Stratégie retail

Running, reconditionné, retail : la recette d’Alltricks pour surmonter la crise du vélo


Face au recul du marché du vélo, Alltricks mise sur la diversification. Nicolas Burger, co-directeur général, détaille comment le running, la seconde main et le retail physique boostent la croissance de l’enseigne. Une stratégie qui lui permet de surmonter la crise et d’afficher une dynamique positive.

Alltricks : un modèle résilient entre diversification et ancrage local. - © D.R.
Alltricks : un modèle résilient entre diversification et ancrage local. - © D.R.

Quel bilan faites-vous de l’année écoulée ?

Nous avons eu une année très positive avec un chiffre d’affaires en croissance de plus de 10 %, atteignant un volume d’affaires de 200 millions d’euros tout en augmentant notre marge. Une performance d’autant plus notable que le marché du cycle a reculé de 10 % en valeur. Cette situation complexe a renforcé notre dynamique, portée par certaines catégories plus performantes que d’autres. L’international représente 20 % de notre chiffre d’affaires, un chiffre stable. Pour le moment, nous nous concentrons principalement sur la France. Nos deux plus gros marchés sont l’Espagne et l’Allemagne.

Comment expliquez-vous ces bons résultats dans un contexte aussi défavorable ?

Notre offre diversifiée nous permet d’amortir les fluctuations du marché. Nous ne sommes pas uniquement positionnés sur le vélo, et la forte croissance du running, principal moteur de notre progression, a largement contribué à nos bons résultats. À l’inverse, le marché du vélo, après l’explosion des ventes en 2020-2021 (+20 à +30 %), subit encore l’atterrissage post-Covid, accentué par des difficultés d’approvisionnement et l’inflation.

Les consommateurs ayant déjà investi dans un vélo ces dernières années ne le renouvellent pas aussi fréquemment qu’une paire de chaussures de course, ce qui explique la baisse des ventes de vélos neufs. Nous avons compensé ce recul par la montée en puissance des ventes de pièces détachées, de services de réparation et du vélo reconditionné. Aujourd’hui, le running et l’outdoor représentent 30 % de notre chiffre d’affaires et nous visons à terme les 50 %.

Sur l’offre de running, avez-vous intégré plus de marques pour surfer sur cette croissance ?

Notre catalogue était déjà très complet, avec quasiment toutes les marques référencées en France. Notre différenciation ne vient pas de l’ajout de nouvelles marques, mais de la prise de conscience des consommateurs qu’Alltricks n’est pas uniquement un site dédié au vélo.

Dès 2017, nous avons anticipé cette évolution en développant le running et l’outdoor pour répondre aux attentes des sportifs polyvalents, que nous appelons les « challenge driven ». L’essor du running communautaire, encouragé par des innovations comme Nike+, a favorisé un mélange des pratiques, avec des sportifs alternant entre marathon, Ironman et grandes courses cyclistes. Notre positionnement est clair : proposer une plateforme complète pour accompagner ces sportifs hybrides, en leur offrant tout l’équipement nécessaire, que ce soit pour la course à pied ou le vélo.

Comment faites-vous vivre ces communautés ?

En 2024, nous avons organisé plus de 75 événements au départ de nos magasins, mêlant sorties running et vélo avec une vraie valeur ajoutée : tests de matériel, essais de chaussures et de vélos. Par exemple, un test de la New Balance 1040 a permis aux participants de l’évaluer en conditions réelles avant achat. L’inscription se fait en magasin via QR code ou en ligne pour nos abonnés. Nous envoyons également des pushs géolocalisés aux clients proches du magasin concerné afin de les inciter à participer.

Nous comptons actuellement environ 2,5 millions de clients actifs dans notre base.

Ces événements ont lieu quasiment tous les week-ends, rassemblant entre 20 et 100 personnes selon les éditions. Notre présence permet à notre communauté de bénéficier de services exclusifs. En parallèle, nous sponsorisons des événements sportifs majeurs comme l’Étape du Tour, le Roc d’Azur ou les Ironman, où nous proposons des services exclusifs : accès privilégié aux dossards, click & collect sur place, offres spécifiques. Cette approche nous permet de mobiliser les pratiquants locaux et de leur offrir une expérience immersive et engageante autour des produits.

Nous offrons aussi des solutions pour s’équiper en amont de la course, avec un service de click & collect sur place. Concrètement, un participant peut commander son matériel en ligne et le récupérer directement sur le site de l’événement. En s’inscrivant via Alltricks, il peut également bénéficier de remises ou d’un accès à des produits exclusifs. C’est une manière de faciliter la participation aux événements et d’accompagner nos clients au plus près de leur pratique.

Comment vous impliquez-vous concrètement ?

Sur ces événements, nous installons des boutiques éphémères faisant office de centres de service, avec un atelier de réparation gratuit afin d’aider les participants en cas de problème mécanique de dernière minute. L’objectif est d’accompagner notre communauté au plus près de sa pratique, avant, pendant et après les compétitions.

Nous avons structuré cette approche dès 2018, mais elle a connu une forte montée en puissance en 2024. En 2025, nous comptons encore augmenter le nombre d’événements pour renforcer le lien avec notre communauté. Cela fait donc environ 12 à 18 mois que nous structurons cette offre de manière ambitieuse.

Quelles initiatives avez-vous mises en place sur le reconditionnement et la seconde main ?

