Stratégie retail

Blissim, comment la box beauté fait bouger les lignes du retail

Par Dalila Bouaziz | Le | E-commerce

Cet article est référencé dans notre dossier : Dossier spécial Retail Days 2024 : 10 tendances décryptées par nos grands témoins

Quentin Reygrobellet, fondateur et directeur général de Blissim, expliquera aux Retail Days comment son entreprise a su allier hyperpersonnalisation et innovation pour offrir une expérience client unique, propulsant Blissim au sommet du marché de la box beauté.

Quentin Reygrobellet, fondateur et directeur général de Blissim. - © DB
Quentin Reygrobellet, fondateur et directeur général de Blissim. - © DB

En 2020, vous avez racheté l’entité française. Comment va Blissim ?

Blissim se porte globalement très bien. Nous réalisons un chiffre d’affaires de 50 millions d’euros, avec une rentabilité à deux chiffres, tout en étant complètement indépendants dans notre croissance et nos perspectives d’avenir. Ces dernières années, nous avons connu une croissance assez régulière et maîtrisée. Nous comptons actuellement 200 000 abonnées, un chiffre relativement stable. Nous avons développé de nombreux services pour les marques, ce qui nous permet d’envisager l’avenir avec beaucoup de sérénité.

Quels sont ces services ?

Depuis un an, nous effectuons des tests d’avis client dont les résultats sont excellents, un point fondamental dans l’e-commerce pour améliorer la conversion des pages produits. Lorsque nous envoyons 200 000 produits à tester à nos abonnées, celles-ci paient pour essayer ces produits, puisqu’elles sont abonnées à notre box. Ensuite, nous leur demandons leur avis. Naturellement, elles écrivent un commentaire positif ou négatif en partageant leur ressenti après un véritable test produit. Nous collectons ainsi des milliers d’avis.

Jusqu’à présent, ces avis restaient sur notre site et n’intéressaient que nos abonnées. Désormais, nous nous sommes associés à une société (Bazaarvoice) pour les syndiquer et les envoyer non seulement à nos marques partenaires pour leurs sites marchands, mais aussi à leurs distributeurs en ligne (Marionnaud, Sephora, Nocibé…), ainsi qu’à notre propre plateforme. La marque choisit où elle souhaite diffuser ces avis. Un enjeu crucial en termes de conversion, de trafic et d’algorithmes.

En juin 2024, nous avons ainsi mené une campagne avec Clarins pour leur nouveau mascara. Un lancement très stratégique, car le mascara est l’un des produits les plus vendus en maquillage. En un mois, il est devenu le produit le mieux classé sur Sephora.fr, avec plus de 3 000 avis, alors que le deuxième produit le plus ranké dans la catégorie n’a recueilli que 1 800 avis.

Comment obtenez-vous ces avis clients ?

C’est grâce à la puissance de notre communauté beauté, qui se distingue par sa qualité et sa taille. Nos clientes aiment partager leurs avis sur les produits, et nous accordons une attention particulière à leurs retours. Cela nous permet d’affiner nos choix et de mieux cibler les produits pour nos prochaines box. Par exemple, si une cliente nous indique dans son commentaire qu’elle a déjà reçu un mascara trois fois et qu’elle ne souhaite plus en recevoir, nous en tiendrons compte. Les avis de nos clientes sont recueillis à la fois via des questions très précises, auxquelles elles répondent par oui ou non, et par le biais de commentaires libres.

Nos clientes ne reçoivent pas de points et ne sont pas rémunérées pour leurs avis. C’est complètement « libre », ce qui rend la valeur de leurs commentaires d’autant plus important.

Comment travaillez-vous votre base de données pour atteindre une véritable hyperpersonnalisation ?

Nous comptons 200 000 abonnées qui reçoivent nos box chaque mois et un peu plus d’un million de personnes actives dans notre base de données, ayant déjà acheté des produits ces derniers mois, que ce soit des box, sur notre e-commerce, des éditions limitées ou des produits signature. Nous exploitons notre base en la retargetant et en personnalisant nos messages, principalement via le CRM, mais aussi sur WhatsApp et par SMS. Par exemple, six mois après qu’une personne a acheté un produit, nous l’incitons à le recommander. Une cliente qui préfère les produits clean ou de skincare, et qui est moins intéressée par le maquillage, recevra principalement des communications sur ces catégories, etc. Nous segmentons ainsi les profils clients. Notre stratégie CRM nous permet d’éviter l’« email fatigue » - qui se produit lorsqu’on reçoit des emails trop fréquents et non pertinents - et d’être beaucoup plus précis dans la réponse aux besoins de nos clientes.

Lorsqu’une cliente s’abonne, elle répond à un questionnaire d’une dizaine de questions sur son profil, ses préférences en matière de cosmétiques, ce qu’elle recherche, et tout cela est croisé avec les différents retours qu’elle nous fait sur chaque produit. Nous disposons de milliers de données. Ainsi, si nous souhaitons lancer une nouvelle marque de maquillage clean avec des actifs spécifiques, nous ciblons les personnes qui recherchent du maquillage et qui ont ces problématiques de peau, etc.

