Stratégie retail

Cyril Goulet : « Gémo, c’est un modèle unique pour habiller toute la famille »

Par Dalila Bouaziz | Le | Enseignes

En poste depuis avril, le nouveau patron de Gémo, Cyril Goulet, nous a accordé l’une de ses premières interviews. Entre engagement pour une mode durable et volonté de rendre la qualité accessible, le dirigeant dévoile les premiers axes de sa stratégie pour renforcer l’identité de son enseigne. Entretien.

Cyril Goulet a pris la direction de l’enseigne Gémo en avril dernier. - © D.R.
Cyril Goulet a pris la direction de l’enseigne Gémo en avril dernier. - © D.R.

Comment se porte Gémo depuis le début de l’année ?

L’enseigne est en légère croissance par rapport à l’année dernière (Gémo a réalisé un chiffre d’affaires de 890 millions d’euros en 2023 contre 906 millions en 2022, NDLR), avec une très bonne séquence de rentrée des classes en septembre. Nous avons bénéficié d’un effet météo favorable, qui a permis un effet de rattrapage pour le marché après un été difficile pour le secteur, en raison d’un démarrage tardif de la saison estivale.

Dans ce contexte, nous sommes globalement satisfaits des résultats, d’autant plus qu’ils ont été obtenus malgré le contexte de changement d’ERP. Ce dernier a engendré des dysfonctionnements opérationnels liés aux bascules, impactant quelque peu le commerce, notamment en matière d’approvisionnement en magasin et de logistique.

Depuis votre prise de poste en avril dernier, pouvez-vous nous parler des principales orientations stratégiques mises en place ?

Pour l’instant, je suis davantage à une phase d’état des lieux qu’à l’implantation d’orientations stratégiques concrètes. Si on reprend le socle de l’enseigne, Gémo se distingue par un modèle singulier : elle reste la seule enseigne à offrir une gamme complète de vêtements et de chaussures pour toute la famille, dans un même magasin. Nous habillons la famille « de la tête aux pieds », quel que soit l’âge. Cette particularité est un pilier sur lequel nous souhaitons nous appuyer pour renforcer notre positionnement.

Notre second axe stratégique est le rapport qualité-prix. Nous visons à rendre la mode accessible tout en maintenant une haute qualité et durabilité des produits. Il ne s’agit pas d’entrer dans une guerre des premiers prix au détriment de la qualité, mais plutôt d’offrir un équilibre entre tendances actuelles, durabilité et accessibilité des prix. Nos clients recherchent ce juste rapport qualité-prix, et cette exigence oriente notre stratégie, à travers la qualité, l’écoresponsabilité et une proximité avec les tendances mode actuelles. Enfin, un axe important — encore trop méconnu — est l’engagement de Gémo en faveur d’une mode plus durable. Cet engagement fait partie de l’ADN du groupe Eram et de la famille Biotteau, qui préfèrent souvent agir dans la discrétion pour éviter le « greenwashing ». Pourtant, nous avons avancé considérablement dans cette démarche. Nous travaillons en partenariat étroit avec nos fournisseurs, en veillant au respect des normes éthiques et environnementales, et en privilégiant des matières écoresponsables comme le coton recyclé. Cet engagement allie intérêt écologique et bénéfice client, et nous souhaitons le valoriser davantage pour mieux informer nos clients des bénéfices de cette approche.

Notre nouvelle plateforme de marque « Taillé pour la vie de famille » illustre cet ancrage familial. Nous souhaitons promouvoir cette simplicité et cette proximité dans la relation avec nos clients, une approche qui se traduit aussi par la reconnaissance du travail accompli par nos équipes pour répondre aux attentes avec sincérité et efficacité.

Où en êtes-vous dans vos différentes initiatives dans l’économie circulaire ?

Pour cet hiver, nous avons lancé une collection de produits plus résistants et pratiques, conçus en collaboration avec un panel de familles pour répondre aux besoins quotidiens de nos clients. Il s’agit de produits comme des baskets déperlantes, des pantalons renforcés aux genoux, des chaussures avec des zips ou encore des sweats à enfilage facile. Ces produits sont éco-conçus et durables, répondant à des critères stricts de durabilité et de robustesse.

Nous avons lancé en magasin une solution d’imperméabilisation des chaussures, pour prolonger leur durée de vie et les protéger, notamment contre les effets des UV, qui provoquent parfois un jaunissement des matériaux. Nous avons également commencé à installer des points de collecte de vêtements dans une partie de nos magasins ainsi qu’au siège, en partenariat avec des collecteurs-trieurs. Cette initiative vise à assurer une fin de vie responsable des produits en les réintroduisant dans le circuit de recyclage.

Et concernant vos tests dans la seconde main ?

