Auchan cherche la bonne formule du magasin autonome
Par Dalila Bouaziz | Le | Concepts
Cet article est référencé dans notre dossier : Les derniers concepts de magasins en France et à l'international
Nouvelle déclinaison du magasin autonome version Auchan. Le distributeur expérimente son nouveau point de vente sans caisse à son siège social de Villeneuve d’Ascq, dans les Hauts-de-France. Visite.
Au siège social d’Auchan Retail France, à Villeneuve d’Ascq (Hauts-de-France), la première chose que l’on aperçoit sur le parking c’est l’ancien Auchan Minute, la première version du magasin autonome du distributeur, vidé aujourd’hui de tout contenu. En ce mercredi 3 mai, nous venons visiter la nouvelle mouture, « la V2 ».
Depuis le 25 avril dernier, à l’entrée du bâtiment au rez-de-chaussée, les 2 500 collaborateurs du siège social peuvent tester « Auchan Go le Lab ». « Notre nouveau magasin intelligent, souligne Émilie Soleri, directrice générale déléguée en charge du e-commerce, marketing et digital d’Auchan France. Nous avions une vraie envie de tester un nouveau concept en interne, d’abord pour nos collaborateurs, après notre premier magasin sans contact installé sur le campus de l’EDHEC à Croix. Il y avait une forme de balbutiement autour de ce concept mais pas de vision vraiment posée et stratégique pour l’entreprise, de ce que nous devrions en faire : comment allier le meilleur de la techno et de nos expertises ? »
1 000 références et une superficie de 86 m2
Après trois mois de projet, ce nouveau laboratoire d’innovations technologiques voit le jour avec l’objectif de tester les parcours de courses, solutions sans contact ou nouveautés produits, en mode test and learn. « Les technologies déployées vont nous servir dans d’autres types de formats, nos hypermarchés et supermarchés, et nous aider à mieux référencer nos produits, gérer nos assortiments et comprendre les parcours clients, mais aussi de proposer des solutions plus efficientes en matière de paiement sans contact », pointe Samir Amellal, Chief data and information officer.
Les technologies déployées vont nous servir dans d’autres types de formats comme nos hypermarchés et supermarchés
Cette fois, le magasin est plus grand avec une superficie de 86 m2 et ressemble à un format de proximité. Il peut accueillir une trentaine de clients en même temps. 1 000 références (vs 400 pour l’EDHEC), dont près de la moitié de MDD, sont proposées principalement des produits de snacking et dépannage avec quelques fruits et légumes, boissons, surgelés, produits frais et boulangerie. L’approvisionnement quotidien provient de l’hypermarché de Faches-Thumesnil, situé à 10 kilomètres. Les prix des produits sont en moyenne « entre 10 à 30 % plus chers » qu’en hypermarchés. « Nous cherchons le point d’équilibre, explique Basile Guérin, direction de l’innovation. C’est un magasin d’apprentissage où le but est à la fois ne pas perdre d’argent mais sans faire de profit non plus. »
Deux identifications possibles pour entrer dans le magasin
Pour entrer dans le point de vente sans caisse, le client doit d’abord s’identifier soit en téléchargeant l’application dédiée « Auchan Go » qui génère un QR code et permet l’ouverture de la barrière électronique ou en plaçant directement sa carte bancaire - en indiquant son mail afin de recevoir son ticket de course dématérialisé- sur le système d’entrée. Une empreinte bancaire est effectuée pour qu’Auchan puisse prélever le montant des courses réalisée. La carte bancaire est la nouveauté du système réalisé en collaboration avec les sociétés UpStream Pay (plateforme Saas de paiement unifié) et Worldline.
Le magasin sans personnel dispose de 138 caméras au plafond (contre 38 pour l’EDHEC). La technologie développée est basée sur une solution de pesée, via les étagères équipées de balance, permettant d’identifier les articles. Les capteurs identifient les mouvements avec des algorithmes d’intelligence artificielle de la start-up israélienne Trigo. Une technologie déjà en cours dans cinq magasins Tesco au Royaume-Uni, chez Aldi à Utrecht (Pays-Bas) et en Allemagne avec Netto. Et c’est une première collaboration avec un distributeur français. Auparavant Auchan s’était associé à la société chinoise Cloudpick, mais la technologie moins agile obligeait l’enseigne à modifier ses rayons. « Nous devions lui prendre les frigos et gondoles. Aujourd’hui, nous pouvons utiliser notre mobilier et adapter les rayons à la taille du produit, en conditions réelles, dans une optique de scalabilité ou de passage à l’échelle », explique Malvina Nortier, chef de projet Auchan Go.
Une volonté de scalabilité
Côté chiffres, Auchan ne communique pas sur l’investissement. Le panier moyen n’est pas encore connu. « Nous avons eu beaucoup de visites mais nous devons analyser le nombre d’achats réalisés et leur fréquence », pointe Emilie Salori. En comparaison, au magasin de l’Edhec plus petit et avec moins de références, le panier moyen est de 4 euros (environ un article et demi par client) avec 400 clients par jour et jusqu’à 800 passages lors de la période d’examens (la clientèle étant composée d’étudiants, Auchan le fermera cet été pendant un mois du 15 juillet au 15 août, les frais d’exploitation étant plus élevés que le nombre de visiteurs durant cette période, NDLR).
Le distributeur ambitionne de pouvoir industrialiser ce nouveau format. « Nous voulons passer à l’échelle et de ne pas être bloqué à un seul magasin », affirme Samir Amellal. Si le concept est encore en phase test, Auchan se donne « trois à quatre mois » pour réfléchir à un possible plan de déploiement l’an prochain dans des lieux à fort trafic (campus, entreprises, hôpitaux, centres-villes). Dans les faits néanmoins, les expériences de magasins autonomes restent peu concluantes en France dans la grande distribution, en raison des coûts d’exploitation et de la nécessité d’embarquer les consommateurs. Le projet Blackbox de Monoprix ne s’est pas déployé, Carrefour a fermé son « Carrefour Flash » pour une nouvelle configuration « dans les prochains mois ». Il sera donc intéressant de voir si Auchan réussit à trouver le bon modèle économique.