Lush à l’assaut des grandes villes
Par Dalila Bouaziz | Le | Enseignes
L’enseigne de beauté britannique connue pour ses produits colorés et parfumés compte 39 magasins en France. Impactée par la crise sanitaire, Lush part en mode reconquête mais aussi en se lançant sur de nouveaux segments. Entretien avec Mathieu Raguet, Europe Property Manager de la marque.
Pouvez-vous nous rappeler les grandes étapes de Lush en France ?
Notre premier point de vente a ouvert en 2005. C’était l’un des derniers grands marchés européens où Lush n’était pas présent. Les premières boutiques ont été inaugurées à Paris, Lille puis deux ouvertures ont été réalisées en franchise à Rouen et Nice (Lush a arrêté depuis la franchise, préférant opérer en succursale). Petit à petit, nous avons développé un réseau qui s’établit aujourd’hui à 39 magasins dans les principales agglomérations françaises. Notre souhait est de continuer à mailler le territoire en s’appuyant sur les grandes villes où nous pouvons envisager d’avoir une 2e boutique voire une 3e comme à Lille. Nous ciblons Nice, Dijon, Grenoble, Angers, Caen, Annecy pour nous rapprocher de notre clientèle.
Au global, la France est le 6e marché mondial pour Lush (États-Unis, Royaume-Uni, Japon, Canada et Australie) et le 2e en Europe après le Royaume-Uni. Nous sommes présents dans 50 pays.
Depuis 2015, le nombre de nouveaux magasins n’a pas vraiment augmenté et a même eu tendance à diminuer puisque vous aviez alors 44 points de vente…
Il est vrai qu’en termes de maillage, la parenthèse du Covid a entraîné la fermeture de quelques boutiques. Notre souhait est de revenir assez rapidement à 45 points de vente. Nous avons également évolué sur notre concept et la taille minimum de la surface de vente. Nous avons eu pas mal de transfert de magasins existants, de boutiques qui faisaient entre 30 et 40 mètres carrés et qu’on a relocalisé sur des formats plus grands de 80 à 110, voire 120 comme à Lyon. Nous investissons massivement dans le réseau (l’enseigne de beauté britannique investit près de 8,9 millions d’euros).
Nous avons un développement raisonné en centre-ville ou dans les centres commerciaux.
Nous avons un développement raisonné en centre-ville ou dans les centres commerciaux régionaux les plus puissants. Cette année, nous n’avons ouvert qu’une boutique à Lille et plusieurs dossiers en cours de négociation. Il n’y aura pas d’autres ouvertures sur 2023. L’idée serait d’en ouvrir six en 2024. Nous aimerions notamment ouvrir un flagship à Paris, idéalement sur la rue de Rivoli, un axe très recherché. C’est important d’avoir un grand magasin comme à Londres mais également à Tokyo, Munich… pour pouvoir proposer l’ensemble de notre expertise.
Qu’est-ce qui vous pousse à vouloir des points de vente plus grands ?
Nous possédons une offre assez large avec beaucoup de lancements de nouveaux produits, en dehors des saisonniers comme Noël, la Saint-Valentin, Pâques ou la Fête des mères. Avec une boutique de 35 ou 40 m², c’est difficile de bien mettre en avant l’ensemble de nos gammes, et lors de périodes de forte affluence, nous sommes vite à l’étroit dans nos magasins.
Aujourd’hui, notre premier critère est d’avoir 75 m² minimum de vente et ensuite on peut monter jusqu’à 110-120. C’est le meilleur moyen également de proposer un bon service client, des espaces de consultation, d’avoir un espace dédié pour des ateliers de fabrication à destination de la clientèle.
Vous avez lancé un nouveau concept en 2021. Quelles sont les nouveautés ?
Nous avons rénové huit points de vente sur ce nouveau concept. La grande nouveauté réside dans l’organisation en différentes zones suivant les catégories de produits : cadeaux & parfum ; savon, gel douche, shampoing et le soin (soin visage, soin du corps…). Le client se repère plus facilement et identifie les catégories de produits qu’il recherche. Initialement dans ce nouveau concept, il y avait trois couleurs : blanc, noir et vert. Nous l’avons légèrement évolué avec uniquement du blanc et noir. Le mobilier des anciennes boutiques a été upcyclé.
Quel est le nombre de vos références ?
Nous recensons plus de 500 références. Le panier moyen est dans les alentours de 25 euros avec un positionnement prix moyen de gamme.
Dans un secteur très concurrentiel, comment arrivez- vous à vous différencier des autres acteurs ?
Aujourd’hui, de nombreuses enseignes vendent des cosmétiques naturels, tendance de fond du secteur. La grande différence est que nous vendons des produits « nus », c’est-à-dire qu’une grande partie de nos produits sont vendus sans emballage, cela représente les deux tiers de nos références. Nous avons aussi été les précurseurs en lançant le shampoing solide. Notre force, ce sont nos valeurs : la défense de l’environnement, la défense des droits humains et la protection des animaux. Nous sommes très engagés sur la réduction des emballages.