Quels vos leviers d’acquisition client ?

Nous utilisons principalement des canaux médias que nous pouvons suivre et mesurer, car il est essentiel pour nous de connaître notre retour sur investissement : les réseaux sociaux comme Meta, Google, et Snapchat. Ils jouent un rôle important dans nos stratégies d’influence. Nous investissons également dans le CRM et les canaux organiques, tels que l’email, WhatsApp, et SMS, qui constituent la majeure partie de notre budget marketing destiné à générer du trafic.

Pour la conversion, nous optimisons notre site web et nos offres, notamment en proposant des cadeaux contre achat. Par exemple, en s’abonnant pour 3 mois, nos clientes peuvent recevoir un cadeau.

Qu’en est-il de votre relation avec les influenceuses ?

Beaucoup de nos abonnées sont déjà actives sur Instagram et TikTok, souvent en tant que micro ou nano-influenceuses. Lorsque vous recherchez le hashtag de Blissim, une grande quantité de contenu est créée autour de nos box. C’est un aspect très intéressant pour les marques, car cela génère une visibilité organique.

En ce qui concerne les macro-influenceuses, nous collaborons avec elles de deux manières : nous investissons pour faire connaître nos box à travers leurs plateformes, et nous créons également des box en collaboration avec elles. Ce partenariat est précieux car il permet de profiter de leur recommandation tout en renforçant l’image de nos produits.

Et qu’en est-il de votre communauté en ligne ?

Nous avons créé une communauté exclusive et engagée appelée « Parlons Beauté ». Il s’agit d’un mini réseau social que nous avons lancé en version bêta en 2023 et officiellement début 2024. Cette communauté regroupe plus de 10 000 femmes passionnées par la beauté, qui échangent des conseils, discutent des dernières tendances, et partagent leurs expériences autour de nos produits et de ceux d’autres marques. L’accès à cette plateforme est restreint, ce qui permet d’entretenir un lien fort avec nos clientes les plus fidèles.

Nous offrons également à cette communauté l’opportunité de tester des produits en avant-première, de donner leur avis sur de nouveaux designs, ou d’accéder à des contenus exclusifs. Nous n’avons pas encore commercialisé cette initiative, car elle est avant tout conçue pour renforcer l’engagement de nos clientes et favoriser le bouche-à-oreille. Nous sommes impressionnés par le niveau d’engagement de ces femmes et pensons qu’il y a un véritable potentiel pour développer encore davantage cet aspect de notre marque.

Quel est le profil type de vos clientes ?

En moyenne, nos clientes ont environ 36 ans. Elles sont majoritairement basées en France, avec environ 20 % en Île-de-France et 80 % réparties dans les autres régions, bien que souvent dans des zones urbaines. Nous connaissons très bien le profil beauté de plus de 90 % de nos abonnées, ce qui nous permet de leur proposer des produits parfaitement adaptés à leurs besoins et attentes.

Comment choisissez-vous les marques avec lesquelles vous collaborez ?

Notre processus de sélection des marques avec lesquelles nous collaborons a beaucoup évolué au fil des ans. Au début, c’était assez difficile de trouver des partenaires, et nous devions souvent nous contenter de ce qui était disponible. Aujourd’hui, nous avons la possibilité de travailler avec presque toutes les marques.

Notre objectif principal est de collaborer avec les plus désirables du moment, ce qui a beaucoup changé au fil des années. Il y a dix ans, les marques désirables étaient principalement de grandes marques de luxe ou très sélectives. Aujourd’hui, le spectre est beaucoup plus large : nous travaillons autant avec des petites marques de niche qu’avec des marques de pharmacie qui retrouvent une certaine popularité.

Nous choisissons nos partenaires en fonction de nos besoins spécifiques et de ceux de nos abonnés.

Nous choisissons nos partenaires en fonction de nos besoins spécifiques et de ceux de nos abonnées. Par exemple, si nous identifions un segment de 50 000 femmes ayant des problèmes de rougeur, nous recherchons les 3 ou 4 meilleurs produits qui pourraient répondre à ce besoin et contactons les marques concernées. En fonction de leur disponibilité et de leur intérêt, nous décidons des collaborations et créons des box adaptées. Nous travaillons avec une grande anticipation : le contenu de nos box est déterminé entre 9 à 12 mois à l’avance. Par exemple, nous sommes actuellement en train de préparer la box de l’été 2025. Chaque mois, nous envoyons entre 20 et 80 types de box différentes, en veillant à ce que chaque abonné reçoive des produits qui répondent à ses besoins spécifiques.

Les acteurs dans la beauté en ligne se sont multipliés ces dernières années. Comment réussissez-vous à vous démarquer ?

