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Un marché de la seconde main estimé à 14 milliards d’euros en 2023

Par Dalila Bouaziz | Le | Seconde main

Le chiffre d’affaires de la seconde main (hors auto) a doublé en quatre ans pour s’établir à 14 milliards d’euros en 2023 -dont six milliards pour le prêt-à-porter, selon les experts de Xerfi. Le potentiel reste considérable puisqu’un tiers des Français n’a pas encore sauté le pas de l’occasion.

Le chiffre d’affaires de la seconde main s'établit à 6 milliards pour le prêt-à-porter. - © D.R.
Le chiffre d’affaires de la seconde main s'établit à 6 milliards pour le prêt-à-porter. - © D.R.

L’engouement des Français pour les produits d’occasion et reconditionnés n’a jamais été aussi prégnant. Le phénomène gagne peu à peu toute la distribution d’équipements de la maison et de la personne. Le chiffre d’affaires de la seconde main (hors auto) s'établit à 14 milliards d’euros en 2023 (dont six milliards pour le prêt-à-porter), selon les experts de Xerfi.

Une bataille en devenir

Les enseignes traditionnelles d’articles neufs sont sans doute les mieux placées (expertise dans la mise en scène des produits, structuration de l’offre, nouveaux services et garanties, conseil) dans un marché dominé par les plateformes C to C telles Back Market, Vestiaire Collective, Vinted ou Leboncoin. Les spécialistes déploient de nouveaux concepts de magasins, à l’instar d’Easy Cash et de Cash Converters. L’enrichissement de l’expérience d’achat, la maîtrise de l’approvisionnement et l’industrialisation de la collecte et du reconditionnement des biens sont aussi des impératifs pour les acteurs de ce marché. 

Pour les distributeurs, la commercialisation de ce type d’offre est un levier pour dynamiser les ventes et améliorer l’image prix. Largement démocratisée ces dernières années, la bataille de la seconde main n’est pourtant pas gagnée. Si un tiers des Français ne s’est pas encore converti par crainte d’acheter des produits de moins bonne qualité ou en raison des difficultés à se procurer les biens en question. Pour les experts de Xerfi, la montée en puissance des enseignes traditionnelles sur le marché de la seconde main devrait contribuer à lever ces freins en ne commercialisant que des produits reconditionnés sous garantie. 

Ne pas négliger la tarification

Pour les enseignes de produits neufs, l’opportunité de se positionner sur ce marché dépend toutefois de la valeur ajoutée apportée afin de justifier le surcoût avec les produits directement vendus entre particuliers. L’échec de Rediv, placé en redressement judiciaire en janvier dernier, après s’être imposé comme le premier fournisseur de vêtements de seconde main pour Kiabi, Promod ou Auchan, illustre la difficulté à jouer cette carte alors que son offre était en concurrence frontale avec celle de Vinted. Pour optimiser les modèles économiques de la seconde main, il convient de maîtriser son sourcing et d’automatiser le reconditionnement sans négliger une tarification dynamique.

Plus le bien est technique, plus un particulier aura du mal à en évaluer facilement l’état général et plus il aura intérêt à se tourner vers un tiers de confiance. C’est d’autant plus vrai si le produit est coûteux et présente un risque financier élevé. La valeur du bien est également un paramètre important pour les enseignes traditionnelles qui peuvent alors pérenniser un business model fiable. Les frais de collecte, de remise en état et de redistribution sont en effet plus faciles à amortir sur des produits de seconde main à forte valeur faciale. Dans certains cas (luxe ou édition limitée), les produits peuvent même être revendus plus cher qu’au prix du neuf

Leboncoin et Vinted, les deux mastodontes du marché

Leboncoin occupe la deuxième place des sites de vente ligne de l’Hexagone en termes d’audience, juste derrière le géant américain Amazon. Quant à Vinted, il revendique 23 millions d’utilisateurs sur le territoire national. Ensemble, ces deux sites de petites annonces entre particuliers dominent la plupart des principaux segments de la seconde main, à l’image de la mode (six milliards de chiffre d’affaires en 2023) et de l’ameublement (près de 1,5 milliard) mais aussi des marchés plus secondaires comme les jeux et jouets ou encore les articles de sport. Les marchés de la seconde main restent des marchés d’achat-revente entre particuliers. 

Le reconditionné, nouveau levier

Le reconditionné tend toutefois à prendre de l’ampleur et permet aux distributeurs traditionnels de se démarquer en jouant le rôle de tiers de confiance dans le cas des marketplaces comme Back Market ou en capitalisant sur leur service après-vente quand ils reconditionnent eux-mêmes certains équipements. 

Pour les enseignes spécialisées d’achat-revente ou les friperies, la hausse du trafic en magasins et le développement de la notoriété passent par l’extension de leur réseau et l’implantation de boutiques dans des emplacements à forte visibilité, à l’instar d’Easy Cash qui ouvrent des shop-in-shop dans des hypermarchés Auchan et Cora. 

La seconde main dans le luxe, des enjeux contradictoires

Quant au luxe, il est certes l’un des segments les plus dynamiques de l’occasion avec un chiffre d’affaires proche de 2,5 milliards d’euros, d’après les calculs des experts de Xerfi. Les perspectives s’annoncent prometteuses. Le risque de cannibalisation de l’offre de produits neufs est en effet limité. L’acheteur est pratiquement assuré de pouvoir revendre son article de luxe avec une faible décote. La seconde main est aussi un bon moyen de séduire les jeunes générations. 

Mais pour les maisons de luxe, le risque est d’entacher leur image de marque et de réduire la désirabilité de leur offre avec des produits à des tarifs « plus accessibles ». Pour s’emparer des opportunités de la seconde main, les maisons peuvent s’inviter au capital d’un spécialiste (Kering avec Vestiaire Collective), mettre en place un dispositif d’authentification pour lutter contre la contrefaçon (Rolex Certified Pre-Owned) et miser sur une communication haut pour ces produits de luxe de seconde main (Gucci Vintage).