Magasins automatisés et autonomes : où en est-on en France ?
Par Clotilde Chenevoy | Le ( mis à jour le ) | Concepts
Auchan expérimente un nouveau point de vente sans caisse à son siège social de Villeneuve d’Ascq, dans les Hauts-de-France. L’occasion de dresser un bilan des différentes initiatives en France.
Janvier 2018, Amazon dévoile son concept Amazon Go qui s’appuie sur sa technologie Just Walk Out. Côté client, le parcours est très simple : je m’identifie avec mon mobile, j’attrape mes produits et je sors. Je serai ensuite débité automatiquement des articles prélevés. Techniquement, le géant de Seattle a construit un outil très pointu, qui mixe analyse d’images et autres capteurs pour traquer tous les mouvements des consommateurs.
Dans le monde du retail, notamment alimentaire, Amazon Go a créé de sacrés émois. Certes, ce type de magasin ne remplacera pas tous les commerces, mais soulignons que la simplicité du parcours client a de quoi séduire et surtout la technologie vient ainsi gommer l’un des principaux irritants : le passage en caisse.
Techniquement, la solution fonctionne. Républik Retail l’a testé à New York et l’expérience client est étonnante. En revanche, Jean-Marc Megnin, directeur général de Shoppermind, souligne qu’il y a « un vrai sujet supply chain avec ce type de magasins car on est sur des articles de dépannage et du snacking. Or, en 5 minutes à midi, les rayons se vident, provoquant dans les Amazon Go des ruptures alors que cette période représente environ 80 % du chiffre d’affaires. » Néanmoins, Amazon a multiplié les ouvertures, arrivant début 2021 à Londres. Il a aussi testé sa technologie sur des magasins plus grands en plus de chercher à vendre sa technologie Just Walk Out.
Un peu trop cher aux dires de certains experts du secteur et surtout les acteurs de la distribution ont cherché des solutions pour améliorer le passage en caisse et/ou proposer un parcours express « quick and go ». Avec plus ou moins de technologie. Voici un état des lieux.
Les magasins automatisés :
Monoprix installe sa black box dans un Monop’
Le groupe Monoprix a ouvert rue de Marseille, le 8 juillet dernier, un nouveau Monop’ qui dispose d’une zone autonome de 30m2. Elle est accessible 7 jours sur 7, en dehors des horaires d’ouverture. Les équipes ferment des rideaux transparents pour limiter l’accès à cette unique zone. Il s’agit d’une suite du test Blackbox réalisé au siège avec Shekel Brainweigh. On est sur un format de magasin conteneur. Pour déclencher l’ouverture de la porte, le client doit utiliser sa carte bancaire. Il accède alors à 300 références de dépannage. Un système de balances et la mémorisation des emplacements des articles aident le système à identifier les produits attrapés par le client.
MAJ : le projet a été arrêté, Monoprix n’ayant pas trouvé le bon modèle économique.
Storelift déploie Boxy, son réseau de supérette connectée
La start-up Storelift a conçu un magasin conteneur, Boxy, qui reprend le parcours de shopping automatisé d’Amazon Go « j’attrape et je sors ». Techniquement, la jeune pousse utilise entre autres la reconnaissance d’images et des balances pour identifier les articles prélevés par le consommateur. L’offre change régulièrement pour apporter de la nouveauté et des campagnes marketing sont diffusées via l’application. L’entrepôt d’Ivry alimente aujourd’hui 10 magasins et 7 autres doivent ouvrir dans l’été. L’objectif est de monter à 50 d’ici 2022. L’usage d’algorithmes de prévisions des ventes permet de piloter le réassortiment au plus juste et limiter les ruptures.
« Nous avons une conviction, explique David Gabai, l’un des cofondateurs, il y a une inégalité sur l’offre territoriale. Les innovations arrivent toujours sur les mêmes zones avec une bataille pour prendre des parts de marché. Nous ciblons des communes ou des zones tertiaires où un magasin classique n’est pas économiquement possible. » Boxy a deux offres, l’une plutôt axé sur le snacking et déjeuner pour les travailleurs et une offre plus développée sur l’épicerie pour les implantations plus « urbaines ». L’absence de personnel ne fait pas débat dans les implantations car les locaux ont conscience qu’une version classique n’est pas viable.
