Comment les 75 Maisons LVMH mutent sous l’impulsion de la RSE
Par Clotilde Chenevoy | Le | Communication
Lors de LIFE in Stores, LVMH a récompensé les Maisons ayant la meilleure performance énergétique. L’occasion de revenir avec Hélène Valade, directrice développement environnement de LVMH, sur les méthodes du Groupe pour faire évoluer les habitudes, dont certaines datent des Trente Glorieuses.
Le 25 octobre dernier, LVMH a organisé Life in Stores, un événement qui s’inscrit dans la stratégie environnementale du Groupe et qui vient récompenser les efforts réalisés par ses 75 Maisons en matière de sobriété énergétique. Isolation des bâtiments, sobriété des éclairages, gestion de l’eau et de l’énergie, gestion des consommations, plan efficacité énergétique…
Sur scène, Antoine Arnault, qui pilote les sujets Image et Environnement, et Hélène Valade, Directrice développement Environnement, ont rappelé l’importance des sujets environnementaux pour le Groupe. « Nous avons été le premier Groupe de luxe à mettre en place un plan de sobriété énergétique, avec des gains de 10 à 15 % en abaissant ou augmentant la température ou la climatisation et en éteignant les éclairages à 22h », a rappelé le dirigeant. De son côté, la directrice a souligné qu’il y avait « beaucoup d’énergie sur le terrain et que les boutiques sont des trésors dans la pratique et participent à l’excellence environnementale du Groupe. »
Chaque Maison distinguée a partagé sa joie de recevoir une distinction qui a demandé un véritable travail de fond. « Nous avons fait d’énormes efforts ; nous ne sommes pas techniciens mais on y arrive », a ainsi déclaré en tribune la représentante de la boutique Berluti de Milan qui a remporté le prix Interior Design, qui récompense la gestion des consommations. Convaincre et embarquer les collaborateurs est absolument clé pour faire changer les pratiques.
Entretien / Hélène Valade (LVMH) : « Quand le sujet s’inscrit dans le plan de gouvernance d’une entreprise, tout le monde est solidaire et cela facilite l’alignement des Maisons »
Comment faites-vous pour infuser les sujets environnementaux au sein d’un groupe aussi gros que LVMH ?
Nous regroupons les Maisons par branche, car les enjeux sont similaires dans la mode et la maroquinerie, ou encore les montres et la joaillerie. Nous avons construit LIFE 360, notre nouvelle stratégie environnementale, pendant un an en échangeant avec les Maisons et en identifiant leurs attentes et aussi leurs freins. C’est pourquoi elles s’y sont ainsi retrouvées et elles ont pu s’approprier les enjeux et le cadre. C’est absolument clé. Nous construisons ensuite des stratégies qui déclinent le plan environnemental LIFE 360 à l’échelle d’une Maison ou d’une branche.
Par ailleurs, le plan LIFE 360 a été dévoilé en 2021 lors de l’Assemblée générale du Groupe. C’était la première fois et c’est très engageant. Quand le sujet s’inscrit dans le plan de gouvernance d’une entreprise, tout le monde est solidaire et cela facilite l’alignement de ses Maisons. Nous reviendrons ensuite chaque année en AG pour présenter les résultats.
Pendant l’évènement Life 360 in Stores, il a été question d’ambassadeurs. Quel est leur rôle exactement ?
Nous faisons de la formation des collaborateurs. Ce n’est pas que de la sensibilisation, car tout le monde l’est déjà plus ou moins en interne comme en externe. Nous voulons les faire monter en compétences et aussi changer certaines habitudes. Nous avons donc des ambassadeurs dans les magasins qui travaillent étroitement avec les architectes pour suivre l’empreinte carbone des magasins et celles de tous les acteurs qui interviennent dans un magasin. Ils sont en avance de phase des process. Cette organisation permet d’avoir des relais efficaces sur le terrain et d’être plus agiles. Nous avons une trentaine d’ambassadeurs dans nos Maisons qui ont eux-mêmes des équipes sur le terrain, ce qui représente environ 200 à 300 personnes qui suivent de près les enjeux environnementaux de nos points de vente.
Pouvez-vous revenir sur les grands enjeux de Life 360 ?
L’objectif a été d’identifier quatre plans d’actions pour que cela soit simple et compréhensible par tous : la circularité créative, la transparence et la traçabilité, la biodiversité, et le climat.
Dans le détail, la circularité créative, c’est aller vers l’éco-conception. Nous voulons que 100 % de nos produits soient éco-conçus d’ici 2030. Cela va se concrétiser par exemple par la mise en place d’un service de réparation dans l’ensemble de nos Maisons. Avec 75 Maisons, nous avons un terrain de jeu extraordinaire. Citons ainsi le projet Nona Source, qui valorise les tissus endormis pour servir à d’autres Maisons ou des jeunes designers. Nous regardons aussi comment utiliser nos déchets. Par exemple, les déchets de raisin peuvent servir à tanner le cuir. La question est comment un sous-produit peut devenir un composant d’un autre produit.
Au sujet de la transparence et la traçabilité, nous avons un enjeu fort : que toutes nos filières stratégiques soient 100 % traçables, avec des certifications à l’appui d’un standard qui prend en compte aussi les critères biodiversité. Aura, solution de blockchain, que nous avions initialement positionnée sur l’aval est en train d’évoluer sur l’amont pour remonter toute la chaîne de production.
