Digitalisation, retailtainment, e-commerce, les projets de transformation de la Grande Epicerie
Par Dalila Bouaziz | Le | Enseignes
La Grande Epicerie fête ses 100 ans, un siècle où le grand magasin parisien a été précurseur dans la distribution alimentaire et a assisté aux changements de consommation. L’enseigne de LVMH ne s’arrête pas là et veut rester au plus près des enjeux du moment. Entretien avec le directeur général Giles Roderick.
En un siècle, quelles ont été les grandes étapes de transformation de la Grande Epicerie ?
Notre histoire a commencé en 1923 avec la création d’un petit coin des gourmets au sein du Bon Marché. C’était la première fois où des produits alimentaires étaient rassemblés dans un seul espace, dans un grand magasin, avec des thés, conserves, épices, tablettes de chocolat… Cette petite offre a trouvé très vite sa clientèle. En 1933-34, le magasin s’est agrandi et a commencé à ressembler au magasin et au concept alimentaire que nous avons toujours aujourd’hui autour des métiers de bouche traditionnels (poissonnerie, boucherie triperie de l’époque, primeur, pâtisserie -boulangerie…). C’est pendant les années 30 que la Grande Epicerie a créé un laboratoire de production de 1 000 mètres carrés, dans les sous-sols, pour les cuisines et ateliers. Par la suite, les Trente Glorieuses ont été clés dans notre développement avec l’ouverture sur les produits du monde, inconnus des Parisiens et précurseur dans la distribution, et d’opérations commerciales.
Le rachat par LVMH dans les années 80 a redonné un nouveau souffle à La Grande Epicerie qui prend ce nom en 1979 en reprenant un positionnement premium sur l’exception, via des investissements importants pour rénover le grand magasin avec le résultat final en 2014. Il a été complètement transformé avec 3 600 mètres carrés de surface commerciale, l’épicerie fine au cœur de la proposition, une mise en valeur des stands de fabrication, les laboratoires ont été agrandis. Puis en 2013, nous avons lancé notre site e-commerce. Et en 2017, l’inauguration de notre second magasin rue de Passy, dans le 16e arrondissement (La Grande Epicerie avait ouvert un pop-up-store fin 2019 mais avec la crise sanitaire, le test n’a pas été concluant, NDLR).
Combien de personnes y travaillent ?
Aujourd’hui, nous recensons 550 personnes. La grande majorité de ses employés sont les commerciaux de nos deux magasins (400 collaborateurs). Nous comptons aussi 80 pâtissiers-boulangers et chefs travaillant dans les sous-sols de La Grande Epicerie, dans nos ateliers et cuisines. Il y a également un bureau d’achat et des services supports, une quarantaine de personnes.
Comment se porte La Grande Epicerie ?
Notre grand magasin se porte bien après les années 2020-21 assez compliquées pour le commerce, et notamment à Paris. Depuis 2022, nous enregistrons une forte reprise de l’activité commerciale, avec une fréquentation en hausse de 10 % d’année en année. Nous accueillons plus de 3 millions de clients par an dans nos deux magasins parisiens. Notre site web recense le même nombre de visiteurs sur notre site web. Notre concept plaît toujours.
Votre clientèle a-t-elle changé ?
Aujourd’hui, 75 % de nos clients sont des franciliens, et un peu plus de 20 % de consommateurs étrangers. Nous nous adressons en premier lieu à la clientèle locale. Notre stratégie est de proposer le meilleur de la gourmandise et gastronomie à nos clients locaux. Nous avons la chance d’attirer également des visiteurs qui viennent à Paris et ont envie de découvrir la gastronomie française.
Combien de références proposez-vous ? L’assortiment est-il stable ?
Nous proposons une large sélection de produits avec plus de 30 000 références. L’offre est renouvelée de 15 % par an, soit environ 4 000 articles, un axe différenciation de La Grande Epicerie. Nous avons la chance d’avoir une clientèle très demandeuse de nouvelles saveurs, cuisines…
Quels sont vos enjeux de transformation ?
Nous renforçons l’omnicanalité avec le lancement d’une application en septembre dernier, une étape très importante pour nous. Nous avons également des enjeux autour de la logistique et supply chain, un point critique avec 30 000 produits venus du monde entier. Cela nécessite une logistique adaptée et forte pour assurer leur disponibilité. C’est une transformation importante.