Carrefour Flash encore en test en France
Carrefour a signé un partenariat avec la start-up Aifi qui fournit un magasin conteneur où le parcours client est en mode « j’attrape et je sors », après la prise d’une empreinte bancaire à l’entrée. Le distributeur a installé cette technologie pour un test au sein de son siège à Massy. La boutique, appelée Flash, propose des produits de snacking et dépannage. Contacté, un porte-parole de Carrefour nous a annoncé que le sujet reste toujours d’actualité et devrait avancer prochainement, sans pour autant préciser le timing.
MAJ : Carrefour a fermé son « Carrefour Flash » pour une nouvelle configuration « dans les prochains mois ».
L’avis de Jean-Marc Megnin sur les magasins automatisés : “Ce type de point de vente répond à une demande bien spécifique et implique d’avoir une supply chain forte pour éviter les ruptures avec les pics de fréquentation, notamment le midi. Avec le covid, la technologie va prendre de plus en plus de place mais les consommateurs restent tout de même attachés à l’humain.”
Les magasins autonomes
Géant Casino mise sur le smartphone et la caisse libre-service
Sans aller jusqu’à un magasin complètement automatisé, les équipes de Casino ont cherché des solutions pour élargir l’accès aux pointes de vente et fluidifier le passage en caisse. Ainsi, Casino a détourné l’usage initial des caisses libre-service pour créer des magasins autonomes, sans personnel, fin 2018. 71 hypers et 288 supermarchés proposent aux clients de faire leurs courses le dimanche après-midi et après 21h en gérant tout de A à Z. Le rayon alcool est fermé et seuls des vigiles surveillent le magasin.
Les débuts ont été chaotiques, avec une levée de bouclier des syndicats, mais Cédric Osternaud, directeur général exécutif chargé du marketing, de l’e-commerce et de l’innovation, assure que « le service a cartonné tout de suite. Il attire différentes typologies de clients entre ceux qui travaillent en horaires décalés ou préfèrent faire leurs courses le dimanche après-midi. Beaucoup de consommateurs sont satisfaits et la répartition du flux client n’est pas neutre du tout. » Preuve en est, le Géant Casino de Fréjus (83) a été débordé par le flux des consommateurs, provoquant l’abandon de 168 chariots. Mais la direction avait répondu dans les colonnes du Figaro que 2300 clients avaient pu faire leurs courses ce jour-là.
Parallèlement, Casino a aussi créé via l’app Casino Max un parcours coupe-file. Le client est autonome dans ses achats, utilisant son smartphone pour créer son panier virtuel et payer. Pour sortir, il doit scanner un QR code et un contrôle aléatoire est mis en place pour gérer la démarque inconnue. Soit la même logique que pour les scannettes. « 100 % des hypers et 50 % des supermarchés proposent ce service, précise le directeur général. Nous touchons une grande variété de paniers et quand les gens l’ont essayé, ils ne reviennent pas en arrière. »
Casino #ToutPrès expérimente le modèle semi-autonome
Fin 2020, Casino a dévoilé une nouvelle enseigne de proximité appelé Casino #Toutprès. Le groupe est encore en phase de rodage du concept, recherchant les différentes aspérités. Et parmi les expérimentations, l’enseigne expérimente un mode semi-autonome. Le oint de vente est ouvert en mode normal avec un à deux employés jusqu’à 13h, puis bascule en mode autonome jusqu’en soirée. Le consommateur accède au point de vente grâce à sa carte bancaire et il scanne ses articles sur une caisse libre-service. Un scan du ticket est nécessaire pour sortir.
Monoprix décline la méthode Casino
Monoprix a aussi ouvert certains magasins classiques en version autonome, sans personnel, en s’appuyant sur des caisses libre-service. L’enseigne a ainsi dupliqué la solution née chez Casino. Elle dénombre aujourd’hui 152 magasins ouverts en autonome le dimanche après-midi et 39 magasins en soirée et 43 Monop’ ouverts en autonome le dimanche après-midi.