Nous nous démarquons principalement par la qualité de notre produit. En Europe, nous sommes les seuls à pouvoir proposer des box contenant à la fois de très grandes marques, des marques de niche, techniques, actuelles. Aucun autre concurrent ne peut offrir cette diversité et cette qualité en France, Allemagne, Espagne ou Italie.

Un autre facteur clé de notre succès réside dans le rapport qualité-prix que nous proposons. Notre box est disponible pour 17,90 € par mois, alors que la valeur réelle des produits qu’elle contient se situe généralement entre 40 et 50 €. Cela représente une réduction de plus de 50 % par rapport à la valeur des produits.

Contrairement à d’autres, nous ne nous positionnons pas sur le prix des produits. Notre vision est celle de la « Discovery Beauty » : faire découvrir la beauté à travers des produits soigneusement sélectionnés et adaptés aux préférences de chacun, tout en restant abordable. 90 % des produits dans nos box sont des nouveautés, car les marques font appel à nous pour les faire découvrir. Nous collaborons avec plus de 300 marques, dont 20 à 30 % sont renouvelées chaque année.

Nous collaborons avec plus de 300 marques, dont 20 à 30 % sont renouvelées chaque année.

Après avoir découvert un produit dans notre box, une cliente peut décider de l’acheter ailleurs. Notre rôle est en amont : faire découvrir, susciter l’envie, et faciliter la décision d’achat, même si elle ne se fait pas directement chez nous. Cela renforce également nos partenariats, comme avec Sephora, où nous collaborons pour collecter des avis de consommateurs qui bénéficieront ensuite à la vente de produits sur leur site.

Et qu’en est-il de l’expérience client en ligne ?

L’idée principale est d’apporter de la nouveauté, de créer une surprise à chaque box. Il est important de noter que 200 000 femmes paient 17,90 euros pour recevoir un produit dont elles ignorent le contenu à l’avance. Habituellement, on paie pour savoir ce que l’on va recevoir, mais ici, ce n’est pas le cas.

Le sentiment de surprise que nous créons est au cœur de notre concept. En ce sens, notre approche est plus simple que celle d’un e-commerçant classique, car nous faisons vivre une expérience physique grâce au design de notre box, qui change parfois de couleur, de motif, de matière, ou même de format. Nous introduisons ainsi la surprise à travers ces éléments.

Qu’en est-il de votre expansion à l’international ?

Nous avons lancé nos activités en Allemagne et en Espagne il y a environ un an, et nous sommes très satisfaits des premiers résultats. Nous progressons étape par étape, sans investir de manière excessive, ce qui reflète notre philosophie d’entreprise : être attentifs et mesurés dans nos actions. Ces nouveaux marchés représentent un peu moins de 10 % de notre chiffre d’affaires, et nous espérons que cette part va doubler dans les prochaines années.

Il y a un vrai potentiel d’expansion, à la fois pour les marques françaises qui souhaitent tester les marchés étrangers, et pour les consommatrices étrangères désireuses d’accéder à de grandes marques, y compris françaises. C’est une opportunité très intéressante. Nous commençons à être sollicités par des marques locales très intéressées aussi par nos campagnes.

En Allemagne et en Espagne, avez-vous uniquement lancé les box ou également la partie shop ?

Nous avons principalement lancé les box. Cependant, nous nous permettons parfois de vendre nos éditions limitées ou nos calendriers de l’Avent.

La beauty tech est-elle un sujet pour vous ?

Pour l’instant, ce n’est pas encore une priorité, bien que nous suivions ce domaine de près, car il est très prometteur. Nous n’avons pas encore trouvé de solutions véritablement efficaces qui répondent aux besoins de nos clientes. Nous partons du principe que nos clientes se connaissent et sont capables de nous fournir des informations précieuses. Nous utilisons ensuite nos propres algorithmes pour analyser ces données et envoyer le bon message ou la box la plus adaptée.

Néanmoins, nous sommes convaincus que l’avenir réside dans la beauty tech, notamment grâce à l’intelligence artificielle. Nous pensons que des innovations très intéressantes vont voir le jour. Par exemple, nous envisageons qu’à l’avenir, lors du cycle d’abonnement, une analyse du visage de nos clientes pourrait être réalisée pour identifier différentes problématiques de peau. Cela nous permettrait d’obtenir des informations plus précises qu’un simple questionnaire, et de manière plus simple. Pour l’instant, nous n’avons pas encore intégré ces technologies, mais nous restons très attentifs à leur développement.

RDV aux Assises de la Beauté à Retail Days

RDV le 30 septembre aux Assises de la Beauté - © D.R.
RDV le 30 septembre aux Assises de la Beauté - © D.R.

Quentin Reygroballet, fondateur et directeur général de Blissim, interviendra lors des Assises de la Beauté organisée dans le cadre de Retail Days (30 sept -1er oct à Deauville) sur l’hyperpersonnalisation et le futur de l’expérience client.

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