Stratégie digitale de Carrefour : les 10 annonces clés à retenir
Par Clotilde Chenevoy | Le | E-commerce
Alexandre Bompard, p-dg de Carrefour, a présenté la nouvelle feuille de route digitale du distributeur. Elle doit venir imposer Carrefour comme le leader mondial du digital retail d’ici 2026.
Mardi 9 novembre 2021. Pendant plus de 3 heures, Alexandre Bompard, président-directeur général de Carrefour, accompagné entre autres d’Elodie Perthuisot, directrice exécutive e-commerce, data et transformation digitale, a présenté la nouvelle feuille de route digitale du groupe devant un parterre d’analystes, des membres du comité exécutif et du conseil d’administration et la presse. « Le digital est la nouvelle façon de faire du retail », a déclaré en ouverture de cette matinée le p-dg avant de démontrer en quoi cette approche vient transformer son modèle économique. Voici les 10 informations clés qu’il faut retenir.
1/ Atteindre 10 milliards d’euros de GMV d’ici 2026
Carrefour compte accélérer franchement sur son activité e-commerce et annonce vouloir tripler sa GMV (Gross Merchandise Value) entre 2021 et 2026. L’alimentaire représente un axe de croissance fort, le distributeur comptant accélérer sur tous les formats et sur toutes les promesses de livraison. Elodie Perthuisot a annoncé qu’en plus des 3700 magasins et 35 entrepôts e-commerce qui servent à préparer les commandes e-commerce, 79 nouveaux centres de distribution vont être créés. L’objectif consiste à pouvoir livrer plus de 30 % des commandes à J+1. Le tout avec une qualité de service et une gestion des coûts optimale.
La croissance viendra également du développement de services comme OK Market, fraichement lancé en France et qui doit devenir une marketplace alimentaire, ainsi que le développement de l’e-commerce dans le secteur du B to B, notamment au Brésil avec Atacadao.
Le non alimentaire est aussi vecteur de croissance. Carrefour compte sur le développement de son offre en ligne avec sa marketplace et la mise en place de drop shipping (le distributeur n’a pas la marchandise), ou encore la seconde main avec un partenariat avec Back Market pour devenir un hub logistique, ou encore le social selling et l’accélération du live shopping.
2/ Agressif sur le quick commerce et la livraison express
Carrefour est revenu sur la création de Carrefour Sprint, son service de livraison en 15 minutes mis au point avec la start-up Cajoo, dont il a pris le contrôle, et Uber Eats. L’enseigne nourrit des fortes ambitions sur ce marché et sur la livraison express. D’ailleurs, Dara Khosrowshahi, p-dg d’Uber, s’est invité au Digital Day par le biais d’une vidéo pour revenir sur leur partenariat. « Nous avons une croissance à 3 chiffres et cela va prendre encore de l’ampleur » assure l’américain. Alexandre Bompard a annoncé que Carrefour avait réalisé en un an 100 millions d’euros avec Uber et qu’il comptait accélérer.
Interrogé sur le risque de désintermédiation, le p-dg a assuré que le sujet a été abordé avec Uber et que les clients du distributeur restent les siens : « Uber a une expertise sur le dernier kilomètre que nous n’avons pas et il avait une vraie motivation à s’emparer de cette activité. » Et d’ajouter : « Dans le gâteau de demain, il y aura des nouveaux acteurs. Ma grille de lecture pour faire un accord repose sur la maîtrise mes opérations logistiques, ma gestion d’entrepôts, ma robotisation, la taille de mes sites, car c’est au cœur de mon métier de demain. »
3/ Développer la clientèle omnicanale
Carrefour souhaite convertir un maximum de consommateurs en clients omnicanaux. « Ils consomment 22 % de plus qu’un client monocanal et plus de 27 % après deux ans », a indiqué Alexandre Bompard. Fournir une expérience sans couture fait que le client achète plus, et plus souvent. » Pour développer ce type de clientèle, le distributeur mise notamment sur son application mobile, pensée comme une « super App qui sera en permanence mise à jour », indique Elodie Perthuisot. Elle doit permettre aux clients d’avoir tout Carrefour dans sa poche avec une expérience fluide entre les services. Le retailer utilise aussi l’intelligence artificielle et la data pour venir aider les consommateurs dans leur parcours en ligne, là où il y a le plus de friction pour un consommateur. Ainsi, la technologie permet par exemple de réaliser de la recommandation de produits basée sur l’historique d’achats. D’ici 2026, les clients omnicanaux doivent représenter 30 % des clients du groupe.
4/ Atteinte de la rentabilité en e-commerce alimentaire d’ici 2026
Interrogés sur la rentabilité de l’activité e-commerce alimentaire, Elodie Perthuisot a annoncé que « l’activité permettait de générer des profits additionnels, ce qui n’était pas le cas des autres années ». Elle insiste notamment sur le fait que Carrefour connaît désormais finement le coût de préparation e-commerce que cela soit pour une livraison à domicile, un drive, un picking en entrepôt ou en magasin ou encore en suivant la satisfaction client. Cette vision opérationnelle des coûts doit permettre à l’enseigne « de devenir rentable au cœur du plan », annonce Elodie Perthuisot.
