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Allon Zeitoun (Naturalia) : « Nous ne sommes pas le défenseur d’une filière »

Par Dalila Bouaziz | Le | Communication

L’annonce a surpris lors des résultats annuels de l’enseigne. Le directeur général Allon Zeitoun a dévoilé un nouveau positionnement où la marque devient garante du manger sain et du goût, sans valoriser outre-mesure la bio. Le dirigeant revient en détail sur ce virage.

Depuis 2017, Allon Zeitoun est le directeur général de l’enseigne Naturalia. - © LAETITIA DUARTE
Depuis 2017, Allon Zeitoun est le directeur général de l’enseigne Naturalia. - © LAETITIA DUARTE

Pourquoi ce changement de positionnement où vous êtes spécialiste bio sans l’être tout à fait à présent ?

L’offre reste quand même à 95 % bio. Le vrai sujet, c’est que l’année dernière, du fait du retournement de marché (le marché a décliné de 12 % en 2022, et l’enseigne Naturalia a enregistré une baisse de son chiffre d’affaires de 7,7 % pour atteindre 355 millions d’euros, NDLR), nous avons remarqué que certains de nos clients ne venaient plus dans nos magasins. Nous nous sommes interrogés sur la raison et rendu compte que nous nous étions éloignés de leur demande mais aussi de notre raison d’être. Elle a toujours été de proposer des produits sains à nos clients.

Nous nous en sommes détournés pour défendre une vision de l’agriculture et la transformation alimentaire qui est celle de la bio.

À laquelle on peut souscrire à titre individuel mais qui n’est pas la demande de nos consommateurs et clients. Ils souhaitent avant tout que nous leur proposions des produits sains. Ce point de départ nous a fait changer de positionnement en apportant cette fonction d’utilité pour nos clients. Nous ne sommes pas nécessairement le défenseur d’une filière.

Néanmoins, Naturalia est le numéro 2 du secteur de la bio et vous étiez vous-même le président du syndicat bio (Synedis bio) ?

Je continue à la défendre à titre individuel. La bio, pour nous, est un moyen de répondre à une demande client. Ce n’est pas une fin en soi. Nous ne la défendons pas bien en l’érigeant comme une finalité. Nous devenons alors militant et repoussons les personnes qui ne sont pas avec nous. Pour ouvrir la bio et continuer à la faire croître, en cherchant de nouveaux clients, nous devons rappeler notre bénéfice principal, la santé. Dans un moment, où les Français doutent de l’efficacité du label bio. Notre sujet reste la santé et des produits bons, et pas nécessairement le label.

Quand vous évoquez le côté militant, on pense forcément à Biocoop, leader du marché, qui le revendique. Cela signifie que l’enseigne sera la seule à continuer à pousser la bio dans ses prises de parole ?

Nous faisons bouger les choses de façon différente. Biocoop considère qu’en étant militant, ils font la croissance de la bio. Chez Naturalia, nous considérons qu’on la fera en travaillant sur la gourmandise et le plaisir d’achat. Nous avons le même objectif mais nous employons des moyens différents. Que deux concurrents aient des stratégies différentes, je n’y vois rien de choquant. Et il y a également d’autres enseignes dans le secteur…

Lors de la crise sanitaire en 2020, la bio avait le vent en poupe. Vous étiez justement dans une période propice où les consommateurs recherchaient ces produits sains. Pourquoi n’avez-vous pas pris le virage à ce moment-là ?

On peut toujours refaire l’histoire et se dire qu’on aurait pu effectuer la bascule. Quand vous faites de la croissance à deux chiffres, vous êtes certain d’avoir raison. Vous ne vous remettez pas en question. C’est lorsque vous vous prenez le mur que vous vous posez les bonnes questions.

Sur quelles catégories, allez-vous vous ouvrir sur du non bio ?

Le non bio demeura toujours sans pesticides. Les producteurs et transformateurs doivent impérativement respecter notre cahier des charges. Par exemple, des fruits et légumes produits sans serre chauffée. Nous connaissons des primeurs qui travaillent sans pesticides et que nous pourrons être amenés à faire entrer dans notre offre.

Nous avons déjà démarré dans le non-alimentaire avec la marque naturelle de produits capillaires « Les Secrets de Loly ». Nous sommes en discussion avec d’autres marques. Pour les produits alimentaires transformés, nous n’en avons pas encore tout à fait identifié.

Cette part peut-elle augmenter ?

Nous ne fixons pas de règle car l’offre n’existe pas : sans pesticides et sans être forcément bio.

N’avez-vous pas peur de créer une confusion pour les consommateurs déjà perdus avec les différents labels avec ce nouveau positionnement ?

Non, je ne le pense pas. En revanche, nous devons être irréprochables sur notre cahier de charges. Notre label devient Naturalia.

Notre label devient Naturalia.

Nous devenons le garant de ce qu’on leur propose. Par exemple, le label bio n’interdit pas le sans nitrites… Nous pouvons aller plus loin si cela nous paraît pertinent. Ainsi dans trois ans, l’ensemble de nos gammes n’auront plus de nitrites. Nous pouvons aller chercher des produits qui ne sont pas labellisés bio. Nos clients doivent nous faire confiance.

Avec ce positionnement sur des produits sains, ne rentrez-vous pas sur celui de la grande distribution avec le « mieux-manger » ?

En aucun cas ! L’expérience client est totalement différente dans nos magasins. Nos clients sont toujours accueillis par nos conseillers. Par ailleurs, tant que vous vendez du Coca-Cola et du jambon Herta, je suis assez tranquille sur le fait que les clients font bien la différence entre nous et la grande distribution.

Vous avez doublé vos offres promotionnelles et prix bas. Comment s’effectue cet arbitrage au niveau des prix ?

Le prix a toujours été le principal frein dans la bio. Suivant les catégories de produits, la bio est entre 20 et 50 % plus chère que le conventionnel. Cet écart s’est réduit car depuis un an, on estime que l’inflation est de 17 % sur un an glissant. Tandis qu’en bio, elle n’est que de 7 % sur le marché. Quasiment tous nos produits sont produits en France, et nous n’avons pas d’intrants chimiques, donc le coût de l’énergie se répercute beaucoup moins sur nos articles. Nous avons répercuté cette hausse que de 2 % pour nos consommateurs.

Nous avons investi dans les prix.

La mise en place d’un abonnement permet également de baisser de 10 % les prix en magasin. Ce programme fonctionne très bien. Enfin, nous avons identifié auprès des clients tous les produits sur lesquels nos prix ont diminué. Nous avons réalisé un gros travail pour que le panier de nos consommateurs ne « s’enflamme » pas trop.

Ces prix en baisse représentent combien de produits au sein de votre assortiment ?

Toutes les catégories sont concernées. Nous recensons 170 produits à « prix bas » et près de 300 promos par mois en magasin, sur 4 000- 5 000 produits en magasin. Cela représente 10 % de l’offre.

Comment faites-vous pour avoir des prix bas sans mettre en difficulté vos fournisseurs dans ce contexte compliqué ?

Nous rognons sur notre marge en espérant retrouver du volume. Nous n’avons pas sorti de fournisseurs. Nous discutons avec ceux qui sont concernés par la suppression prochaine des nitrites ou de l’huile de palme de nos produits, correspondant à notre nouveau cahier des charges. Cela se fait en bonne intelligence pour qu’ils puissent trouver une alternative. Nous avons également fortement travaillé notre offre sur les fruits et légumes avec en permanence des prix bas et promotions.