La biodiversité est aussi un pilier à part entière. Nous devons mesurer l’empreinte que nous avons en allant au-delà de la tonne de CO². Nous devons savoir quels impacts nous avons sur l’eau ou encore les espèces animales et végétales. Nous travaillons avec la Caisse des dépôts sur ces indicateurs et cela a des conséquences sur notre sourcing. Parallèlement, nous voulons réhabiliter 100 millions d’hectares en faune et flore. Nous savons avec Moët Hennessy qu’un sol riche stocke mieux le carbone s’il n’est pas appauvri. Nous avons une vraie longueur d’avance sur l’agriculture régénératrice.
Nous voulons que 100 % de nos produits soient éco-conçus d’ici 2030. Cela va se concrétiser par exemple par la mise en place d’un service de réparation dans l’ensemble de nos Maisons.
Enfin, le Climat est la résultante de toutes ces actions. Nous avons pour objectif de diminuer de 50 % nos émissions de CO2 des scopes 1 et 2 d’ici 2026. Cela passera par un plan de sobriété énergétique et l’usage d’énergies renouvelables. Et sur le scope 3, nous visons -55 % d’ici 2030. Ce n’est pas forcément évident car nous n’avons pas toujours la main. Nous travaillons avec nos fournisseurs sur le sujet et pour faire évoluer les process eux-mêmes. LVMH émet 6 millions de tonnes de CO2 et nous avons chiffré que 90 % provient du scope 3.
Quels indicateurs de performances allez-vous suivre ?
Chaque plan d’action a des indicateurs qui renvoient aux 4 objectifs du plan LIFE 360. Nous réalisons un reporting tous les ans avec un contrôle par nos commissaires aux comptes et en cascade dans toutes les maisons. Nous examinons l’avancée sur chaque sujet avec les Maisons et, si besoin est, comprendre pourquoi cela ne n’avance pas au rythme attendu. Par exemple, notre objectif est d’avoir 0 plastique d’origine fossile d’ici 2026 dans nos emballages. Or, il est difficile de trouver du plastique non fossile sur le marché. Nos équipes cherchent des solutions. La créativité est énorme sur le sujet ! Ainsi, chez Ruinart, une coque a été créée pour remplacer l’emballage et permet de réduire de 85 % les émissions de CO². On n’est pas à l’abri de bonnes surprises !
Est-ce que RSE et inflation sont compatibles ?
Bien sûr. Il y aura peut-être des turbulences sur certains sujets, mais le besoin est tel et surtout le cap est si bien pris que les changements vont se maintenir. Par ailleurs, l’inflation vient renforcer la pertinence de notre plan énergétique ou encore la relocalisation de certains sourcing. Cela peut même aider à accélérer le changement. En période contrainte, il est nécessaire d’être plus agile et créatif. Par exemple, nous cherchons des solutions pour éclairer nos produits en cherchant d’autres sources de lumière que l’électricité. Ou encore en repeignant le toit en blanc ; cela peut être une réponse à la climatisation à outrance. La question ensuite est le passage à l’échelle de ces innovations, il faut orienter les investissements.
Le gouvernement a demandé de la sobriété énergétique. Comment avez-vous géré cette demande ?
Le 15 septembre dernier, nous avons annoncé différentes mesures de sobriété énergétique réagissant en premier à l’appel du gouvernement. Comme pendant le Covid, nous avons su répondre en nous adaptant par exemple en basculant nos usines sur la fabrication de gel hydroalcoolique.
Depuis juillet dernier, nous travaillons sur la faisabilité des actions avec toutes nos Maisons et toutes les difficultés techniques qui existent. L’exercice a été fait des ateliers aux magasins. Cela suppose d’avoir l’implication des équipes mais aussi de bien détourer les devoirs du bailleur. C’est d’ailleurs important de bien choisir son bailleur selon un critère environnemental. Nous venons de signer en Chine avec Hang Lung Properties, avec qui nous allons travailler ensemble sur des actions de sobriété énergétique. Plus globalement, nous prospectons les bailleurs qui ont les mêmes ambitions environnementales que nous.
La croissance verte est-elle une réalité ou une utopie ?
Je crois au business responsable et au fait que l’on peut avoir des modes de production qui prennent en compte les critères environnementaux. Il est important d’embarquer les collaborateurs et de casser les habitudes car majoritairement elles ont été construites pendant les Trente Glorieuses. Nous avons été présents lors de la COP 27 sur le climat et nous serons à la COP15 sur la biodiversité. Il est important de témoigner sur nos actions. Il y a un effet inspiration pour donner envie à d’autres de s’y mettre.
Les magasins récompensés lors de Life 360 in Stores :
• Le prix « Envelope design » (isolation du bâtiment) : Hublot, Genève, Suisse
• Le prix « Lighting » (sobriété des éclairages) : Le Bon Marché, zone Enfants, à Paris
• Le prix « Indoor air quality » (qualité de l’air en intérieur) : FENDI, Milan, galleria Vittorio Emanuele II, Italie
• Le prix « Energy and Water » (gestion de l’eau et de l’énergie) : DFS, Galaxy Galleria, à Macau, China
• Le prix « Interior Design » (gestion des consommations) : Berluti, à Milan, via Monte Napoleone, 27, Italie
• Le prix « Maintenance » : Loewe, Casa Loewe, Barcelone, Espagne
• Le prix spécial « Energy Efficiency Plan » : Sephora, France
Ce dernier prix a été créé en 2022 dans le but de récompenser le meilleur plan de sobriété énergétique de Maison pour l’année à venir.
La Maison Christian Dior a également reçu à cette occasion une mention spéciale pour son Flagship de l’Avenue Montaigne, afin de récompenser sa performance dans toutes les catégories.