5/ Création d’une academy avec Google et déploiement de Facebook Workplace
Pour que la donnée infuse vraiment l’entreprise, Carrefour renforce un peu plus son partenariat avec Google au travers de la création d’une academy. « Nous allons former 100 % de notre personnel d’ici 2024 », assure Alexandre Bompard. Par ailleurs, le groupe Carrefour a signé un partenariat avec Meta, nouveau patronyme du groupe Facebook. Ce dernier porte sur le déploiement de Facebook Workplace pour les 320 000 employés dans les neuf pays intégrés du groupe (France, Italie, Espagne, Roumanie, Pologne, Belgique, Taiwan, Argentine et Brésil). Et également d’autres volets touchant à la communication sur les multiples plateformes de Meta à savoir Facebook, Instagram, WhatsApp, et Messenger. « Je ne veux pas deux groupes avec d’un côté les data scientists et de l’autre les employés », insiste le p-dg.
6/ Retail media : une source de revenu rapide
« Le retail media est le futur du marketing, a annoncé Alexandre Bompard. Le marché représentera 30 milliards d’euros d’ici 2024. » Un nouveau business sur lequel Carrefour compte bien s’imposer, en valorisant ses 8 milliards de transactions, 80 millions de clients auprès de ses fournisseurs et le plus grand data lake d’Europe. Carrefour Links, créé avant l’été, doit générer 200 millions d’euros de ROC additionnel en 2026 par rapport à 2021.
7/ La digitalisation des services financiers
La feuille de route digitale de Carrefour inclut également des projets sur l’activité bancaire, développée en France, au Brésil, en Espagne, en Belgique et en Argentine. Le distributeur revendique plus de 10 millions de cartes de crédit, plus de 6 milliards d’euros d’encours de crédits à la consommation et revolving et 3,5 millions de contrats d’assurance vendus annuellement. Ces activités ont déjà été en partie digitalisées et Carrefour veut, là encore, accélérer. Le Brésil est leader sur le sujet et doit développer de nouveaux services autour du paiement et de l’assurance, comme le Buy Now Pay Later, le micro-crédit, les assurances affinitaires, etc. L’enjeu consiste bien sûr à déployer ses solutions en les intégrant dans les parcours clients. La stratégie digitale des services financiers devrait générer un ROC additionnel de 200 millions d’euros en 2026 par rapport à 2021.
8/ Un savoir-faire tech
Le digital day a aussi été l’occasion pour Carrefour de démontrer qu’il est également acteur tech, au même titre qu’un Walmart, Amazon ou Tesco. Le distributeur a par exemple dévoilé SmartPOS, son propre système de caisse qui doit progressivement être déployé dans ses 67 000 magasins. La solution a été testé en Espagne et arrive en 2022 en France. Elle doit venir apporter plus de fonctionnalités en caisse autour de la reconnaissance du client et pour capter des datas afin d’enrichir la base. Le retailer a aussi conçu son propre outil de suivi de l’excellence opérationnelle avec U. Care. L’application doit devenir le couteau suisse des collaborateurs. Enfin, la tech est aussi mise au service des magasins. Carrefour va déployer 20 unités de son magasin autonome sans caisse Flash Scan&Go, expérimenté au Brésil, et fin novembre, les Français pourront découvrir Flash 10.10, un point de vente où les courses sont faites en 10 secondes avec un paiement en 10 secondes. A suivre.
9/ 50 % d’investissement supplémentaire dans le digital
Pour financer les différentes actions et projets annoncés, Carrefour a prévu d’investir 3 milliards d’euros dans l’e-commerce, l’IT, la data et les services financiers. Entre 2018 et 2021, les capex étaient de 400 millions d’euros par an, pour désormais atteindre 600 millions par an, soit 50 % d’augmentation. Une somme qui devrait être financer par le développement des différentes activités digitales, Carrefour annonce que le digital contribuera à hauteur de 600 millions d’euros additionnels au résultat opérationnel en 2026 par rapport à 2021.
10/ Refonte de l’infrastructure IT avec une migration sur le cloud
La transformation de Carrefour ne peut se faire sans une refonte de ses systèmes d’information. Depuis 2018, Carrefour bascule progressivement ses applications dans le cloud. « 30 % des applications ont déjà été migrées et nous ciblons l’objectif d’être 100 % Cloud en 2026 » a annoncé Elodie Perthuisot. Pour rappel, le Cloud offre une plus grande agilité car le distributeur peut faire évoluer son système et la puissance de calcul nécessaire selon ses besoins. Le distributeur misant de plus en plus sur l’IA et la data pour le pilotage de son activité, les infrastructures doivent suivre.