Nous avons aussi un chantier sur la digitalisation de nos points de de vente avec de nouvelles fonctionnalités pour nos clients comme des QR codes pour expliquer nos produits dans les rayons. Nous avons également mis en place des outils de clienteling pour que les équipes puissent accompagner les clients.
Dans les prochaines années, notre ambition est de devenir un lieu de retailtainment.
Dans les prochaines années, notre ambition est de devenir un lieu pas uniquement de commerce et de vente, mais de retailtainment, en proposant des animations, expériences à nos clients dans nos magasins pour leur donner une autre raison de venir chez nous. Par exemple, chaque semaine, nous avons plus de 50 fournisseurs présents à la Grande Epicerie pour proposer des dégustations de produits, des mastersclasses… Et récemment, nous avons proposé un dîner aux chandelles pour 200 clients (lors de la fermeture) dans les allées du magasin pour qu’ils puissent vivre une expérience unique.
Où en êtes-vous dans l’omnicanalité ?
Nous comptons 6 000 produits de l’épicerie fine et de la cave sur notre site e-commerce lancé en 2013. Nous l’avons axé sur le cadeau, il ne permet pas de faire son plein de courses. C’est pour cela que nous avons décidé, en septembre dernier, de lancer notre nouvelle application de courses en ligne « La Grande Epicerie chez vous » pour qu’on puisse proposer à nos clients parisiens et franciliens, 5 000 des meilleurs produits en livraison à domicile dans la journée. Une demande forte depuis longtemps, nos clients nous réclament de pouvoir se faire livrer nos pâtisseries, plats et produits frais. C’est aussi une nouvelle façon de s’adresser à une autre clientèle, plus jeune.
La livraison s’effectue de 8h à 23h. Nous avons décidé de nous associer à La Belle Vie, expert dans la logistique du dernier kilomètre à Paris. Le commerce en ligne représente environ 6 à 7 % de notre activité, avec un panier moyen plus élevé que dans nos magasins. Il est important d’avoir une proposition omnicanale dans l’alimentaire. Néanmoins, le cœur de de notre business et de notre activité restera nos deux grands magasins.
Vous vous qualifiez d’enseigne de quartier mais en termes de prix êtes-vous alignés avec les grands distributeurs du secteur ?
Nous avons effectivement un positionnement premium mais nous nous adressons également aux courses du quotidien. Pour cela, nous relevons tous les mois les prix de nos concurrents aux alentours pour s’aligner sur les produits de grande consommation (1 000 articles). Souvent, on peut avoir l’impression que nous proposons uniquement des produits premium et donc plus chers mais nous sommes aussi bien un magasin pour le quotidien que pour les grandes occasions.
Comment qualifiez-vous le rôle de vos vendeurs ?
La relation client est très importante quand vous recensez plus de 30 000 produits, le conseil est clé pour expliquer au client pourquoi choisir un produit et pas un autre. Dans notre rayon huile d’olives, nous recensons plus de 200 différentes. Si le consommateur n’a pas de conseiller pour comprendre son attente et besoin, il aura tendance à prendre une qu’il connaît ou en fonction du prix, etc. Nos vendeurs doivent créer cette relation de confiance et proximité avec les clients afin de les conseiller au mieux. Nous disposons également de personal shoppers, à destination des clients les plus fidèles.
Nous avons créé une académie de formation pour le Bon Marché et La Grande Epicerie pour les nouvelles recrues. Le métier de vendeur peut être sous-estimé, mais je pense qu’au contraire, c’est un métier noble et clé. Nous aurons toujours besoin, même avec le développement de l’omnicanalité, du lien humain et de la connexion qui se créent dans les magasins et donc de former et accompagner nos équipes.
Pourquoi faites-vous le Black Friday ?
Nous le faisons uniquement sur le canal e-commerce. C’est un moment dans l’année où nous pouvons mettre en avant certains produits ou fournisseurs moins connus de nos clients.
Quant à Noël, il représente près de 20 % de notre chiffre d’affaires d’où l’importance d’avoir un dispositif très fort pour attirer les clients en magasins. Nous le thématisons chaque année avec une scénographie poussée et des produits, en collaboration avec notre direction artistique. Sur les 3 millions de visiteurs annuels, nous en accueillons un million durant les fêtes de fin d’année. Une période très intense.