les bases.
Bio express
Thierry Le Guénic, 57 ans, 3 enfants, conduit depuis 30 ans des projets de transformation d’entreprises. Il entre dans l’univers de l’habillement, en 2007, et rejoint la maison italienne Smalto, connue par ses costumes de style décontracté, et occupe le poste de directeur général de l’enseigne, durant sept ans, puis prend la direction générale de Vanessa Bruno en 2014.
Depuis 2 ans, Thierry Le Guénic investit dans des entreprises nécessitant de profondes transformations de leur modèle économique et disposant d’un savoir-faire, d’un ADN ou d’une position de marché particuliers : Paule Ka, Maison Lejaby, Cosmoparis, Habitat, Rasurel, Burton et désormais Orcanta.