Guillaume Sénéclauze (Monoprix) : « Ce qui m’anime, c’est de transformer les enseignes en marques »
Par Clotilde Chenevoy | Le | Marketing in store
Expérience client, omnicanal et expansion. En trois mots, voici le résumé de la feuille de route de Guillaume Sénéclauze, qui a pris la tête du groupe Monoprix en début d’année et qui doit conduire à transformer l’enseigne Monoprix en marque à part entière.
Vous avez pris la présidence de Monoprix en mai dernier. Pouvez-vous revenir sur votre parcours et votre prise de fonction ?
Fin 2021, je suis revenu d’Amérique du Sud en France pour m’occuper des enjeux d’ omnicanalité du groupe Casino. J’ai pris ensuite, en mai 2022, la présidence du groupe Monoprix. Je travaille depuis 24 ans dans le retail et j’ai effectué un tiers de ma carrière en France et deux tiers à l’international dans 9 pays différents.
Ce qui m’anime, c’est de transformer les enseignes en marque, en leur donnant un petit coup de boost Monoprix est une marque et c’est ce qui m’enthousiasme… J’ai contribué récemment à relancer Carulla en Colombie avec un nouveau concept. C’était une belle réussite collective.
Qu’est-ce qu’une marque comparée à une enseigne pour vous ?
La marque, c’est un repère pour le client qui a une dimension émotionnelle et qui provoque une relation qui dépasse le simple rapport transactionnel. Monoprix est la seule marque de supermarché qui a exposé au musée des Arts Décoratifs. C’est une love brand et pas seulement une enseigne chez qui l’on va car c’est à côté de chez soi. Les clients viennent chez Monoprix parce qu’ils aiment la marque. Mais c’est une marque à laquelle il reste à donner des raisons aux clients de venir visiter le magasin ou le site. Ma feuille de route porte notamment sur cet enjeu.
Plus concrètement, comment cela se traduit ?
Avant de chercher les raisons qui poussent les consommateurs à revenir chez Monoprix, nous travaillons sur les points de friction qui font qu’ils ne reviennent pas chez nous. Et il faut trouver des raisons globales et des raisons par magasin. C’est une enseigne qui fête ses 90 ans cette année et chaque point de vente a été créé selon les critères de certaines périodes.
Mon premier point a été de définir un contrat de base qui porte sur 10 irritants précis. On ne réinvente pas l’eau chaude mais on concentre nos efforts sur les fondamentaux utiles aux clients. C’est par exemple des points de vigilance sur la propreté du magasin, le plein de rayons, le prix, les allées dégagées, dire oui au client, etc. C’est assez simple mais pour que 20 000 personnes suivent chacun de ces points et les indicateurs de performances par magasin, c’est un vrai travail collectif.
Au-delà de ce contrat de base, quels sont vos autres leviers pour faire revenir le client ?
Le deuxième point consiste à adresser la question du pouvoir d’achat, qui touche tout le monde. Nous avons donc intensifié les promotions et elles se voient désormais beaucoup plus en magasin. Elles permettent à nos clients d’accéder à des produits de qualité à moindre coût. En septembre, nous avons lancé « Monopetitsprix », soit 300 prix bloqués sur des produits du quotidien de marque propre. Elles sont particulièrement différenciantes et c’est là que le client nous attend.
Nous avons également mis en place Monopflix, un abonnement qui donne droit à 10 % de réduction. Et en octobre, nous avons proposé des menus aux familles, 10 euros pour 4 personnes, ou pour les étudiants, avec 20 euros pour 5 jours incluant 5 petits-déjeuners et 5 dîners. Une opération qui reviendra en janvier probablement. Ce sont des solutions avec un bon rapport qualité-prix et élaborées par des nutritionnistes. D’autres menus arriveront prochainement mais nous devons davantage faire connaître cette offre. Toutes ces opérations répondent à un vrai besoin d’acheter malin.
Si on continue sur les innovations, quels sont vos derniers projets ?
Nous avons lancé une nouvelle enseigne, Monoprix Maison, ce qui n’a pas été fait depuis très longtemps. Un pilote a été ouvert à So Ouest, à Levallois-Perret (92). Il rencontre son public et cela nous encourage à continuer mais toujours avec beaucoup d’humilité. Nous sommes sur une approche pragmatique, en mode test and learn sur les arts de la table et la décoration. Nous voulons nous assurer d’avoir le bon prix, les bonnes catégories et le bon rythme. Une fois que nous aurons trouvé le bon équilibre, nous allons pouvoir le développer et le franchiser.
Nous innovons aussi dans notre offre, notamment avec des collaborations. Par exemple, pour Noël nous avons co-créé avec Pierre Marie, l’un des designers français d’une grande marque de luxe, une ligne de produits en édition très limitée. Ce type de collaboration avec de grands designers apporte un renouvellement dans l’offre avec des produits uniques que cela soit pour des coussins, des assiettes ou des vêtements.
Sur la partie alimentaire, pareil, nous avons aussi des collaborations avec des Meilleurs Ouvriers de France qui nous concoctent des plats cuisinés comme avec Christian Le Squer. Ou nous travaillons aussi sur nos filières.