Justement, pourquoi refusez-vous d’obtenir des labels bio et autres certifications, si vous mettez en avant des cosmétiques naturels ?
Notre volonté, c’est que l’argent que nous investissons soit dans la qualité des ingrédients et dans notre sourcing. Certains de nos ingrédients sont bio mais nous ne souhaitons pas payer des organismes pour avoir une certification bio sur l’ensemble de nos produits. Nous préférons mettre en place des projets avec des communautés, comme développer la permaculture par exemple, dans beaucoup de pays d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie. Des projets en lien avec nos valeurs plutôt que d’avoir un label bio pour avoir le label bio.
Nos équipes en magasin sont formées pour mettre en avant notre sourcing : de l’achat des matières premières jusqu’à la fabrication à la main dans nos manufactures et au plus près de nos marchés. C’est la raison pour laquelle le retail est si important pour Lush, c’est le point de contact de personne à personne. Notre but est d’apporter le produit adapté aux besoins de chaque client qui franchit la porte d’un magasin.
Quelles sont vos dernières initiatives environnementales ?
Depuis 2008, nous encourageons notre clientèle à rapporter les pots noirs en boutique pour qu’ils soient recyclés en boucle fermée par nos partenaires, afin de recréer de nouveaux pots, des paniers ou des panneaux en boutique. Pour inciter nos clients à réaliser ce geste, un masque frais gratuit était offert en échange de 5 pots rapportés. En juillet 2022, nous avons fait évoluer ce dispositif pour désormais permettre à notre clientèle de rapporter tous les contenants Lush (alors que c’était seulement valable pour les pots noirs auparavant) afin qu’ils soient recyclés. En plus d’avoir élargi la reprise des contenants, le système de « récompense » a évolué en permettant à la clientèle de choisir entre le masque frais gratuit (en échange des 5 pots) ou obtenir 40 centimes de réduction immédiate par contenant rapporté sur les achats du jour.
Dans le monde, 2,27 millions de contenants individuels ont été récupérés depuis la création du programme « Bring it Back » en 2008, soit l’équivalent de 55,5 tonnes de plastique retourné en boutique via ce système (chiffres datant de septembre 2022).
Nous n’avons pas une équipe RSE mais « Earth Care ». L’ensemble des services de l’entreprise ont une approche qui se doit d’être en phase avec les valeurs de la marque et sur comment diminuer notre impact sur l’environnement.
Où en êtes-vous dans l’omnicanalité ?
Si on prend l’e-commerce, il représente 10 % du chiffre d’affaires global, il est monté jusqu’à 20 % lors du Covid. Durant cette période, nous avons testé le click and collect ou la vente en visio par exemple. En 2022, nous avons mis en place le live shopping afin de mettre en avant nos gammes saisonnières.
Après notre mise en pause des réseaux sociaux Facebook, Instagram, TikTok et Snapchat en novembre 2021, nous avons refondu et optimisé l’application Lush en novembre 2022 avec le lancement de collections en exclusivité sur l’app avant le lancement global en boutique et sur notre site. Mais aussi l’intégration de notre outil de scan de produits « Lush Lens », qui permet, grâce à l’appareil photo du téléphone, de reconnaître un produit « nu » que nous proposons et d’informer l’utilisateur sur ses caractéristiques (utilisation, ingrédients…) et l’intégration de « Bathe », un espace de contenus bien-être dans lequel on peut notamment retrouver des playlists relaxantes. Nous avons un vrai projet de click and collect pour renforcer cette omnicanalité via le site web ou l’application.
Concernant la digitalisation en point de vente, cela fait plusieurs années que nos vendeurs et vendeuses utilisent des tablettes pour montrer à nos clients des éléments sur un produit ou les ingrédients. Nous avons changé notre système de caisse, il y a un peu plus d’un an, avec la possibilité techniquement de pouvoir encaisser via les tablettes. Néanmoins, nous ne l’avons pas encore lancé.
Développez-vous de nouveaux segments ?
Le maquillage est clairement un axe de développement. Nous venons de lancer un mascara solide, la brosse est sans plastique, et fabriquée à partir de matériaux biosourcés, le contenant et le contenu sont identiques. Nos shampoings solides et notre gamme d’huile de massage solide ont été reformulés. Nous essayons de proposer l’ensemble des produits cosmétiques que notre clientèle peut avoir besoin.
Qui sont vos clientes ?
Nous avons tout type de client quel que soit le genre et de tous les âges. Néanmoins, le cœur de la clientèle, c’est plutôt une femme de 18 à 35 ans. Nous recrutons souvent des jeunes via les boules pour le bain. L’idée est vraiment de leur proposer autre chose en leur faisant essayer d’autres produits beaucoup plus fidélisants, comme un son capillaire ou une crème pour le corps ou pour les mains.
Les derniers chiffres financiers
De juillet 2021 à juin 2022, le CA s’élève à 657 millions de livres sterling, soit plus de 756 millions d’euros. Ces derniers chiffres intègrent le rachat du groupe Lush North America qui a eu lieu en 2021. Lush compte 886 boutiques dans 50 pays et emploie 11 000 employés dans le monde