NFT & retail : le guide pratique pour tout comprendre
Par Clotilde Chenevoy | Le | Marketing
Qu’est-ce qu’un NFT ? A quoi cela sert ? Comment en créer un ? Explications et décryptage de ce nouvel outil qui pourrait bien transformer le retail.
NFT. Ces trois lettres affolent en ce moment le retail. Le secteur du luxe se montre particulièrement pro-actif tandis que le secteur du mass-market cherche à comprendre le concept et surtout à identifier si c’est un sujet de mode ou une vraie transformation du marché.
Avant de détailler les usages, il convient déjà de s’approprier le vocabulaire et les concepts. Ainsi, NFT est l’abréviation de Non Fungible Token. Il s’agit d’un actif numérique unique et infalsifiable car reposant sur la blockchain. Cette dernière technologie permet en effet d’assurer une traçabilité des informations en créant une chaîne de blocs décentralisée durant toute la vie de cet actif. Toutes les données vont s’ajouter sans jamais s’effacer. La blockchain permet aussi de mettre en place des « smart contract », c’est-à-dire d’automatiser des opérations et des règles.
On est donc au-delà du simple rôle d’un certificat numérique. Un NFT s’apparente à un petit programme informatique avec lequel on peut interagir. Il se stocke dans un wallet de smartphone ou sur une clé Ledger par exemple.
Quel est l’utilité du NFT pour le retail ?
Pour le retail, selon Ismaël Ould, fondateur de Wynd et partenaire de Priam, start-up créant des NFT liés au programme de fidélité, « il y a deux cas d’usages très clair pour le retail : le double numérique d’un produit physique et un produit 100 % digital. »
Le NFT comme double numérique
Pour le premier cas, les retailers vont pouvoir certifier par exemple l’authenticité de leurs produits et faciliter ainsi les ventes en seconde main, voire même mener auprès des clients des opérations de rachat de l’article. En effet, l’un des atouts des NFT par rapport à un certificat classique est que la marque peut toujours interagir avec le client via cet outil. De plus, un NFT étant attaché à un produit et non à un client, une marque peut potentiellement, via la seconde main, toucher un consommateur qu’il ne connaît pas mais qui possède un de ces articles.
Avec le metavers, on passe d’un internet plat à internet plus immersif et plus interactif.
Au-delà du suivi du produit, Ismaël Ould pointe également l’intérêt des NFT pour apporter des services à sa communauté et enrichir son programme de fidélité. Ainsi, les porteurs de tel NFT peuvent accéder à la livraison gratuite en magasin, assister à tel événement ou bénéficier d’une garantie à vie pour leur produit. Pas d’excès possible en plus car une seule personne peut détenir un NFT. Citons ainsi le cas de Decathlon qui a associé à la vente de ses sneakers Kipsta Barrio Séan Garnier un NFT qui permet d’accéder au vestiaire virtuel Decathlon et d’accéder à de nouvelles expériences.
La création d’un double numérique permet aussi d’apporter des services dans le metavers. C’est l’autre buzzword du moment, il s’agit de nouveaux mondes virtuels que sont Roblox, The Sandox, Decentraland ou encore Axie Infinity. Ils représentent le web3 et un nouveau réseau social où ce sont des avatars qui échangent entre eux. « On passe d’un internet plat à internet plus immersif et plus interactif », indique Nicolas Diacono, Digital Trends Analyst chez l’Echangeur by BNP Paribas Personal Finance.
Dans cet univers, on peut imaginer que les NFT procurent des accès privilégiés aux détenteurs de certains NFT. On entre alors dans l’ère du « retailtainment » avec une infinité de possibilités d’animations pour la communauté. De plus, « le NFT fait le lien entre le monde physique et le monde digital, juge l’expert de l’Echangeur by BNP Paribas Personal Finance. Demain, les retailers vont pouvoir construire une expérience client sur deux niveaux, le client utilisant le produit dans la maison et dans un monde virtuel. » C’est dans cet esprit de toucher le consommateur là où il est que Carrefour a acheté à un terrain sur The Sandbox.