Sur le non-alimentaire, Monoprix a son ADN propre. Mais sur l’alimentaire, tout le travail autour des filières et des labels ou des collaborations avec chefs, beaucoup d’enseignes sont positionnées sur ces sujets. Est-ce vraiment un argument différenciant et compris par les clients ?
Il y a encore beaucoup à faire car il est très difficile de comprendre tout le travail engagé. Cela doit commencer par donner le juste rapport qualité-prix et expliquer ce qu’il y a derrière les labels bio, rouge, Max Havelaar ou encore nos filières Tous Cultivateurs. Sur le muscat par exemple, via la filière Tous Cultivateurs, le meilleur de la récolte est pour Monoprix. Ou encore pour le Kiwi, il venait avant du bout du monde et désormais nous proposons de la production locale française.
Plus globalement pour nous différencier, nous voulons que Monoprix soit l’écrin des grandes marques et un tremplin pour les plus petites marques. Nous l’avons fait il y a 10 ans avec Michel & Augustin ou il y a deux ans avec Respire. Nous voulons donner leur chance à de jeunes pousses françaises. C’est une de nos vocations et c’est aussi pour cela que les consommateurs viennent chez nous.
Le marché du bio défaille. Quelle lecture en faites-vous ?
C’est un marché qui est en correction conjoncturelle, avec des volumes négatifs, mais nous sommes totalement engagés à défendre le bio, que cela soit chez Naturalia ou chez Monoprix. Il ne faut pas tirer de conclusions hâtives, il y a des raisons de fond pour que le bio continue à croître car ce sont des meilleurs produits pour la santé et pour la planète. Par ailleurs, pour les agriculteurs, il faut 3 à 5 ans de conversion pour devenir bio. Il est important pour eux que nous maintenions le cap.
A court terme, le bio est mis à l’épreuve par l’inflation et par la hausse des prix. Ces cultures ont un rendement inférieur donc leurs tarifs sont plus onéreux qu’un produit conventionnel. Les clients font des arbitrages en fin de moi, en défaveur du bio. Mais il est vrai aussi qu’il y a aussi un peu de confusion entre le bio, les circuits courts et le local. C’est à nous de donner du sens et d’éclairer les clients.
Dans ce contexte, Naturalia, qui est le deuxième acteur du marché bio, est une enseigne de consolidation et gagne des parts de marché à mesure que des défaillances apparaissent. Cet été, par exemple, nous avons repris 9 magasins Les Nouveaux Robinsons.
Vous avez évoqué avec Carulla l’importance de développer l’omnicanal pour une enseigne. Qu’en est-il chez Monoprix ?
C’est l’un des points clés de la stratégie. Nous voulons multiplier par deux les ventes omnicanales d’ici 2025. Pour cela, la politique est d’offrir aux clients ce qu’ils veulent en nous appuyant sur notre offre complète de services.
Cela commence avec les livraisons depuis le magasin, réalisées à pieds. Nous avons travaillé le parcours client pour faciliter l’accès au service. Pour les plus grosses courses de fond de placard qui contiennent une quarantaine de produits, il y a la solution Ocado qui s’occupe de livrer à domicile. C’est la meilleure solution du marché qui promet la livraison sur un créneau d’une heure avec un taux d’erreur inférieur à 1 %, soit le plus bas du marché. Nous enregistrons une croissance à deux chiffres et nous sommes loin d’avoir touché le toit !
A l’opposé du spectre, nous proposons aussi la livraison en quelques minutes via notre partenariat avec Gorillas et Frichti. Le Quick Commerce répond à des besoins urgents et il est complémentaire à Ocado avec les 2000 références proposées. Le marché est très challengé et en cours de consolidation mais nous travaillons avec les leaders pour chaque segment. Au milieu, il y a les marketplaces comme UberEats, Deliveroo ou Amazon qui ont un assortiment moyen entre Ocado et le Quick Commerce, avec une livraison en quelques heures.
Côté expansion, quels sont vos projets ?
Cette année, nous souhaitons pousser les petits formats proxi avec Monop’ principalement. Ils répondent à la demande des clients qui veulent toujours plus de praticité, en centre-ville. C’est le format le plus dynamique du moment. Nous ciblons d’ouvrir 100 nouveaux magasins en 2023, sous franchise en majorité pour une expansion accélérée. Nous n’excluons pas d’ouvrir d’autres formats selon les opportunités. Par exemple, nous ouvrirons aussi en Suisse avec Naturalia qui renforce son partenariat avec Migros. Notre développement se fera en France et également à l’international notamment dans les pays du Golfe.
Vous avez mené différentes diversifications dans la santé ou la mobilité. Où en êtes-vous sur ce sujet ?
Cela fait partie de nos innovations test and learn. Il y a des endroits où cela fonctionne et d’autres non. Sur la mobilité par exemple, il y a de la demande en été mais pas en hiver. Nous avons mis en pause certaines expérimentations. Mais nous sommes dans un programme d’innovation continue, à l’image de Monoprix Maison.