Aucun chiffre précis n’est communiqué, Monoprix précise juste que « le chiffre d’affaires réalisé sur les horaires autonomes représente quasiment l’équivalent du chiffre d’affaires du dimanche matin pour les magasins concernés. Chez Monop’, le panier moyen est d’environ 12 euros. ». L’enseigne de centre-ville dispose aussi d’une application coupe-file dans son application Monoprix & Moi, mais l’engouement des clients se révèle moins important qu’auprès de la clientèle Casino.
L’avis de Jean-Marc Megnin sur les magasins autonomes : “Les ouvertures le dimanche sont rentables, mais surtout le client ne supporte plus que le magasin soit fermé. Celui qui ne le fera pas sera pénalisé à terme. Cela répond à l’Amazonisation de la société, qui veut tout, tout le temps et à n’importe quelle heure.”
Auchan cherche la bonne formule du magasin autonome
Au siège social d’Auchan Retail France, à Villeneuve d’Ascq (Hauts-de-France), la première chose que l’on aperçoit sur le parking c’est l’ancien Auchan Minute, la première version du magasin autonome du distributeur, vidé aujourd’hui de tout contenu. En ce mercredi 3 mai, nous venons visiter la nouvelle mouture, « la V2 ».
Depuis le 25 avril dernier, à l’entrée du bâtiment au rez-de-chaussée, les 2 500 collaborateurs du siège social peuvent tester « Auchan Go le Lab ». « Notre nouveau magasin intelligent, souligne Émilie Soleri, directrice générale déléguée en charge du e-commerce, marketing et digital d’Auchan France. Nous avions une vraie envie de tester un nouveau concept en interne, d’abord pour nos collaborateurs, après notre premier magasin sans contact installé sur le campus de l’EDHEC à Croix. Il y avait une forme de balbutiement autour de ce concept mais pas de vision vraiment posée et stratégique pour l’entreprise, de ce que nous devrions en faire : comment allier le meilleur de la techno et de nos expertises ? »
Les distributeurs automatiques géants
Ximiti, du distributeur XXL au magasin autonome
Ximiti propose en franchise un modèle de supérette connectée qui s’apparente à un distributeur automatique géant avec 1600 références, ouvert 24h/24 et 7j/7. Le client peut préparer sa commande via l’application Ximiti ou directement à la borne. Un système de navette s’occupe de récupérer les produits. Toute la boutique est pilotée à distance, avec un contrôle de la préparation via des caméras et des alertes sur le niveau des stocks. Il la récupère ensuite à la borne. Le réseau compte actuellement 23 points de vente.
Auchan Minute, le distributeur automatique géant
Auchan a importé de Chine son concept Auchan Minute, un magasin conteneur doté d’une caisse libre-service. Soit un point de vente très low tech qui s’apparente à un distributeur automatique géant dans lequel on rentre. L’enseigne n’a pas étendu le test en France, comptant deux magasins réservés aux salariés, au siège ainsi qu’au Campus de Decathlon.
A l’étranger, les initiatives se multiplient aussi
Dans le monde, il existe de nombreuses initiatives autour des magasins automatisés et autonomes. Difficile de toutes les lister. Par exemple, Carrefour teste différentes solutions. Ainsi, à Taiwan, avec i-Carrefour, il teste un parcours similaire à Auchan Minute.
Plus récemment, au Brésil, sous l’enseigne Carrefour Express, le distributeur expérimente un magasin autonome qui repose sur une app. Le client choisit son magasin, rentre à l’aide d’un QR Code. Il scanne et paie avec son smartphone et l’entrée.
L’assortiment est court, environ 700 références, et il est adapté à la zone de chalandise. Les clients achètent 4,5 articles en moyenne avec un volume de 110 tickets par jour. Carrefour a implanté deux magasins de ce genre, l’un dans un espace de coworking, l’autre dans un quartier résidentiel.
L’allemand Rewe teste lui un magasin mobile autonome avec Vodafone, appelé Snck Mobil. Pour acheter un encas, il suffit de faire signe à la voiture qui s’arrêtera. Le véhicule roule à maximum 6 km/h et des caméras et capteurs contrôlent son environnement. Le paiement se fait sans contact.