De l’hyper à la proximité : Carrefour optimise sa logistique à Bourges
Par Mehdi Arhab | Le | Supply chain
Carrefour France poursuit sa transformation avec la mécanisation de l’activité « frais » dans son entrepôt de Bourges, en Centre-Val-de-Loire. Mourad Bensadik, directeur exécutif supply chain, souligne que cette nouvelle installation automatisée, lancée fin mai, permettra de traiter plus de 8 000 colis par heure.
Quelles sont les raisons qui vous ont poussé, en 2018, à ouvrir un entrepôt à Bourges et à mécaniser l’activité « frais » de cet entrepôt ?
Ce projet s’inscrit dans un programme global de transformation de notre supply chain. Il nous a permis de passer d’une supply chain spécialisée par format (hyper, proximité, Market, franchisé et intégré) à une supply chain plus intégrée, multiformat et multidestinataire. Ces dernières années, nous avons déménagé nos installations, pris de nouvelles positions et modernisé totalement notre parc immobilier logistique. Nous avions précédemment un site à Bourges, fermé en 2018, et avons décidé d’ouvrir un nouveau site dans cette même commune. Ce choix permettait à nos collaborateurs de poursuivre leur parcours professionnel au sein de Carrefour.
L’ouverture actuelle de cette installation mécanisée à Bourges est un nouvel ajout à ce programme structurant, essentiel pour nous, compte tenu de la diversité de notre supply chain. La polyvalence de nos bases logistiques permet désormais de desservir tous les magasins et d’absorber un maximum de références.
Notre programme de transformation repose sur la mécanisation de nos activités « frais » et l’automatisation de l’ensemble de nos activités e-commerce.
Notre programme de transformation repose sur deux piliers : la mécanisation de nos activités « frais » et l’automatisation de l’ensemble de nos activités e-commerce. Pour le deuxième pilier, nous voulions centraliser et industrialiser notre picking pour accompagner nos ambitions de croissance, tout en réduisant le temps de préparation en magasin. Concernant le premier pilier, sept sites ont déjà vu leur activité « frais » mécanisée, et Bourges est le huitième de cette liste. La prochaine étape de ce plan sera lancée très prochainement sur notre nouveau site de Cormelles-le-Royal (Calvados), dont l’inauguration est prévue pour septembre prochain.
Quelle est la dimension du site et de l’installation ?
Un peu moins d’un tiers de la surface du site, qui s’étend sur un total de 66 000 m², est dédié aux produits frais. L’installation mécanisée couvre donc cette portion. Ces installations pourront traiter plus de 8 000 colis par heure, nous permettant ainsi de gérer efficacement les pics d’activité structurels que nous connaissons.
Quelles adaptations cela a-t-il nécessité ?
Il nous fallait calibrer comme il se doit l’ensemble du périmètre d’action. Le site de Bourges doit assurer la livraison de près de 100 magasins, comprenant des hypermarchés et des Carrefour Market, situés dans 11 départements. Au départ, lorsque nous avons décidé de mécaniser cette partie du site, nous avions choisi de ne traiter qu’une portion de notre activité « frais » : celle dédiée aux Market, afin de sécuriser notre co-activité.
L’activité « frais » des hypermarchés et supermarchés a d’abord été traitée dans d’autres entrepôts, car notre installation à Bourges a été déployée progressivement. Grâce à notre réseau de 75 entrepôts en France, nous avons pu éviter toute précipitation, éprouver les premiers modules de mécanisation à Bourges et les faire monter en puissance de manière contrôlée et raisonnable. Ainsi, nous avons pu faire cohabiter les travaux d’aménagement liés à ce plan de mécanisation avec une partie de l’activité. L’installation étant désormais achevée, nous pouvons rapatrier l’ensemble de l’activité « frais » des 100 magasins que le site doit livrer.
En quoi l’activité alimentaire liée au frais s’applique mieux à ce programme de mécanisation que d’autres ?
Si nous avons pris le parti de mécaniser l’activité liée au frais, c’est avant tout parce que c’est une activité de type “flux-tendus” (en mode cross-dock)
Si nous avons choisi de mécaniser l’activité liée aux produits frais, c’est avant tout parce qu’il s’agit d’une activité de type « flux tendus » (en mode cross-dock). Nous ne maintenons aucun stock pour les produits frais, fonctionnant uniquement en flux tendus. Travailler de cette manière nécessite d’être extrêmement réactif et agile. Le tri à haute cadence devient alors indispensable, puisque les marchandises sont distribuées directement sans passer par une période de stockage. La mécanisation est donc la meilleure solution. En revanche, les activités alimentaires liées aux produits secs nous offrent beaucoup plus de latitude, car les marchandises peuvent y être stockées.
