Christophe Gaigneux (Damart) : « Nous allons attaquer de nouveaux pays en pure player »
Par Clotilde Chenevoy | Le | E-commerce
Si Christophe Gaigneux, directeur général, annonce une légère décroissance des résultats de Damart, cela ne freine en rien ses velléités d’expansion car le plan de transformation de la marque portant ses fruits.
Comment se porte Damart ?
Damart a réalisé un chiffre d’affaires de 428 millions d’euros, dont 50 % est réalisé par la France, en légère décroissance de 2,8 %. Ces résultats s’expliquent car nous avons eu un retournement. En 2021, nous avons connu une très forte croissance et sur 2022, le marché se tasse. Nous faisons mieux que le marché mais les performances du second semestre ne sont pas au niveau attendu. La guerre en Ukraine, l’inflation, ou encore la hausse des coûts de l’énergie, tous ces facteurs viennent créer de la tension. La tendance des ventes en ligne est d’ailleurs autour de -20 à 25 %. Néanmoins, nous sommes toujours en croissance si on se compare à la période pré-covid alors que le marché décroît.
Vous avez également subi une cyberattaque en août. Comment avez-vous géré la situation ?
Nous avons en effet connu une cyberattaque le 15 août mais heureusement nous avions déployé en mai 2022 un nouveau patch de sécurité. L’attaque qu’a subi Camaïeu nous avait incité à regarder en interne notre organisation. Ainsi, nous avons tout de suite su qu’il y avait une intrusion. Une cellule de crise a été montée en temps record, avec des renforts d’experts extérieurs, et nous avons basculé en mode offline. Cette attaque nous a tout de même obligé à fermer 15 jours avec une semaine de chômage technique pour les équipes, mais nous n’avons eu aucune fuite de données. L’équipe a très bien réagi et nous avons beaucoup appris en 3 semaines. Il faut rester très attentif à ces sujets. Nous allons d’ailleurs continuer à investir sur ce sujet. Par exemple, nous changeons tous les postes utilisateurs pour y ajouter une double authentification.
Côté produits, vous avez une rentrée chargée avec une collection capsule hiver avec la marque Ron Ron d’Agathe Caron, et une nouvelle gamme, Classic Riders, dédiée aux motards. Quels sont les enjeux de ces nouveautés ?
Les collaborations viennent nourrir les équipes et dynamiser la marque. Nous ne voulons pas de collaborations qui ne représentent qu’un levier de communication. Nous discutons avec les créateurs sur le thermolactyl, que cela soit avec Agathe Caron ou encore Le Slip Français avec qui nous avons aussi une collaboration. Ces échanges prouvent que Damart a su se réinventer et prendre un virage mode.
Par ailleurs, concernant Classic Riders, nous avions déjà des motards qui étaient clients mais nous avons choisi de leur construire une offre. Cela s’inscrit dans notre stratégie d’aller vers des textiles très techniques que nous déclinons désormais pour plusieurs usages, comme la gamme Climatyl qui produit un effet frais et qui cartonne depuis deux ans, ou encore avec des cibles différentes comme la famille, les sportifs, ou encore les motards.
Vous évoquez le changement de style de Damart. Quand cette bascule a été faite ?
Un plan de transformation a été lancé, Reinventing Damart 2025, pour moderniser l’image et le style de la marque et également réinventer notre modèle, avec plus de digital et en étant plus responsable. Damart était auparavant organisé avec 3 pays, 3 collections et 3 modèles d’organisation. En 2018, le groupe a acté qu’il fallait transformer l’entreprise. Je suis arrivé en 2019 pour donner un coup d’accélérateur à ce projet en tant que directeur général de Damart. Un board commun a été créé entre les trois pays afin de choisir des outils communs. Un travail a été mené pour unifier et rationaliser l’offre pour tous. Nous avons travaillé avec le cabinet Peclers pour définir les produits que nous souhaitions, sans pour autant abandonner nos produits historiques qui sont attendus par certains de nos clients.
La réinvention de Damart passe aussi par une mode durable. Nous comptons 30 % de produits éco-responsables pour la collection 22/23 alors que nous étions à 2 % en 2020. Le taux monte à 70 % sur la catégorie sous-vêtements, avec le thermolactyl. L’objectif consiste à atteindre 100 % d’ici 2030. Nos ingénieurs à Roubaix travaillent depuis 2019 sur la fibre recyclée. Le défi qui s’ajoute est que les clients ne sont pas prêts à payer plus cher pour un produit éco-responsable mais c’est une de leurs attentes.
Concernant votre back office, combien avez-vous investi pour transformer vos outils ?
Nous avons investi 15 millions d’euros pour moderniser notre système d’information. Toutes les plates-formes web ont été ré-internalisées avec un pilotage et un développement interne. Réformer la vente à distance pour basculer sur un site e-commerce est complexe. Nous devons simplifier les procédures de commandes, et également unifier nos stocks et nos données. C’est un travail qui ne se termine jamais, d’autant que nous avons à chaque saison plus de 3000 nouvelles références. Au-delà des outils, ce sont toutes les procédures qui ont été changées avec la mise en place de vrais partenariats internes entre les pays et services. Les équipes ont aussi revu tous les points de contact qu’un consommateur a avec Damart.
Comment s’organise votre distribution ?
Nous avons 150 magasins en Europe dont 93 en France qui réalisent 40 % de nos ventes. La vente à distance à distance, par téléphone et catalogue, pèse autant, tandis que les ventes en ligne représentent 20 % du chiffre. Les trois canaux créent du trafic même si nous continuons de basculer du papier vers le digital. Nous développons aussi notre présence en wholesale et sur les marketplaces comme La Redoute et prochainement Zalando. Ce dernier canal est très intéressant car ce n’est que de l’incrémental pour nous. Il nous permet aussi de rajeunir la marque et d’attirer de nouveaux clients vers nos canaux classiques. Et côté logistique, cela nous pousse à améliorer nos procédures. Prochainement, nous allons attaquer de nouveaux pays en pure player, en commençant par l’Allemagne. Et nous testerons des marketplaces en Belgique et en Suisse.
Prévoyez-vous d’ouvrir de nouveaux magasins ?
Nous avons encore du potentiel pour développer notre maillage d’autant que le retail enregistre de belles performances. Mais l’immobilier est compliqué. Nous nous concentrons pour le moment sur la modernisation des points de vente existant en France et Belgique avec du remodeling.
Nous avons en revanche un vrai sujet sur la modernisation de l’expérience client. Les magasins doivent devenir des vitrines de l’omnicanalité, car en rayon, il n’y a qu’un échantillon de notre offre. Dans les deux prochaines années, nous allons travailler sur ce sujet en dégageant des capex importants. Les efforts porteront aussi sur la manière dont nous accueillons nos clients. L’objectif consiste à atteindre 50 points de NPS et nous n’en sommes pas loin.