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Pourquoi et comment lancer sa marketplace : les bons conseils de Carrefour et Kiabi

Par Clotilde Chenevoy | Le | Omnicanal

Les marketplaces ne cessent de prendre de l’ampleur dans les ventes en ligne et les retailers multiplient les ouvertures. Mais plus qu’une nouvelle ligne de cash, c’est un nouveau métier. Explications avec l’éclairage de Carrefour et Kiabi.

Guillaume de Lacroix a présenté le projet marketplace de Kiabi lors des Jeudis de la Retail Tech. - © Républik Retail
Guillaume de Lacroix a présenté le projet marketplace de Kiabi lors des Jeudis de la Retail Tech. - © Républik Retail

75 % des Français disent connaître souvent ou systématiquement la différence entre les produits vendus par les retailers et les produits de marketplace, selon un sondage Opinionway pour La Retail Tech, présenté le jeudi 7 juillet dernier à sa communauté. Les consommateurs ont désormais l’habitude qu’un commerce propose à la vente en ligne des produits de d’autres marchands. Il est vrai que toutes les enseignes ont cherché à clarifier ce point de détail lors d’un achat et ce canal est entré dans les mœurs.

Selon la Fevad, l’e-commerce en 2021 a représenté 129,1 milliards d’euros (+15,1 % VS 2020 et + +24,9 % vs 2019) et les marketplaces surfent sur la même tendance. Les ventes réalisées sur les places de marché du panel des sites leaders iCE100 ont progressé de 5 % vs 2020 et de 33 % vs 2019.

En France, l’usage du mobile domine largement la consultation des marketplaces selon Statista. - © Echangeur / Statista
En France, l’usage du mobile domine largement la consultation des marketplaces selon Statista. - © Echangeur / Statista

Cette percée des marketplaces est un phénomène mondial. Guillaume Rio, qui pilote le Pôle Techno Trends de l’Echangeur by BNP Paribas Personal Finance, précise que 67 % de l’e-commerce mondial passe par ce canal de vente. Le top 100 des marketplaces mondiales a un volume d’affaires de 3,23 trillions de dollars. Et ce sont les places de marché chinoises qui trustent le top 5 : Taobao est premier, suivi de Tmall, Amazon, JD.com et Ebay. En France, les marketplaces phares, si on en croit les chiffres de Statista, Amazon, Cdiscount ou encore Fnac.

Guillaume Rio de L’Echangeur BNP Paribas Finance, présente des chiffres sur les marketplaces à l’international, lors des Jeudis de la Retail Tech. - © Républik Retail
Guillaume Rio de L’Echangeur BNP Paribas Finance, présente des chiffres sur les marketplaces à l’international, lors des Jeudis de la Retail Tech. - © Républik Retail

La marketplace comme outil de croissance sur le non-alimentaire pour Carrefour

Les marketplaces représentent ainsi un nouvel eldorado dans le retail aux arguments séduisants pour la croissance. Chez Carrefour, la marketplace représente un nouveau levier pour développer ses ventes en ligne. « L’objectif est de tripler les ventes e-commerce d’ici 2026, et nous misons notamment sur le non alimentaire », indique Vincent Cotte, directeur stratégie e-commerce du groupe Carrefour. 

La première étape a consisté à répliquer en ligne l’offre des magasins, puis dans une logique « long tail », la marketplace a été ouverte à la rentrée 2021 pour le non-alimentaire en France.

Quand on lance une marketplace, il ne faut pas faire n’importe quoi. Certes, elle permet de générer du cash flow positif, mais il convient aussi de choisir comment on se positionne et quelles offres avoir.

« Quand on lance une marketplace, il ne faut pas faire n’importe quoi, pointe le directeur. Certes, elle permet de générer du cash flow positif, mais il convient aussi de choisir comment on se positionne. Cela peut être une approche tout sous le même toit comme Amazon ou à l’inverse, comme les grands magasins, de choisir des produits et des marques spécifiques. Pour Carrefour, il y a des catégories et des gammes de prix où les clients nous attendent et d’autres pas du tout. L’électronique, la maison et la culture sont des catégories clés. »

In fine, avec l’Espagne, le Brésil et la France, trois pays où il y a les plus grosses marketplaces, le retailer fédère 8000 vendeurs pour 7 millions de produits.

Une marketplace pour Kiabi afin de s’imposer dans le quotidien des familles

Chez Kiabi, là encore la marketplace doit venir soutenir la croissance, mais surtout venir imposer un peu plus la marque auprès des familles. Une démarche déjà enclenchée au niveau mondial par d’autres gros e-commerçants.