Qu’attendez-vous de ce projet de mécanisation Bourges ?
Nous ne sommes évidemment qu’au début de cette aventure. Nous avons respecté les délais, respecté le budget, et le lancement s’est déroulé de manière extrêmement maîtrisée pour un projet de cette envergure. En conséquence, tous les indicateurs sont au vert. Nous avons atteint tous nos objectifs. Le projet laisse désormais place à une installation qui devrait rapidement atteindre sa vitesse de croisière.
Quels KPI de réussite avez-vous retenu ?
Le premier critère de réussite réside dans l’augmentation de la qualité et de la fiabilité du tri, car le niveau de disponibilité des produits en magasin dépend de la qualité du tri en amont. C’est ce qui nous permettra de déterminer si ce projet est une totale réussite. Les premiers résultats sont encourageants et nous laissent penser que nous avons fait le bon choix.
Le second critère, rendu possible par la mécanisation, réside dans l’amélioration de la productivité grâce à la rapidité du tri.
Enfin, le troisième critère de réussite est la forte amélioration de nos conditions de travail. Les métiers effectués sur les sites logistiques sont généralement assez difficiles, il était donc important de prendre en considération cette dimension. C’est assurément un levier d’attractivité et de fidélisation. L’installation d’un environnement de travail ergonomique est, à mon sens, un élément extrêmement important, surtout compte tenu des difficultés de recrutement dans notre secteur, notamment dans nos bassins d’emploi.
Justement, comment se matérialise votre accompagnement d’un point de vue RH ?
Nous avons co-construit ce projet avec toutes les parties prenantes, tant internes qu’externes. De nombreuses tables rondes ont été organisées, et les dispositifs ergonomiques ont été conçus collectivement. La dimension RH a été intégrée dès la conception des postes de travail (réception, injection, mise en palette, etc.). Chaque aspect du projet et les potentielles difficultés physiques ont été abordées une à une, faisant de l’environnement de travail une priorité tout au long du processus.
Nous avons également formé nos collaborateurs en conséquence, développant leur polyvalence grâce à un plan de formation étalé sur plusieurs mois. Cela a permis aux équipes de s’approprier le projet et de se familiariser avec les changements induits. Cet accompagnement ne s’arrête pas là : il se poursuivra afin que nos collaborateurs restent dans une dynamique positive d’apprentissage et de développement. Nous prévoyons des points réguliers pendant plusieurs mois, voire plus d’une année, pour recueillir le ressenti de chacun et collecter les retours d’expérience. Cela nous permettra d’identifier de nouveaux axes d’amélioration pour faire grandir notre site de Bourges, améliorer nos autres installations et préparer le terrain pour notre futur site à Cormelles-le-Royal. Nous souhaitons capitaliser sur cette expérience et faire de la plateforme de Bourges une référence.
Quels sont les prochains postes d’investissement sur lesquels Carrefour compte se concentrer pour améliorer encore sa logistique ?
Nous voulons tout d’abord parvenir à renforcer significativement la disponibilité des produits en magasin. C’est pour nous la mère des batailles et l’essence même de notre métier
Outre l’ouverture de notre site à Cormelles-le-Royal, nous avons plusieurs grandes priorités à adresser dans les prochains mois. Nous voulons tout d’abord renforcer significativement la disponibilité des produits en magasin. C’est pour nous la mère des batailles et l’essence même de notre métier.
Il nous faut également trouver des moyens de rationaliser nos stocks et de travailler plus souvent avec des « justes » stocks, tant pour des considérations de valeur de stock, de RSE que de besoins de surfaces. Enfin, au milieu de tous ces chantiers, un autre point majeur ne doit pas être oublié : le volet inclusion. La dimension humaine de la supply chain est primordiale, encore plus dans des projets de transformation comme le nôtre. La supply chain ne fonctionne pas de manière indépendante du reste du groupe ; elle s’intègre dans un environnement d’entreprise global qui nous guide. Nous devons offrir à chaque jeune en quête d’un métier au sein de la supply chain, et à chaque personne en situation de handicap qui le souhaite, l’opportunité de faire carrière dans les métiers de la logistique.
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