Le NFT comme produit 100 % digital
Dès lors que l’on aborde le metavers, il y a aussi le deuxième cas d’usage du NFT : la vente de produits 100 % virtuels. Nicolas Diacono parle de commerce « direct to avatar » (Lire son analyse). Il s’agit d’acheter pour son personnage virtuel des affaires. Balenciaga a par exemple créé des tenues pour que les joueurs de Fortnite puissent s’habiller chic pendant leur combat. Le puriste et gamer qu’est notre expert souligne toutefois que gaming et metavers ne sont pas la même chose mais les deux univers utilisent des NFT pour matérialiser la vente.
Ces ventes dématérialisées sont assez lucratives selon les chiffres et études sur ce sujet. « En 2021, le marché des NFT était de 9 milliards de dollars et il va atteindre 50 milliards cette année, s’enthousiasme Ismaël Ould. Open Sea, une marketplace de NFT, a été valorisée à 13,3 milliards de dollars. » Autre chiffre en faveur du développement des NFT, selon une étude de GDR Creative Intelligence présentée lors du Retail’s Big Show, 1 personne sur 4 de cette génération serait prête à dépenser plus de 200 dollars dans un NFT.
Comment créer un NFT et combien ça coûte ?
Pour commencer avec les NFT et s’embarquer dans les mondes virtuels, les retailers vont devoir acquérir quelques compétences internes ou mettre en place des partenariats avec des spécialistes du secteur.
Pour créer un NFT, il y a deux éléments à prendre en compte qui vont aussi jouer sur le prix final. « Il y a la création même de l’asset, qui peut se faire en quelques minutes et coûtera quelques centimes ou prendre 10 jours homme pour une belle image en 3D, indique Ismaël Ould. Tout dépendra du marketing que l’on souhaite investir. En revanche, la marge brute reste importante car une fois que le NFT est créé, on le duplique autant de fois que l’on souhaite. »
Après cette étape de création, il faut « minté » le NFT sur une blockchain et là il y a des « gas fees », soit un prix à payer pour déposer une création. « Le coût peut aller de 50 à 350 euros selon le choix de la blockchain, chiffre le fondateur de Wynd. Au-delà du prix, la décision doit être prise en fonction de la communauté que l’on vise. Solana est utilisée par les gamers tandis qu’Ethereum est la plus trendy et fonctionne avec OpenSea. » C’est l’un des freins à l’expansion dans le metavers, les systèmes ne sont pas interopérables. Pour mettre en vente un produit virtuel sur The Sandbox, Decentraland ou Roblox, il faudra minter 3 fois sa création et 3 NFT distincts.
Pour le paiement, les cryptomonnaies s’imposent. Là aussi on touche à un autre monde que peu de retailers connaissent. D’ailleurs, Elodie Perthuisot, directrice exécutive e-commerce, data et transformation digitale de Carrefour, a dû inventer la procédure d’achat sur The Sandbox car c’est une première pour le groupe ! Carrefour devait payer son terrain en Ethereum, il a collaboré avec Coinhouse, une cryptobanque. « Nous avons envoyé un smart contract pour récupérer le terrain à The Sandbox puis nous avons récupéré sous forme de NFT le titre de propriété dont nous sommes dépositaires, explique Nicolas Louvet, p-dg fondateur de Coinhouse. C’est très difficile à voler car ce NFT n’est pas connecté à internet et il faut que plusieurs personnes signent pour transférer cet asset numérique. » Si cette opération peut sembler très complexe, tout a été fait dans le metavers pour rendre les achats aussi fluides que possible avec un système de wallet en ligne comme Metamasque sur Opensea.
Et la RSE dans tout ça ?
Bien que le NFT et le metavers touchent à l’immatériel, la question se pose de l’empreinte carbone. D’autant que les études sur la blockchain démontrent que cette technologie est particulièrement énergivore. Ismael Ould pointe que Thesos ou encore Cardano se sont emparés du sujet et minimisent leur consommation énergétique et font de la compensation carbone. Mais côté consommateur, même chez la GenZ, on n’est pas à une contradiction près…