Kiabi veut construire une marketplace omnicanale d’ici 2024, pour des produits et des services, présente dans 5 pays, avec un catalogue de 500 000 références

D’après Guillaume Rio, ce qui se trame derrière l’écosystème des marketplaces, c’est bien la volonté de s’inscrire dans le quotidien des gens avec tout un panel de services. « Avec le covid, les gens veulent avant de la praticité dans leurs achats et les marketplaces répondent à cette tendance », souligne Guillaume Rio. Amazon est une bonne illustration de ce mouvement de fond. Le géant de Seattle a des incursions dans plusieurs moments de vie, pas seulement pour acheter un produit mais dans une logique servicielle. Amazon a par exemple racheté récemment la pharmacie PillPack et il a créé Amazon Care pour prendre soin de la santé de ses employés. Mais pour Guillaume Rio, il y a fort à parier que le service s’ouvrira à l’avenir.

Dans le cas de Kiabi, qui se revendique comme la première enseigne physique de mode a lancé une marketplace, la marketplace s’inscrit dans le plan Vision 2030 et doit venir développer les ventes en ligne dans un premier temps puis de façon omnicanale. «  Nous avons lancé des exclusivités web et les clients ont été réceptifs à ces produits, explique Guillaume de Lacroix, Leader Web chez Kiabi. Nous avons constaté que ces ventes peuvent peser presque un quart du chiffre sur le digital. La marketplace va nous permettre d’enrichir le style, les niveaux de prix et d’ajouter de nouvelles catégories. En revanche, nous voulons une marketplace sélective, en cohérence avec ce que l’on est et ce que l’on sait faire. »

Les enjeux de Kiabi en termes de Marketplace. - © Républik Retail
Les enjeux de Kiabi en termes de Marketplace. - © Républik Retail

Un développement de la marketplace par séquence

Pour construire son projet, Kiabi a défini un cahier des charges très précis dans ses ambitions, à savoir construire une marketplace omnicanale d’ici 2024, pour des produits et des services, présente dans 5 pays, avec un catalogue de 500 000 références. « Nous voulons que les magasins puissent vendre des produits de la marketplace, en apportant du conseil, et que les clients puissent aussi rapporter en point de vente des articles achetés sur la place de marché », précise le leader web.

Le projet est donc très ambitieux et Kiabi y consacre d’ailleurs plus de 3 millions d’euros d’investissement. Pour aller vite, le retailer s’est appuyé sur des experts, à savoir Mirakl, Marjory et Zetrace, avec seulement 4 recrutements. « Nous restons frugales sur la séquence de démarrage », précise le directeur. Un premier MVP (Produit minimum viable) a été lancé en 9 mois avec un seul panier, un seul mode de paiement, un seul mode de livraison (à domicile). «  C’est une version 1 et nous allons ensuite séquencer l’ajout de services, précise Guillaume de Lacroix. Cela prend aussi du temps de rassembler d’autres partenaires. Actuellement, nous avons 10 vendeurs pour 1000 références. La rentrée des classes représentera un vrai temps fort pour la marketplace, où l’on proposera aux familles plus que des vêtements. »

Kiabi a prévu un développement de sa marketplace omnicanale par palier. - © Républik Retail
Kiabi a prévu un développement de sa marketplace omnicanale par palier. - © Républik Retail

Une nécessité d’expliquer les enjeux de la marketplace en interne

Au-delà de la définition de l’offre, il est aussi important de prendre en compte avec la marketplace qu’il faut autant donner du sens aux consommateurs qu’aux équipes. C’est l’un des gros challenges identifiés par Guillaume de Lacroix : « La marketplace s’inscrit dans les enjeux de transformation de l’entreprise et tous les métiers sont impliqués. Il y a un avant et un après marketplace, il est impératif d’embarquer tout le monde. »

Vincent Cotte partage cette analyse : « sur toutes les équipes, il faut donner du sens et rappeler pourquoi ce projet existe. En effet, il faut éviter que le service client prenne en charge les demandes même si c’est un achat marketplace. Ou encore il faut préciser aux équipes Achats que cela ne cannibalise pas leurs catégories ; impliquer le juridique pour définir des contrats de vente ; rappeler aux services financiers que les ventes marketplaces ne suivent pas un modèle classique, etc. »

Avec la marketplace, Carrefour doit répondre aux attentes de deux typologies de clients, les consommateurs et les vendeurs. - © Républik Retail
Avec la marketplace, Carrefour doit répondre aux attentes de deux typologies de clients, les consommateurs et les vendeurs. - © Républik Retail

Par ailleurs, le directeur souligne un autre axe de changement à ne pas négliger : avec la marketplace, Carrefour a désormais deux clients, le consommateur et le vendeur. « C’est une vraie transformation culturelle à avoir, précise-t-il. On a moins l’habitude de prendre soin des vendeurs. Or, ils paient une commission, nous devons donc les former ou encore leur apporter du conseil ou des services. » Des changements culturels s’imposent donc, mais le retail y est habitué !