Nous avons lancé une offre de mercerie qui répond bien aux attentes de nos clients.

Les tests que nous avons menés dans la seconde main et la location n’ont pas été concluants, et nous avons donc décidé de ne pas poursuivre dans cette voie pour le moment. En revanche, nous explorons d’autres initiatives. Par exemple, nous avons lancé une offre de mercerie qui répond bien aux attentes de nos clients en leur offrant des solutions pour réparer et prolonger la durée de vie de leurs produits. Ce service est très bien accueilli et révèle une véritable demande pour ce type d’accompagnement.

L’objectif du milliard d’euros de chiffre d’affaires d’ici 2025 est-il toujours d’actualité ?

Il n’a pas été rechallengé et pas été atteint. Cet objectif n’est pas une recherche aujourd’hui. Nous avons réalisé des investissements importants, notamment dans l’informatique avec un nouvel ERP, et dans la logistique, en agrandissant et en automatisant notre entrepôt de Melay (Maine-et-Loire) pour la partie vêtements, ainsi qu’en construisant un nouvel entrepôt dédié aux chaussures. Ces projets visent à accroître nos capacités et à améliorer l’efficacité opérationnelle pour répondre plus efficacement aux besoins de réassort des magasins et optimiser notre approche omnicanale.

Les investissements en logistique, incluant l’ERP, l’OMS et le WMS, sont au cœur de notre stratégie pour mieux répondre aux attentes du marché en matière de réactivité et de délais de traitement. Ces initiatives sont essentielles pour garantir que le bon produit soit au bon endroit, au bon moment.

Qu’en est-il de votre maillage de magasins en France et à l’international ?

Aujourd’hui, Gémo compte 420 magasins, dont 380 en France et 40 à l’international. Nous renforçons notre présence en France par des rénovations et des ouvertures ciblées, que ce soit en affiliation ou succursale. Nous avons inauguré 7 points de vente sur le marché français (ouvertures et rénovation). Nous poursuivons également notre partenariat exclusif avec Intermarché, où Gémo est présent sous forme de corners dans les magasins.

À l’international, nous sommes présents dans les DOM-TOM, au Moyen-Orient. Nous avons des ambitions de développement en franchise, notamment en Afrique, où notre modèle est bien accueilli. Cette année, nous avons ouvert des magasins en Algérie, Arabie saoudite, Côte d’Ivoire, République Démocratique du Congo, et prochainement au Sénégal.

Qu’en est-il de vos ventes en ligne ?

La part de l’e-commerce reste encore insuffisante (elle était de 6 % en 2023), et nous avons pour objectif de la développer davantage. La logistique étant un axe central, nous nous concentrons sur l’optimisation de la supply chain pour améliorer la disponibilité des produits et renforcer la réactivité des livraisons. Les services de e-réservation et de click & collect- qui représente aujourd’hui presque une vente sur deux sur le site- fonctionnent très bien et constituent des leviers importants pour nos clients. Nous testons également des innovations comme l’essayage virtuel.

Il est essentiel de rester concentrés sur les fondamentaux : des produits disponibles, car rien n’est plus frustrant pour le client que de parcourir tout le processus d’achat et de découvrir au moment de finaliser qu’il manque sa taille. C’est un point clé sur lequel nous devons progresser pour franchir de nouveaux paliers en chiffre d’affaires.

En fin d’année dernière, le programme de fidélité a été complètement repensé. Comment prend-il auprès des clients ?

Le programme fonctionne bien, même s’il reste encore quelques ajustements à apporter. Les clients apprécient particulièrement le système de récompense, les interactions et les points de rencontre que le programme propose. Nous avons aujourd’hui une base de près de 4 millions de clients fidèles, ce qui témoigne de la relation de confiance que nous avons su construire avec eux au fil des années.

Nous sommes satisfaits de cette relation de proximité qu’il nous permet de maintenir, avec pour objectif de renforcer encore davantage notre lien et l’échange avec nos clients.

Quels sont vos enjeux actuels ?

À court terme, notre priorité est de consolider les services existants. Un enjeu majeur aujourd’hui est de libérer du temps pour les équipes en magasin afin qu’elles puissent se consacrer pleinement à leurs clients. En 2025, nous prévoyons également de moderniser nos collections, dès la saison printemps-été, avec un style plus affirmé et en phase avec les tendances actuelles, tout en restant ciblés sur les attentes de nos clients.

Ma conviction profonde, nourrie par mon expérience dans le retail, est que les synergies collectives et l’humain sont essentiels. Une dynamique collective est le principal facteur de réussite, permettant une plus grande efficacité opérationnelle et un meilleur focus client. Il est donc primordial de renforcer les synergies entre les équipes en magasin, le réseau et les services centraux.