Comment Lidl a failli passer à côté du buzz avec ses vêtements griffés
Par Clotilde Chenevoy | Le | Relation client
Michel Biero, directeur exécutif des achats chez Lidl France, revient sur le buzz généré autour de la gamme de vêtements Lidl. Un engouement que le dirigeant avoue ne pas avoir vu venir mais qui prouve bien que le distributeur a définitivement perdu son image de discounteur has been.
C’est non. Quand Michel Biero, directeur exécutif des achats chez Lidl France, a vu la gamme de vêtements aux couleurs de l’enseigne, il n’a pas cru que des clients pourraient se lever un dimanche matin de décembre pour se les arracher et vider le stock en 10 minutes…
Ces produits étaient présentés lors d’un showroom sur lequel les équipes achats des 32 pays se rendent 4 fois par an pour choisir les articles non-alimentaire qui seront mis en avant les lundis et jeudis. « Nous choisissons entre 10 000 produits pour une mise en vente prévue entre 9 à 12 mois plus tard, détaille Michel Biero. Quand nous avons vu cette collection de vêtements Lidl en juillet 2019, nous n’avons rien commandé contrairement à nos collègues belges. Et quand ils ont mis en vente les baskets sur leur site e-commerce en juin 2020, nous avions déjà oublié ces produits. » La surprise a donc été grande au siège quand le nombre d’appels explose pour savoir où s’en procurer, particulièrement quand le consommateur s’appelle Djibril Cissé…
« On a loupé un truc », s’est alors dit Michel Biero qui contacte les équipes belges pour tenter de récupérer en urgence quelques exemplaires de chaussures, chaussettes et claquettes. La France se met ensuite en quête de plus d’exemplaires et reprend contact avec le fournisseur hongkongais pour tenter de recevoir le plus vite possible des articles griffés Lidl. « Il y avait six mois de délai, mais est-ce que la demande serait encore là ? Est-ce que le buzz a été fait car le produit n’était pas disponible ? C’était la question », se souvient le directeur exécutif des achats.
La France passe commande pour 120 000 baskets, claquettes et chaussettes qui devaient être mis initialement en vente le 16 novembre. Lidl France commence alors son teasing… Mais la crise sanitaire impose un nouveau confinement. L’opération s’arrête pour être décalée au dimanche 27 décembre. « A 8h40, les 1500 points de vente avaient écoulé tout le stock », s’enthousiasme Michel Biero.
Un changement d’image entamé depuis 2012
Qui aurait imaginé cette situation il y a 10 ans ? Personne. Lidl a entamé une mue depuis 2012 qui a permis au distributeur de changer d’image. « On a réussi à passer d’une enseigne à l’image peu valorisante et low cost à une enseigne achat malin », décortique le responsable de Lidl.
Le chemin fut long pour en arriver là. Parmi les marqueurs de ce repositionnement, il y a eu le transfert du siège de Strasbourg à Paris en 2012. « Ce déménagement a été accompagné d’un changement de stratégie de communication vis-à-vis des medias ou des politiques avec le recrutement d’un directeur de communication, se souvient Michel Biero. Nous avions jusqu’ici interdiction de leur parler. »
Deuxième marqueur structurant, en janvier 2013 une centrale d’achats française est créée. L’objectif consiste à monter en gamme dans les référencements et à acheter plus local, tout valorisant aussi les produits du terroir français, dont le vin, dans les autres pays.
Et dans le non-alimentaire, Lidl teste également l’e-commerce avec la vente de vins ou encore Lidl Voyages. Une activité mise en berne avec la crise sanitaire mais qui participe aux changements d’image du distributeur. Et selon Michel Biero, « nous avons d’autres projets dans l’e-commerce à venir. Mais nous ne ferons pas n’importe quoi et nous ne voulons pas cannibaliser ce qui a été mis en place. »
Un investissement massif dans la communication
Au-delà de l’offre, Lidl a aussi fortement investi dans sa communication. C’est le troisième point qui a participé à son changement d’images. « On est mal patron, on est mal ». Cette petite phrase vous parle forcément, elle est dans quasiment toutes les publicités de Lidl en radio et télévision. « Le 3 mai 2014, nous avons diffusé notre première pub en France et nous n’avons pas arrêté de communiquer depuis à raison de deux spots par semaine », détaille Michel Biero. En 2019, le distributeur a investi 412,7 millions d’euros (en brut) selon Kantar. Il a perdu sa place de leader qu’il occupait depuis trois ans, au profit d’E.Leclerc qui a déboursé 454,2 millions d’euros (en brut).
Autre marqueur de sa communication, depuis 2015, Lidl s’offre un énorme stand au salon de l’agriculture. L’opération participe à ancrer auprès du grand public que le distributeur valorise le terroir français. « 70 % de notre charcuterie vient de France, le taux était de 6 % en 2013 ou encore, illustre le directeur. Et 100 % de notre lait vient de l’Hexagone. Et nous gardons notre ADN à savoir un assortiment restreint de 1800 références. Nous n’avons pas les mêmes marges qu’un Carrefour ni les mêmes coûts d’exploitation. » Ce positionnement lui permet de grappiller chaque mois des parts de marché et d’atteindre désormais selon Kantar 6,4 % de parts de marché.
L’enseigne attaque sur 2021 une nouvelle expansion de son parc après avoir rénové tous ses magasins au nouveau concept LOF (Lidl of the future). Le changement d’aménagement qui positionne les fruits et légumes en entrée de magasins a permis de doper les ventes de cette catégorie de 25 à 30 %. Et de définitivement clore l’image d’un magasin vendant uniquement des boîtes de conserve.