Nous avons deux axes majeurs. D’une part, Troc Vélo, premier site en France dédié à la vente de vélos d’occasion entre particuliers, avec plus de 250 000 annonces par an et un volume d’affaires de 40 millions d’euros. Grâce à 20 ans de transactions, nous avons développé un algorithme de pricing optimisant les prix de vente en fonction du modèle et de son équipement. C’est aujourd’hui l’outil de référence pour estimer la valeur d’un vélo d’occasion. Depuis janvier, les ventes via paiement sécurisé donnent droit à une cagnotte Alltricks avec un abondement de 5 %. Et nous allons prochainement intégrer Mondial Relay comme partenaire pour fluidifier l’expérience de vente.

En parallèle, nous avons développé une offre de vélos reconditionnés, entièrement contrôlés et réparés par nos mécaniciens en atelier. Ces vélos, garantis deux ans, offrent une alternative plus accessible et durable. En 2024, cette activité a représenté 3,5 millions d’euros de chiffre d’affaire. Grâce à cet écosystème, nous facilitons l’achat et la revente de vélos tout en renforçant un modèle plus circulaire.

Decathlon, votre maison mère, affiche de fortes ambitions sur la seconde main. Avez-vous également des objectifs chiffrés sur ce segment ?

Aujourd’hui, nous sommes l’acteur en France avec la plus forte part de seconde main dans notre activité. Avec 40 millions d’euros de volume d’affaires pour Troc Vélo et 200 millions pour Alltricks, près de 20 % de notre activité repose sur ce segment.

Ce segment est donc essentiel pour nous. Être soutenus par un groupe qui place les enjeux RSE au cœur de sa stratégie est un véritable atout. Nous avons des convictions fortes sur le sujet, mais savoir que nous sommes accompagnés et soutenus par notre maison mère nous permet d’aller encore plus loin. L’ambition est claire : continuer à peser fortement en France sur la seconde main et le reconditionné.

Au-delà des enjeux RSE, quelles sont les autres synergies ?

Elles existent, notamment en back-office avec des échanges d’expertises. Sur le volet retail, nous avons des discussions et projets en cours, mais il est encore trop tôt pour les détailler.

Quels enseignements tirez-vous de votre développement dans le retail physique ?

Cette présence est essentielle pour offrir une expérience d’achat complète et nous différencier des pure players. Un large catalogue et des prix attractifs ne suffisent pas : le service et l’accompagnement sont des éléments clés.

Chaque magasin génère du business additionnel en complément de l’e-commerce.

Nous nous démarquons à la fois par l’offre, avec des marques exclusives introuvables ailleurs en e-commerce, et par le service, en étant le seul acteur en ligne à disposer de magasins avec des centres de service en France. Cette proximité permet aux clients d’échanger avec des conseillers, de tester des produits et d’accéder à des services comme le click & collect, les études posturales pour cyclistes ou les analyses de foulée pour coureurs. Depuis l’ouverture de notre premier magasin en 2015, notre concept a évolué et s’est structuré en juin 2020.

Comment choisissez-vous l’implantation de vos magasins ?

Nous ciblons des bassins de consommation où nous pouvons toucher plus d’un million de personnes, afin de maximiser notre proximité avec les clients tout en limitant le nombre de magasins nécessaires. Nos ouvertures sont donc très stratégiques. Un exemple concret est notre magasin d’Antibes, qui nous permet de couvrir toute la Côte d’Azur, de Menton à Fréjus, en moins de 30 minutes. Son emplacement, situé à la sortie de l’autoroute, a été choisi pour optimiser l’accessibilité et éviter d’ouvrir plusieurs magasins dans la région.

Votre développement physique va-t-il continuer ou cela restera-t-il marginal ?

Non, nous avons une vraie ambition sur le développement de notre réseau de magasins. Notre objectif est d’atteindre 15 à 20 magasins d’ici les deux à trois prochaines années. Cet été, nous ouvrirons notre 11ᵉ magasin, suivi d’une ouverture à Rennes en fin d’année. D’autres projets d’ouvertures sont en cours et avancent bien.

Avec un tel maillage, nous couvrirons déjà une base importante de consommateurs. À ce stade, nous prendrons le temps d’analyser si une expansion vers de plus petites agglomérations est pertinente ou non. Ce n’est pas notre priorité immédiate, mais nous restons à l’écoute des opportunités qui pourraient se présenter.

Quelles sont vos dernières innovations ?

Plus d’une cinquantaine de développeurs travaillent quotidiennement au sein de nos équipes pour développer des fonctionnalités et des outils technologiques. Ces innovations concernent aussi bien nos algorithmes que nos outils de gestion, qui viennent faciliter le travail de nos collaborateurs sur différents métiers.

Nous avons intégré l’intelligence artificielle depuis plusieurs mois pour améliorer nos services et optimiser nos processus internes. Nous avons fait le choix de développer nos propres outils, car nous considérons que nos équipes possèdent les talents et l’expertise nécessaires pour répondre précisément à nos problématiques métier. Plutôt que de nous appuyer sur des solutions existantes sur le marché, nous privilégions des développements sur-mesure, mieux adaptés à nos besoins et à ceux de nos clients.

Quels sont les cas d’usage concrets ?

Nous utilisons l’IA pour plusieurs applications, notamment dans les recommandations produits et le pricing. Elle nous permet d’optimiser la mise en avant des produits associés, en affinant les suggestions en fonction des préférences et du comportement des utilisateurs.

Dans le domaine du merchandising, l’IA joue également un rôle clé en facilitant la modélisation des assortiments et en améliorant la pertinence des recommandations. Grâce à notre important volume de données, nos outils gagnent en précision et permettent d’affiner constamment les suggestions faites aux clients. L’objectif est d’exploiter ces technologies pour optimiser l’expérience utilisateur, maximiser la conversion et améliorer la gestion des stocks, tout en offrant une navigation plus fluide et intuitive sur notre site.